Expérience de médiation pour les professionnels en MAM

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9 min readNov 16, 2023

Point de vue général

Les assistants maternels exerçant au sein des maisons d’assistants maternels (MAM) sont salariés des parents employeurs (rédaction d’un contrat de travail, respect de la convention collective, etc.).

Certaines règles sont toutefois spécifiques à l’exercice en MAM notamment la délégation d’accueil entre assistants maternels. Elle est prévue à l’article L424–2 du Code de l’action sociale et des familles qui permet aux parents d’autoriser l’assistant maternel qui accueille leur enfant à déléguer cet accueil à un ou plusieurs assistants maternels exerçant dans la même Mam.

En plein développement en 2020, le nombre de maisons d’assistants maternels étaient de 3 475[1]. Il est à présent de 4111 en 2023. [2] Si la majorité des maisons d’assistants maternels se portent bien. La maison d’assistants maternels reste peu connue dans son fonctionnement.

Depuis environ trois ans, le département de seine saint denis et la CAF nous sollicite pour intervenir en médiation pour leurs MAM

Depuis cette date, aucune MAM n’a été fermée.

Spécificité de l’exercice en MAM

En effet, si tout le monde à présent la connait elle semble malgré tout peu analysée dans sa différence à un EAJE[3] par rapport à celui d’un assistant maternel à son domicile. Pourtant, l’unique transposition du modèle statutaire de l’assistant maternel vers un lieu plus collectif ne saurait implicitement se transposer sans de profondes modifications. L’exercice à plusieurs, la place du parent-employeur, l’adéquation de la place de l’association et de celle des professionnels conditionnent d’analyser en substance, les profonds changements tant dans l’organisation que dans ses obligations statutaire et financière. De part ces ajustements, nous pouvons en conclure que la MAM est un nouveau lieu d’accueil.

Cette nouvelle modalité d’exercice doit en plus, s’articuler sans se substituer au statut individuel de l’assistant maternel. Il reste évident que cette adaptation doit bénéficier alors de nouvelles connaissances, de formations et d’informations pour soutenir et éclairer les professionnels concernés que sont les assistants maternels. Cet accompagnement doit se faire en pleine concertation avec les services dédiés sur le département pour une meilleur collaboration qui bénéficie aux professionnels de MAM.

Former, éclairer les spécificités, se projeter, pour prévenir des fragilités de ces nouveaux modes d’accueil apporteront des compétences qui éviteront certaines vulnérabilités pérenniseront ces nouveaux lieux d’accueil. Un enseignement adapté et régulier, développera des pratiques inspirantes et permettra d’éloigner celles, en revanche, qu’il vaut mieux éviter et qui, bien souvent, sont à l’origine d’un turn-over des professionnels en MAM et parfois même, à l’origine de fermetures.

C’est parce qu’il s’agit d’un nouveau mode d’accueil qu’il faut créer de nouveaux savoirs en collaborant avec les professionnels pour constituer une équipe autonome au service des enfants et de leurs familles.

Il reste encore un certain nombre de réflexions et d’études à mener pour en ressortir des initiatives les et tout un ensemble de pratiques autant pertinentes, qu’innovantes.

Démocratie participative

L’absence de direction au sein de ces MAM, peut les faire apparaitre comme étant fragile. Toutefois c’est également cette particularité qui séduit les différents porteurs de projets. Il ne suffit donc pas de transposer le modèle collectif des crèches pour que cela se passe mieux.

D’ailleurs, selon les conclusions d’une enquête[4] vers les porteurs de projets en Mam « travailler sans hiérarchie ni responsable fait particulièrement partie des motivations des professionnels venant de l’accueil collectif, notamment lorsque ces professionnels ont eu à connaître les contraintes institutionnelles et statutaires des établissements d’accueil collectif et espèrent s’en émanciper en MAM ».

Il reste vrai malgré tout qu’en l’absence de direction, l’entente de l’équipe peut être mise en difficulté.[5] Notamment lorsque ces différents portent « sur l’organisation, la pédagogie et la délégation d’accueil.

Aujourd’hui une bonne partie des MAM qui ont été créés ont plus de 5 ans d’existence [6].On ne peut considérer de fait que la MAM est fragile. En revanche, lorsqu’on se penche uniquement sur les causes des départs des professionnels en MAM , on observe que la cause est souvent liée à un conflit. [7]

Expérience de médiation

En 2021 à la demande du département de Seine Saint Denis et grâce à un financement de la CAF, l’ufnafaam a débuté un accompagnement de médiation pour les professionnels en MAM qui vivaient des tensions au sein de l’équipe. La valeur ajoutée de l’expérience de l’ADDAI a été d’une grande utilité pour analyser avec eux les situations. La collaboration d’une responsable du service centrale de PMI a été également rendu possible grâce a une volonté commune de construction et d’amélioration de ce mode d’accueil.

