VEILLE ANTHROPOCENE #31

berenice gagne
Anthropocene 2050
Published in
10 min readMay 28, 2020

Semaine du 22 au 28 mai 2020

De riches articles révèlent, cette semaine, les menaces qui pèsent sur les forêts à travers le monde et les conséquences à la fois climatiques et sanitaires inhérentes. Pendant ce temps en ville, on réalise que la ville optimale n’est pas résiliente.

Distanciation physique pour la prochaine saison du Berliner Ensemble (Allemagne) © Berliner Ensemble

Si vous avez des suggestions pour enrichir cette veille, n’hésitez pas à les partager : berenice.gagne@universite-lyon.fr

Retrouvez la veille au fil de l’eau sur twitter : @BereniceGagne

URBAIN

- « Vers un modèle circulaire pour les matériaux de construction » : quel est l’état de la gestion actuelle des flux de ressources et de déchets essentiels au métabolisme francilien ? Comment organiser une transition vers un modèle plus circulaire ? (L’Institut Paris Région, 27/05/2020).

- Un regard historique pour « comprendre la façon […] dont les pouvoirs publics français ont agi, ou n’ont pas voulu agir, pour lier prévention des maladies contagieuses et transformation de l’espace urbain, avant la grande accélération de l’urbanisation » (Anthropocène 2050, 26/05/2020).

- Le gouvernement chinois interdit le plagiat, l’imitation et la copie en architecture pour les bâtiments publics car l’architecture révèle la culture d’une ville : il s’agit de « renforcer la confiance culturelle, manifester l’esprit contemporain et afficher les caractéristiques chinoises » d’une ville (Hyperallergic, 25/05/2020).

- Une analyse de la structuration de l’espace urbain à Paris par l’héritage des techniques et des choix politiques qui ont consacré la domination de l’automobile comme mode de déplacement alors que le contexte de pandémie pourrait accélérer la piétonisation (métropolitiques, 25/05/2020).

- Une tribune pour le rééquilibrage des investissements et des politiques entre grandes métropoles et villes moyennes au Royaume-Uni (The Guardian, 24/05/2020).

- Une tribune pour des « politiques temporelles locales » qui visent la réduction des « inégalités de genre et sociale en matière d’usage du temps et d’accès aux différents services du territoire, […] une amélioration de la qualité de vie et plus d’égalité entre les citoyens à travers une meilleure gestion individuelle et collective des rythmes du territoire » (Libération, 23/05/2020).

- Le trottoir devient une zone de rencontre et d’expérimentation à la faveur de la distanciation physique imposée par le coronavirus (Le Monde, 23/05/2020).

- La ville optimale, « celle du planificateur qui ne raisonne qu’en termes d’efficience, de rationalisation des ressources et des fonctions, d’économies de temps de transport, de matériaux de construction », n’est pas résiliente car elle ne dispose pas « de ressources cachées pour s’adapter et rebondir » (Le Monde, 22/05/2020).

- Une étude des systèmes urbains tropicaux dans l’Antiquité pour diversifier les modèles d’une transition vers des villes soutenables : les avantages sociaux et environnementaux des systèmes urbains décentralisés, en réseau et de faible densité, fréquemment trouvés dans les archives archéologiques tropicales (The Anthropocene Review, 22/05/2020).

- « Ce que les grandes épidémies disent de notre manière d’habiter le monde » (Le Monde, 21/05/2020).

- Parution d’un ouvrage de la Fédération nationales des agences d’urbanisme qui dresse un état des lieux des nouvelles politiques territoriales de santé pour créer une ville qui prend soin de ses habitant·es (FNAU, mai 2020).

POLITIQUE

- Le Rwanda, modèle de lutte démocratique contre le dérèglement climatique : « Depuis 2015, un travail de fond a été mené pour que le pays et l’ensemble des administrations s’approprient l’enjeu climatique » (Le Monde, 27/05/2020).

- Une analyse de l’Accord de Paris sur le climat (2015) comme un changement profond dans la gouvernance mondiale du climat vers un système de gouvernance incantatoire qui révèle l’entrée de la culture du management dans les organisations internationales (International Politics, 27/05/2020).

