VEILLE ANTHROPOCENE #41

berenice gagne
Anthropocene 2050
Published in
11 min readOct 2, 2020

Du 25 septembre au 2 octobre 2020

Lors du sommet de l’ONU sur la biodiversité cette semaine, la Chine a appelé à promouvoir la « civilisation écologique » et à poursuivre le multilatéralisme. La semaine dernière, Xi Jinping annonçait, lors de l’Assemblée générale de l’ONU, des politiques publiques plus vigoureuses pour atteindre la neutralité carbone avant 2060. 2 textes magistraux analysent les conséquences de ces annonces en termes géopolitiques (un tournant majeur dans l’ordre international ?) et en termes de philosophie politique (une transformation, en Occident, du rapport de l’écologie au pouvoir). Pendant ce temps en ville, le glanage bouscule le système agroalimentaire conventionnel : freegan et récup’ au menu !

A La Paz (Bolivie), des jeunes femmes autochtones arborent fièrement la tenue traditionnelle lors d’un show de leur groupe ImmillaSkate © AP/Juan Karita

Si vous avez des suggestions pour enrichir cette veille, n’hésitez pas à les partager : berenice.gagne@universite-lyon.fr

Retrouvez la veille au fil de l’eau sur Twitter : @BereniceGagne et une sélection d’images sur Instagram : berenicegagne

URBAIN

- Push, un documentaire qui suit Leilani Farha, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur le logement convenable, dans une enquête sur la financiarisation du logement dans les grandes métropoles à travers le monde (hyperallergic, 02/10/2020).

- Le glanage en ville : « Faire les poubelles ou cueillir des plantes comestibles en ville est souvent interdit. Le glanage est pourtant un complément alimentaire pour les plus précaires et un moyen de se reconnecter à la nature » (Le Monde, 01/10/2020).

- A Plaine Commune, intercommunalité de Seine-Saint-Denis, « les projets urbains sont accompagnés par des interventions artistiques » pour « impliquer les habitants plus fortement que par les classiques concertations publiques » (Le Monde, 01/10/2020).

- « Vive la ville insalubre » : chronique de l’historien des sciences Guillaume Lachenal qui se demande « comment réinventer une fierté urbaine en temps de pandémie ». « Comment défendre la valeur vitale de l’interconnexion biologique face aux tentations de fuite ou d’antisepsie généralisée ? Que faire des liens qu’instaurent les microbes entre nous ? ». Il propose de prendre exemple sur les chauves-souris qui « sont les seuls mammifères, avec nous autres, à vivre en groupes de plusieurs millions » et qui hébergent de terribles virus (Ebola, coronavirus) sans être malades (Libération, 30/09/2020).

- 2 visions de l’exode urbain : Rob Hopkins, le fondateur du mouvement international des «Villes en transition», « pense que la mobilisation des citoyens peut permettre d’adapter les métropoles à la crise écologique et sociale. A condition de faire preuve d’imagination ». Il craint également que l’exode urbain ne renforce les inégalités. Au contraire, le géographe Guillaume Faburel appelle à quitter les espaces urbains les plus denses et dénonce « la démesure socio-écocidaire de l’urbanisation planétaire » (Libération, 29/09/2020).

- « Atlas pour la fin du monde » : un projet de cartographie de « l’entrecroisement de l’urbanisation et de la sauvegarde de la biodiversité » (National Geographic).

POLITIQUE

- Publication : François GEMENNE, On a tous un ami noir (Fayard, 2020). Un ouvrage pour penser politiquement la question des migrations et « les accepter comme une transformation structurelle de nos sociétés devant être pensée et organisée » (Usbek & Rica, 01/10/2020). Retrouvez ici quelques temps forts de l’article. A écouter également (France culture, 01/10/2020).

- Hypothèse : « l’irruption du virus Covid-19 et sa propagation vertigineuse à l’échelle planétaire serait l’occasion d’accélérer la mise en place d’une gouvernementalité anthropocénique ». Cette gouvernementalité anthropocénique planétaire est un géo-pouvoir qui s’appuie sur une anthropologie intégrant l’humain et la nature via les technologies (nano et bio-technologies, informatique et sciences cognitives) pour « synthétiser la nature dans un système contrôlable » (Terrestres, 30/09/2020).