Retour sur deux situations

Situation 1

Madame X a porté le projet initialement seule, elle est présidente de l’association, c’est elle qui a cherché des collègues avec qui exercer. Une est partie très vite de la MAM et une autre est arrivée, cette dernière n’est pas adhérente de l’association. Depuis quelques temps des difficultés relationnelles entre elles trois, semblent récurrentes. Selon les deux assistantes maternelles, la présidente de l’association semble se reposer sur les tâches vers elles sans y participer également. La présidente a annoncée son déménagement pendant un an mais précise aux deux autres assistantes maternelles qu’elle pourrait revenir à l’issue de cette année, si son projet dans cet autre département, échoue. Suite aux difficultés antérieures et au constat du départ de la présidente, les deux collègues désirent radier leur présidente de l’association puis faire entrer à la MAM une autre assistante maternelle. La présidente quant à elle, oblige le montant du loyer vers uniquement ces deux autres collègues pendant son départ. Après le départ de la présidente, deux semaines après, cette dernière a reçu un courrier l’informant de sa radiation, elle n’est pas du tout d’accord. Une médiation s’engage.

Notre observation ; après avoir entendu les trois professionnelles séparément sur leur histoire, nous nous apercevons qu’un lien de hiérarchie s’est naturellement créée entre la présidente et les deux autres assistantes maternelles. Des obligations ont été mises en place pour le paiement du loyer mais une assistante maternelle n’est pas adhérente or les statuts prévoient que des charges financières s’obligent entre adhérents qui ont accepté ces statuts. La présidente analyse difficilement que si elle souhaite conserver la place de présidente elle engage sa responsabilité si des charges financières ne sont pas réglées. Du coté des deux autres assistantes maternelles si elles décident clairement de radier leur présidente, les statuts ne prévoient pas de causes explicites d’exclusions qui lie ce que reproche les deux assistantes maternelles à la présidente, par ailleurs, aucune convocation n’a été envoyée convoquant à une assemblée générale n’a été réalisée.

Notre médiation : Après avoir tenté de renouer le dialogue, nous les incitons à respecter leur statut et nous parvenons a guider les acteurs concernés sur des étapes administratives obligatoires et essentielles pour déplacer la colère vers des objectifs concrets : décisions communes, votes, rédaction de la convocation et conséquences financières pour la MAM. Sa présence dans la MAM reste compliqué car elle n’est plus physiquement présente, reste moins impliquée, mais elle ne souhaite pas non plus la quitter. Cette ambivalence use l’équipe et nous passerons du temps à réfléchir avec elle les conséquences de sa décision afin qu’elle puisse y penser en espérant qu’elle modifie sa décision. Un temps de concertation sera suivi quelques jours après, pour échanger avec les deux autres assistantes maternelles et revenir sur l’utilité de bien rédiger les statuts et de déjà pensé la place de la future assistante maternelle au sein de cette équipe déjà constituée. La présidente prend du recul avec la situation mais il faudra encore du temps pour qu’elle décide de quitter son poste.

Situation 2

Madame Y est présidente de l’association, elle a accueilli rapidement une autre personne, madame Z, qui n’était pas assistante maternelle au départ, mais qu’elle connaissait dans un autre cadre plus personnel. C’est d’ailleurs Madame Z qui devient trésorière et qui choisit la troisième assistante maternelle. Madame Z est assez autoritaire, elle a tendance à ne pas facilement accepter la pratique professionnelle de ces collègues si elle est différente de la sienne. La présidente le sait, elle tente de jouer un rôle de tiers mais elle est très mal à l’aise avec les tensions qui débutent. Quelques mois après, le dernière assistante maternelle quitte la MAM et c’est un autre assistant maternel qui vient la remplacer. Ce dernier n’est pas au courant des tensions vécus avant, face au même comportement de Madame Z avec lui, une dispute éclate à la fin de la journée quand les enfants sont partis. Monsieur nous informe que Madame Z, dans la journée, s’est moquée de sa manière de faire les tâches ménagères et semble juger son accompagnement auprès des enfants. Il revient vers la présidente qui tente de contenir la situation mais ne parvient pas à calmer la tension qui règne car ses propos semblent peu entendus par Madame Z. Plusieurs jours après ce conflit un parent se plaint de Madame Z auprès du service de PMI qui se voit suspendue de la MAM. Plusieurs jours plus tard, la présidente se rend compte de plusieurs dépenses personnelles sur le compte associatif de la MAM. Elle décide avec monsieur que Madame Z ne reviendra plus dans la MAM. Madame Z est également trésorière de la MAM. Une médiation s’engage.