SOCIETE

- A écouter : « Un printemps 2020 : corps confinés, surveillés, soupçonnés », un échange pour s’interroger sur ce que sous-tend cette mise à distance de nos corps, ce contrôle collectif sanitaire mais aussi politique (Rue89Lyon, 27/05/2020).

- Une tribune pour repenser le lien entre les générations et mobiliser tous les leviers de la société alors qu’un vieillissement accru de la société française est attendu entre 2030 et 2050 (Le Monde, 26/05/2020). Une traduction possible dans le domaine de l’architecture et de l’urbanisme : l’habitat intergénérationnel (Le Monde, 23/05/2020).

- Le lobbying des industriels du plastique contre l’interdiction des produits jetables dans le contexte de la pandémie (basta, 26/05/2020). Dans le même ordre d’idée, un article très éclairant sur l’histoire récente du masque jetable (Le Monde, 25/05/2020).

- « À pied, à vélo, en canoë… Voyager lentement pour se reconnecter au vivant » (Reporterre, 25/05/2020).

- Une étude du coût environnemental de la fast fashion, ou « mode éphémère » (Nature Reviews Earth & Environment, 07/04/2020).

SANTE

- Imaginer ce que pourrait être l’hôpital de demain, un hôpital Gaïa, comme lieu emblématique de ce que prendre soin signifie (Anthropocene 2050, 26/05/2020).

« Picknick III » © Hartmut Kievert (2019)

AGRICULTURE

- Dans la région de Niamtougou (Nord du Togo), une ferme pédagogique agroécologique nourrit les villageois, transforme ses produits et forme près de 800 personnes par an à l’agroécologie (Le Monde, 23/05/2020).

ALIMENTATION

- Controverse autour de l’interdiction du commerce de la viande de brousse : d’un côté des arguments pour la protection de la biodiversité et la prévention des risques de zoonoses, de l’autre une alerte sur la dépendance alimentaire à la viande de brousse de nombreuses populations, une dénonciation du racisme et de la vision conservationniste du monde qui considère l’humain comme un ennemi de la « nature » (The Guardian, 26/05/2020).

- Distanciation culinaire en Chine : des campagnes d’information sanitaire sont menées, dans les restaurants en particulier, pour vanter les mérites des couverts de service à l’occidentale et dissuader les convives de partager des plats disposés pour tout le monde au milieu de la table, comme le veut l’art de la table convivial chinois (The New York Times, 25/05/2020).

- « Traversés par la perspective d’une chute brutale de pouvoir d’achat et le risque d’une rupture d’approvisionnement alimentaire, ils font, à l’échelle locale, le choix de l’auto-organisation pour assurer une alimentation saine sur leur territoire » (Médiapart, 24/05/2020).

- Des propositions de transformation du système alimentaire afin d’orienter les politiques agricoles et alimentaires à venir et de renforcer la résilience alimentaire (Les Greniers d’Abondance, 21/05/2020).

HUMAIN/VIVANT/NON-VIVANT

- A écouter : un entretien avec le biologiste Gilles Bœuf sur le contexte de l’émergence de la crise sanitaire et des prochaines : « on a créé des conditions effroyables de promiscuité entre des animaux sauvages qui n’auraient jamais dû se croiser » (France culture, 28/05/2020).

- A écouter et à lire : une chronique sur l’articulation entre droits humains et biodiversité qui s’appuie sur l’ouvrage de Corine Pelluchon, Réparons le monde. Humains, animaux, nature (Rivages, 2020) (France culture, 28/05/2020) et une présentation de ce recueil de textes de la philosophe parus au fil des ans qui éclaire sa démarche articulant la vulnérabilité des personnes, des animaux et de la terre. Elle compare également l’éthique du care et l’éthique de la vulnérabilité qui partagent une remise en question du statut de sujet moral individuel et de son autonomie supposée souveraine, en insistant sur la réciprocité et l’interdépendance de nos existences. Il semble cependant que ces éthiques divergent en termes de mise en œuvre politique : un contrat social est proposé dans le cadre de la vulnérabilité tandis que le care relèverait du cas par cas (Le Monde, 22/05/2020).