- 2 textes qui analysent les conséquences des annonces de Xi Jinping lors de l’Assemblée générale des Nations unies le 22 septembre : « Nous visons un pic d’émissions [de CO2] avant 2030 et la neutralité carbone avant 2060 ». L’historien Adam Tooze analyse les significations géopolitiques et le tournant majeur dans l’ordre international que représente cette annonce : « face à la question collective la plus importante à laquelle l’humanité est confrontée », et « face à la passivité et l’incertitude aux États-Unis, la Chine et l’Europe sont en train de prendre une voie autonome sur le climat » (Le Grand Continent, 29/09/2020). Le philosophe Pierre Charbonnier analyse quant à lui comment cette annonce chinoise peut « transformer le rapport de l’écologie au pouvoir, tel qu’il a été conçu dans nos provinces occidentales jusqu’à présent » : « la mise en forme de politiques post-carbone n’est pas un atterrissage pacifique dans le monde des intérêts partagés, mais un espace de rivalités organisées autour de nouvelles infrastructures, de nouveaux assemblages entre pouvoir politique et mobilisation de la Terre » (Le Grand Continent, 30/09/2020).

© Endre Koronczi

DROIT

- Des jeunes Canadiens de 12 à 19 ans poursuivent leur gouvernement pour violation de leurs droits fondamentaux car il contribue aux changements climatiques (Radio Canada, 30/09/2020).

SOCIETE

- Des pistes pour concilier la publicité et la transition écologique : « la publicité pourrait jouer un rôle positif dans la transition écologique et contribuer d’une part à freiner la surconsommation et réorienter nos choix vers des achats plus durables, d’autre part à proposer de nouveaux imaginaires collectifs plus soutenables » (The Conversation, 28/09/2020).

SANTE

- Un plaidoyer pour une approche territoriale globale de la crise du Covid-19 en impliquant, au-delà des professionnels de santé, tous les acteurs locaux : « les associations d’aide alimentaire, d’aide au logement, d’éducation à la santé ou encore de lutte contre les drogues. La crise du Covid-19 nous l’a bien démontré : leurs domaines d’intervention constituent des sujets cruciaux, qui ont un impact sur la santé des populations » (SciencesPo).

AGRICULTURE

- « Les bioinsecticides, miracle ou mirage ? » : « qu’il soit biologique ou chimique, tout insecticide a pour objectif de réduire les populations d’un insecte cible. Et cela n’est pas sans conséquence » (The Conversation, 01/10/2020).

- Le groupe Colruyt, premier distributeur belge, réveille des craintes de retour au servage en projetant d’acheter des terres agricoles et d’engager des agriculteurs et agricultrices chargé·es de cultiver des fruits et légumes qui se retrouveront dans les rayons de ses supermarchés (L’Echo, 01/10/2020).

- Une réflexion détaillée sur l’usage actuel des pesticides et produits phytosanitaires et les conditions nécessaires à une baisse drastique de leur recours : combiner « un ensemble de leviers visant conjointement à renforcer la régulation naturelle des bioagresseurs ». Il s’agit d’assurer « une diversité de plantes à l’échelle de la parcelle », de travailler à la bonne santé du sol et de réserver « une surface réduite pour chaque parcelle combinée à la présence d’infrastructures écologiques (haies, prairies, lisières…) alentour [qui] favorisent l’abondance et la diversité, les ennemis naturels des bioagresseurs » (The Conversation, 29/09/2020).

- Les oasis, caractérisées par la diversité de leurs cultures et remparts contre la désertification, sont transformées en monocultures par un modèle agricole productiviste qui nuit à leurs services écosystémiques (The Conversation, 29/09/2020).

ALIMENTATION

- Une enquête sur les conditions de vie très précaires des personnes migrantes qui travaillent en Espagne dans les fermes qui alimentent les supermarchés européens (The Guardian, 20/09/2020).

HUMAIN/VIVANT/NON-VIVANT

- A écouter : un entretien avec Baptiste Morizot, écrivain, maître de conférences en philosophie et pisteur, qui réfléchit sur les relations entre l’humain et le vivant en s’appuyant sur des pratiques de terrain. « Il milite pour la réappropriation de l’engagement pour défendre le vivant par chacun d’entre nous » (France culture, 02/10/2020).

- Un point sur l’histoire des invasions de criquets pèlerins sur le continent africain et sur les moyens d’y faire face en 2020 (The Conversation, 01/10/2020).

- Des fourmis moissonneuses introduites dans les sols contaminés pour restaurer les écosystèmes (The Conversation, 27/09/2020).

« Bad weather is coming » © Jens Emde

PLANETE TERRE

- Une analyse du nouveau régime d’incendies dans l’Arctique qui a de fortes répercussions sur le climat mondial. Des phénomènes nouveaux comme les “feux zombies” (qui couvent sous la surface pendant des mois voire des années, dans la tourbe riche en carbone) et la combustion d’écosystèmes que l’on croyait résistants au feu, comme les tourbières, les marais et les marécages de la toundra, alertent sur la nécessité de mettre en place un système pan-arctique de surveillance des incendies, incluant l’expertise des communautés locales et autochtones, pour comprendre l’avenir des incendies dans le Grand Nord (Nature Geoscience, octobre 2020).