Notre observation : Les deux assistants maternels qui sont restés dans la MAM semblent avoir le même avis sur madame Z, la présidente éprouve des difficultés à gérer la situation. Même si son comportement n’ajoute pas de tensions supplémentaires , elle dit qu’elle a laissé la situation se dégrader bien occupée déjà par son travail auprès des enfants. Monsieur , quant à lui, n’accepte plus , les propos qui ont été tenus, il confirme qu’il ne peut plus exercer avec madame Z. Nous apprenons également que si des dépenses ont été réalisées, il arrivait que le chéquier de l’association serve à d’autres dépenses personnelles même si ces sorties d’argent étaient bien remboursés rapidement. Monsieur ne semble pas comprendre que si Madame Z n’a plus d’agrément (pour l’instant) elle n’est malgré tout pas pour autant radiée en tant qu’adhérente de la MAM. En effet même si le statut associatif et son poste de trésorière sont bien existants pour répondre à un exercice en MAM, il s’agit d’un poste de bénévole sans préjudice de son ou ses contrats de travail au sein de la MAM. Elle peut donc rester trésorière sans être assistant maternel car ce lien n’est établi par leurs statuts.

Notre médiation : Après avoir entendu par deux fois les assistants maternels et avoir relu leurs statuts. Nous leurs proposons déjà de rédiger un courrier qui sera transmis à madame Z. Une convocation devra relier les faits qui sont reprochés à madame Z puis les causes de radiation ou motifs d’exclusion inscrites au sein des statuts. Lors des différents échange il faudra souvent rappelé le lien obligatoire entre leur cadre statutaire et les décisions qu’ils prennent vers d’autres adhérents de leur association. Il faut leur rappeler que l’exclusion provient d’un vote qui ne peut être réalisé que par une assemblée générale et inscrit au sein d’un PV.

Ce qu’il faut en extraire

3 leviers sont déjà identifiés :

1- Intervention trop tardive

Lors de notre accompagnement au travers de différentes médiations, nous constatons tout d’abord que ces dernières, interviennent trop tardivement pour qu’elles permettent de conserver l’équipe dans sa totalité. Dans le cas du département 93 qui dispose d’une expertise sur les MAM et accompagne[8] les porteurs de projets, les assistants maternels semblent difficilement identifier la nature contractuelle ferme et définitive du statut qu’ils rédigent pourtant ensemble. A ce niveau de l’étape du projet, ils n’anticipent pas les divergences d’opinion qui peut apparaitre au cours du fonctionnement.[9]

2- Une méconnaissance des statuts associatifs

Si l’organisation peut poser des difficultés, les outils que sont le statut et le règlement interne ainsi que le projet éducatif sont très utiles pour prendre du recul et réfléchir ensemble. C’est d’ailleurs ce que concluait une étude[10] « le projet initial partagé est fondamental afin de limiter les « mauvaises surprises » et les désaccord de fond. » Les MAM sont souvent constituées en association mais les porteurs n’ont guère de connaissances du milieu associatif et peuvent appréhender difficilement le cadre associatif et son articulation avec son cadre de travail statut.

3- Des formes de supervisions distincts à appréhender

De fait, ces méconnaissances peuvent donner lieu à des mélanges entre différentes places : celle du salarié, celle de l’adhérent, celle du président et celles des familles . Par exemple, le poste de présidente donne des obligations autant que des pouvoirs au sein par exemple, des votes. En revanche il n’y a pas de lien d’autorité entre le président de l’association et les familles-employeurs ou entre le président et les autres professionnels-salariés de ces familles. En revanche il peut y avoir une forme de supervision entre le président et ses adhérents qui sont malgré tout aussi des salariés. Ces distinctions semblent plus ou moins comprises et l’on constate des règlements en MAM qui peuvent s’opposer à la supervision des employeurs ou encore des liens trop direct entre les droits de salariés et les droits et obligations des adhérents. Enfin, comme la MAM est un jeune mode d’exercice et que l’on dispose de peu de recul sur ces sujets, on peut encore moins maitriser si une supervision d’un employeur en contradictoire avec celle d’un vote associatif lui est supérieur : quid d’un employeur pas d’accord avec l’exclusion d’un membre qui est aussi son salarié ?

POUR L’UFNAFAAM : Sandra Onyszko

[1] Source Dress sur l’année 2019

[2] Comité de filière- janvier 2023.

[3] Etablissement d’accueil de jeune enfant

[4] Pierre Moisset pour le site les pro de la petite enfance « travailler en mam ou la belle anarchie ».

[5] Credoc, ufnafaam questionnaire et asdo « quels sont les motifs du turn-over en mam »

[6] Statistique de l’ufnafaam auprès de plus de 600 mam « depuis combien de temps êtes-vous en mam ? »

[7] Ogiappe page 12

[8] Avec l’ADDAI

[9] Un guide réalisé par l’ufnafaam et portant des propositions concrètes pour des statuts adaptés en mam devrait sortir dans les prochains mois.

[10] Credoc-

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