- A écouter : dialogue avec l’anthropologue spécialiste des virus Frédéric Keck pour qui « chaque pandémie révèle les relations entre les hommes et les animaux » (France culture, 22/05/2020).

PLANETE TERRE

- Une compilation des données du centre de recherche du Met Office (service national britannique de météorologie) depuis 30 ans révèle la trajectoire alarmante du dérèglement climatique (The Guardian, 27/05/2020).

- Après l’Est du continent africain, l’Inde subit à son tour une invasion de criquets pèlerins, en plus de la pandémie et ses conséquences économiques désastreuses, d’un cyclone dévastateur la semaine dernière et d’une canicule. Les raisons d’une attaque d’une telle ampleur semblent être liées au dérèglement climatique : une fin d’année 2019 anormalement chaude sur l’Ouest de l’océan indien et des pluies importantes sur l’Afrique de l’Est et la péninsule arabique auraient favorisé la reproduction des criquets (The New York Times, 27/05/2020).

- Une étude analyse la réaction des forêts à la sècheresse de plus en plus fréquente à travers le monde et craint un futur changement profond des forêts et de tout l’écosystème forestier (The Revelator, 26/05/2020).

- Face à la hausse des températures, les animaux marins se déplacent en moyenne de 6 km par an en direction des pôles, contre 1 km par an pour les animaux terrestres freinés par les activités humaines : « la fragmentation des habitats liée à l’urbanisme, la déforestation, le développement des villes, les changements d’usage des sols et le morcellement des forêts » (Le Monde, 25/05/2020).

- La déforestation des forêts tropicales menace leur capacité à stocker les émissions de combustibles fossiles. « Il est à craindre que le réchauffement climatique ne réduise cette réserve si la croissance des arbres diminue ou si leur mortalité augmente, accélérant ainsi le changement climatique » (cnrs, 25/05/2020).

- La semaine dernière a été une parfaite illustration de notre vulnérabilité aux risques combinés au dérèglement climatique : pandémie, crise économique, crise alimentaire, cyclone, prévision d’une saison d’ouragans particulièrement violente, invasions de criquets, fortes pluies engendrant un débordement de 2 barrages. « Le dérèglement climatique rend les événements climatiques extrêmes plus violents et plus fréquents » Comment réduire notre vulnérabilité ? (The New York Times, 23/05/2020).

- 2 scénarios anthropocènes post-coronavirus pour 2035 : business as usual ou sobriété & résilience (Le Monde, 22/05/2020).

- Un dossier très complet sur la forêt amazonienne, les activités humaines qui la menace et les actions des 9 pays qui la partagent pour la protéger (BBC, 21/05/2020).

DECHETS

- Les égouts sentinelles de la propagation du SARS-CoV-2 : « L’analyse des eaux usées des villes permettrait, selon des chercheurs, de détecter de façon précoce la présence d’une contamination de la population, avant même sa manifestation clinique » (Le Monde, 26/05/2020).

ECONOMIE

- David Graeber, auteur états-unien de Bullshit Jobs (Les Liens qui Libèrent, 2018), signe une tribune un peu caricaturale pour questionner de quoi parlent les dirigeants qui appellent à « relancer l’économie » : « il semble que nous ayons atteint un stade où l’économie désigne non pas un mécanisme censé pourvoir aux besoins humains ou même à leurs désirs, mais majoritairement à ce petit surplus, la cerise sur le gâteau : ce qui naît de l’augmentation du PIB » (Libération, 27/05/2020).

ENERGIE

- Le rapport annuel de l’Agence Internationale de l’Energie sur les investissements mondiaux dans le secteur de l’énergie met en lumière la transformation des flux de capitaux suite aux effets de la pandémie (IEA, mai 2020). Une présentation rapide des graphiques les plus marquants ici.

MOBILITES

- Une tribune états-unienne pour la prise en compte des « cyclistes invisibles, de couleur et pauvres » par les urbanistes, les politiques de la ville et les activistes du vélo pour que les pistes cyclables (bike lanes) ne soient plus des « pistes blanches » (white lanes) (The Conversation, 27/05/2020). En écho, cette étude française de l’accès au vélo en fonction du sexe, de l’âge et de la classe sociale (CNRS Le Journal, 25/05/2020).