- Un rapport alerte sur le risque d’extinction de 40% des espèces de plantes dans le monde. Les plantes et les champignons qui sont à la base de la vie représentent un trésor tant pour l’alimentation que pour la médecine ou les biocarburants : les scientifiques tentent d’identifier les espèces inconnues avant qu’elles ne disparaissent (The Guardian, 30/09/2020).

- Une étude sur l’assèchement du Lac Tchad comme facteur essentiel d’instabilité dans la région : il provoque une perte des moyens de subsistance des populations qui a favorisé la criminalité, la migration vers les centres urbains et facilité le recrutement par des groupes terroristes. « La gestion de la diminution du lac a provoqué des conflits entre les États qui en dépendent, ce qui a rendu plus difficile la lutte collective contre l’insécurité dans la région. Le lac est essentiel à la stabilité régionale. Pour parvenir à la paix, les pays devraient se concentrer sur la régénération du lac plutôt que sur la militarisation » (The Conversation, 30/09/2020). Malheureusement, l’annonce de la semaine dernière ne devrait pas apaiser la région : le Tchad suspend sa demande de classement UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité du Lac Tchad suite à des offres d’exploration de compagnies pétrolières (The Guardian, 24/09/2020).

- Magique : une carte sonore interactive pour écouter les forêts du monde (We Demain, 18/09/2020).

DECHETS

- Une nouvelle super-enzyme, dérivée de bactéries qui ont naturellement développé la capacité de digérer le plastique, permettrait le recyclage complet des bouteilles en plastique (The Guardian, 28/09/2020).

- Le plan de relance post-Covid du gouvernement de Nouvelle-Zélande Aotearoa prévoit de développer une industrie domestique du recyclage alors que jusqu’ici 70% des déchets recyclables étaient exportés (The Conversation, 16/09/2020).

ECONOMIE

- Une analyse des différentes méthodologies de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre et de leurs biais. La méthode la plus fréquemment employée est la comptabilité à la consommation : « soit les émissions liées aux investissements (la formation de capital fixe) sont ignorées, soit elles sont attribuées au consommateur. Ceci exonère l’investisseur de toute responsabilité ». La comptabilité à la demande quant à elle « attribue les émissions de gaz à effet liées aux investissements à l’investisseur, car il en est le décideur et le principal bénéficiaire » (The Conversation, 30/09/2020).

ENERGIES

- Le besoin croissant d’énergie s’accompagne d’un besoin croissant de stockage : une équipe de recherche a réalisé un nouveau dispositif de stockage d’énergie léger, flexible, peu coûteux et durable, un supercondensateur fabriqué à partir de lignine, un polymère végétal qui rend les plantes rigides mais aussi un déchet de l’industrie du papier (Anthropocene, 01/10/2020).

- Hydrogène : présentation d’une recherche utilisant des déchets plastiques pour produire de l’hydrogène par électrolyse (Anthropocene2050, 30/09/2020).

- Une étude montre qu’un niveau de vie décent peut être assuré pour l’ensemble de la population mondiale en 2050 tout en diminuant la consommation énergétique de 60% (Global Environmental Change, novembre 2020). Retrouvez ici une définition réjouissante d’un « niveau de vie décent » à l’échelle mondiale et les temps forts de l’article.

MIGRATIONS

- A écouter : une exploration de la diversité des parcours de migrants au regard de la transformation des frontières sous l’effet de la mondialisation et du changement climatique. Avec le politiste François Gemenne (France culture, 01/10/2020).

MOBILITES

- Une étude des transformations des transports en commun à Bogota (Colombie) entre 2005 et 2019 et de leurs conséquences en termes de justice sociale : une meilleure accessibilité des transports aux personnes aux revenus les plus bas a augmenté de 24% leurs possibilités d’emploi (Research in Transportation Business & Management, 29/09/2020).

- Pour faire face à la sous-utilisation des services de mobilité partagée, une étude la demande potentielle de tels services en se concentrant sur les trajets individuels et en déterminant le nombre de passagers qui effectuent des trajets similaires, sans présumer d’un système de mobilité partagée spécifique. L’expérience réalisée à partir de données de la ville de New York conduit à regrouper plus de 85% des trajets (Plos One, 17/09/2020).