ENJEUX POST- ET DECOLONIAUX / PEUPLES AUTOCHTONES

- Une lecture de Qui a fait le tour de quoi ? L’affaire Magellan de Romain Bertrand (Verdier, 2020) : l’historien chantre de l’« histoire à parts égales » pousse le genre du récit d’aventure à son extrême limite jusqu’à le faire craquer. L’arrogance du récit européen de l’expédition de Fernand de Magellan et de Juan Sebastián Elcano est ici déchue pour accorder à l’ensemble des êtres et des choses en présence une égale dignité narrative (AOC, 27/05/2020).

- Une enquête sur l’impact du dérèglement climatique sur les conditions de vie et la santé des peuples indigènes de l’Amazonie au Brésil et l’auto-organisation qu’ils mettent en œuvre pour faire face (Mongabay, 27/05/2020).

- En accord avec la loi australienne, le groupe minier Rio Tinto anéantit un site sacré de la communauté aborigène Puutu Kunti Kurrama et Pinikura dans l’Ouest de l’Australie afin d’étendre l’exploitation du minerai de fer (The Guardian, 26/05/2020). En français ici.

- A écouter : reportage audio sur la lutte des communautés Nasa en Colombie pour récupérer les terres confisquées par l’invasion coloniale puis accaparées par l’agroindustrie et transformées en monoculture de canne à sucre (lundimatin, 25/05/2020).

« Home, no home » © Paul Rosero Contreras

ARTS ET CULTURES

- La place de l’art dans les discussions techniques, scientifiques et politiques sur l’écologie : «Le créateur plasticien œuvrant au tournant du XXIe siècle, tôt ou tard, rencontre la question de l’écologie, ne serait-elle pas son démon majeur», Paul Ardenne, Un art écologique — Création plasticienne et anthropocène (Le Bord de l’Eau, 2018) (Slate, 24/05/2020).

- Un art planétaire au-delà de l’humain : une analyse du travail de 4 artistes attentifs à la géopolitique de l’Anthropocène qui se concentrent sur la vulnérabilité accrue des Suds au dérèglement climatique et s’orientent vers une critique décoloniale de l’objectivation de la nature et des connaissances rationalistes de la science moderne (The Anthropocene Review, 18/05/2020).

SCIENCE

- Parution : Aurélien BOUTAUD, Natacha GONDRAN, Les limites planétaires (La Découverte, 2020). Les deux scientifiques mettent en lumière les principales variables qui déterminent l’équilibre des écosystèmes à l’échelle planétaire afin de déterminer les frontières à ne pas dépasser si l’humanité veut éviter les risques d’effondrement : au-delà du climat et de la biodiversité, il et elle abordent également le déséquilibre des cycles biogéochimiques, le changement d’affectation des sols, l’introduction de polluants d’origine anthropique dans les écosystèmes ou encore l’acidification des océans.

IDEES

- A écouter : un entretien avec l’archéologue Jean-Paul Demoule qui lit le présent à travers le prisme (pré)historique, alerte sur la montée des inégalités et la surexploitation des ressources par d’anciennes civilisations effondrées (France inter, 26/05/2020).

- Le philosophe Mark Alizart dénonce le racisme et l’eugénisme de quelques gouvernements qui laisse la pandémie se propager car elle tue « essentiellement des personnes âgées, pauvres et souvent noires ». Il estime que le même cynisme et le même racisme président à l’absence de politiques écologiques et appelle à la mise en visibilité des victimes et des conséquences de la crise écologique (Libération, 25/05/2020).

- Le sociologue Bruno Latour présente « l’émergence d’une conscience de classe géosociale » comme une condition nécessaire pour définir les conditions d’habitabilité du vivant et partager leur mise en œuvre avec l’administration (Esprit, mai 2020). Quelques temps forts du texte à retrouver ici.

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Anthropocene 2050

🔭Veille & valorisation scientifique - Changement global, habitabilité, Anthropocène, justice sociale et environnementale