“Trees” (2015) © Takashi Kuribayashi: l’artiste a mis en boîte les morceaux d’un tronc trouvé abattu

ENJEUX POST- ET DECOLONIAUX / PEUPLES AUTOCHTONES OU ORIGINAIRES

- Une illustration des conflits fonciers entre gouvernements et communautés autochtones : en Indonésie, la communauté Besipae est expulsée de ses terres par le gouvernement qui considère qu’elles ont un haut potentiel de développement agricole, notamment pour l’élevage bovin. Environ 40% du territoire indonésien fait l’objet de contestation : afin de gérer ces conflits, le gouvernement a réalisé une base de données cartographique nationale mais les associations de défense des droits des communautés dénoncent un manque de transparence et de concertation (Aljazeera, 30/09/2020).

- La construction d’un télescope à Hawaï : un conflit entre la communauté autochtone Kanaka Maoli qui considère le site comme sacré et les astronomes pour qui ce télescope géant « aidera à répondre à des questions fondamentales sur l’univers » : « pour pouvoir étudier les étoiles et l’univers, [les astronomes] doivent faire face aux populations de notre planète » (Radio Canada, 27/09/2020).

ARTS ET CULTURES

- Exposition : l’artiste-alchimiste libanaise Flavie Audi présente « Terra (In)firma » au Nilufar Depot (Milan, jusqu’au 31 décembre 2020). Elle refuse « le duel entre le synthétique et le naturel, floutant les frontières entre digital et organique » (L’Orient-Le Jour, 01/10/2020).

- Publication : Luc BRONNER, Chaudun, la montagne blessée (Seuil, 2020). Une enquête intime sur un village abandonné des Hautes-Alpes, vendu en 1895 à l’administration des Eaux et Forêts par ses habitants qui ont dévoré leur environnement : disparition des forêts ravagées par des coupes excessives, pâturages inexploitables, trop de bêtes à nourrir. « Le récit minutieux d’un désastre écologique et humain et, in fine, d’une résurrection : aujourd’hui, Chaudun est le coeur d’un espace ensauvagé » : oui mais sans humains.

SCIENCE

- Le projet ArchaeoGLOBE rassemble les savoirs de plus de 250 archéologues sur l’utilisation des terres au cours des 10 000 dernières années : le résultat révèle un récit de la transformation de la Terre bien différent du récit habituel : les sociétés humaines ont transformé la majeure partie de la biosphère terrestre bien plus tôt et bien plus profondément, ce qui change fondamentalement notre compréhension de la relation de l’humain à son environnement (aeon, 01/10/2020).

- A voir : le portrait de la doctorante Émilie Rojas (Equipe de Neuro-Ethologie Sensorielle à l’Université Jean Monnet Saint-Étienne) qui consacre ses recherches aux conséquences de la pollution sonore et des invasions biologiques sur la vie aquatique (pop’sciences, octobre 2020).

ACADEMIQUE

- « La CPU, le CNOUS, l’AVUF, la CGE et la MGEN ont signé un protocole d’engagement commun, témoignant de leur volonté d’agir en faveur des « campus durables en villes durables » ». Il s’agit réduire significativement l’empreinte carbone des campus et de créer une dynamique transversale essentielle entre ces acteurs (CPU, 30/09/2020).

IDEES

- Une lecture de Andreas Malm, Comment saboter un pipeline ? (La Fabrique, 2020) par Isabelle Cambourakis : « le dernier livre d’Andreas Malm revient sur le rôle majeur des pratiques de sabotage et d’action directe dans les victoires passées. Son récit alternatif invisibilise pourtant à son tour certaines luttes, notamment écoféministes. Depuis les années 1970, ces dernières contribuent à complexifier les termes souvent binaires du débat violence/non-violence » (Terrestres, 30/09/2020).

- Une relecture par Christophe Bonneuil d’un demi-siècle de luttes et de défaites des mouvements écologiques à la lumière de la vie, des combats et des analyses de l’agronome René Dumont (Terrestres, 29/09/2020).

- « Tous à nos cabanes ! » : une réflexion de l’anthropologue Frédéric Keck sur la cabane comme lieu de libération de l’imaginaire et de lutte contre la “cité par projets” du capitalisme contemporain (Terrestres, 27/09/2020).

- La paléoclimatologue Summer Praetorius propose de nommer notre époque l’Héliocène, et non l’Anthropocène, afin d’orienter notre trajectoire vers un avenir où nous libèrerions les cycles du carbone et où nous utiliserions tout le potentiel de l’énergie solaire (Nautilus, 16/09/2020).

--

--

berenice gagne
Anthropocene 2050

🔭Veille & valorisation scientifique - Changement global, habitabilité, Anthropocène, justice sociale et environnementale