Focus : Niki de Saint Phalle

Mélissa Benon — Artopic Gallery
Artopic Gallery
Published in
5 min readJun 15, 2019

Niki de Saint Phalle est l’une des artistes plasticiennes françaises les plus marquantes du XXème siècle. Associée au courant des Nouveaux Réalistes fondés par Yves Klein et Pierre Restany, elle reste une figure forte de l’art contemporain.

Un petit focus pour vous donner l’essentiel de Niki de Saint Phalle, bonne lecture !

Qui est-elle ?

Niki de Saint Phalle est née le 29 octobre 1930 d’une mère américaine nommée Jeanne-Jacqueline Harper et d’un père français, nommé André Marie Fal de Saint-Phalle à l’hôpital américain de Neuilly sur Seine.

Son vrai nom est Catherine Marie-Agnès Fal de Saint Phalle, mais étant un peu trop long et peu moderne à son goût, elle décide de le changer pour Niki de Saint Phalle.

Travaillant toute sa vie avec des matériaux divers sans respecter les règles élémentaires de sécurité, l’artiste a inhalé de très nombreuses vapeurs toxiques. C’est après avoir souffert d’inflammation des poumons, eux-mêmes rongés par les poussières de polyester qu’elle découpait pour ses sculptures, que l’artiste décède alors âgée soixante et onze ans, le 21 mai 2002.

Le drame qui marqua sa vie

Son enfance est paisible, jusqu’au jour où elle se fait violer par son propre père à l’âge de onze ans. Ce drame la détruit et fait d’elle une petite fille turbulente, et instable. Toutefois, Niki décide de ne pas en parler et enfouit son secret. Ce n’est cependant qu’à l’âge de soixante-quatre ans, en 1994, qu’elle révèle ce lourd secret dans son livre “Mon secret”, qu’elle écrit pour sa fille.

Bien que ce terrible évènement la marque pour la vie, cela ne l’empêche pas de devenir une femme indépendante, parfois rebelle mais au combien admirable !

On notera qu’elle a connu une grande phase de dépression nerveuse à l’âge de 22 ans où elle est soignée à l’hôpital psychiatrique de Nice. {Malheureusement elle y reçoit comme soin des électrochocs qui altéreront sa mémoire pour le reste de sa vie.} Elle trouve le réconfort dans la création artistique. Encouragée par le corps médical, elle se consacre totalement à l’art : “J’ai commencé à peindre chez les fous… J’y ai découvert l’univers sombre de la folie et sa guérison, j’y ai appris à traduire en peinture mes sentiments, les peurs, la violence, l’espoir et la joie.” Sa carrière débute alors.

Les Tirs à la carabine

Ses premières oeuvres se sont soldées par performances artistiques réalisées en tirant à la carabine. Initiée au tir par son grand-père, elle décide d’utiliser cette compétence dans son art. Lui permettant ainsi d’extérioriser ses démons, elle qui est encore très rongée par son passé.

Pour cela, Niki de Saint Phalle crée une oeuvre utilisant en majorité du plastique. Sur ces oeuvres, elle dispose des poches remplies de peinture. S’ensuit une séance de tir visant ces fameuses poches de peinture. Exposées, celles-ci se dispersent et se projettent de manière aléatoire créant alors l’oeuvre.

Cette technique lui permet d’extérioriser la haine qu’elle ressent vis-à-vis de son père et de son passé douloureux. On peut supposer, qu’elle tirait sur son père en tirant sur ces poches de peinture faisant de son art sa thérapie.

Ces performances l’ont rendu célèbre dans le milieu artistique des années 1960. Et c’est dès l’année d’après, 1961, qu’elle participe à sa première exposition en y exposant sur une planche, composées de morceaux de plâtre, de tiges contenant des œufs et des tomates, des berlingots de shampoing et des flacons d’encre sur lesquels elle tire.

La même année, elle réalise une performance à l’ORTF qui permet de la faire connaître sur la scène nationale, puis internationale. Elle commence alors à tirer pour le Stedelijk Museum d’Amsterdam suivit du Moderna Museet de Stockholm et du MoMa de New-York.

C’est ainsi qu’elle entre dans la nouvelle avant-garde des années 1960.

Les Tirs, 1963

Les Nanas

Les Nanas sont le deuxième succès artistique de l’artiste. Inspirée par un croquis d’une de ses amies proches, Clarice Rivers alors enceinte, il s’agit de sculptures monumentales réalisées pour la première fois en 1965.

Tout commence en 1963, l’artiste et Jean Tinguely emménagement dans une ancienne auberge à Soisy-sur-École. La taille de son atelier encourage l’artiste à déployer son travail “délaissant” la peinture pour explorer la troisième dimension.

Ces “Nanas” sont des représentations féminines marquées par la violence ou la tristesse. Les Nanas se détachent du mur pour devenir des sculptures autonomes pour lesquelles l’artiste délaisse le tissu, les fils de laine et jouets d’enfants qu’elle utilisait au profit de figures lisses, colorées aux formes généreusement arrondies, bientôt réalisées en polyester.

Dolorès, Sprengel Museum, Hanovre © 2014 Niki Charitable Art Foundation, All rights reserved. Donation Niki de Saint Phalle

Pour Niki ,ces sculptures ne sont pas pour autant des portraits mais bien plus une représentation universelle offerte pour toutes les femmes. Elle y célèbre la libération des femmes, de leurs paroles hors des critères de beautés en vigueurs ainsi qu’un féminisme très personnel. Le titre de son exposition au Stedeljik Museum d’Amsterdam en 1967 annonce la couleur : « Le pouvoir aux Nanas ». « Nous avons bien le Black Power, alors pourquoi pas le Nana Power ? C’est vraiment la seule possibilité. Le communisme et le capitalisme ont échoué. Je pense que le temps est venu d’une nouvelle société matriarcale. Vous croyez que les gens continueraient à mourir de faim si les femmes s’en mêlaient ? Ces femmes qui mettent au monde, ont cette fonction de donner la vie — je ne peux pas m’empêcher de penser qu’elles pourraient faire un monde dans lequel je serais heureuse de vivre. »(1)

Le Jardin

Inspirée par le Parc Guëll de Gaudi à Barcelone, Niki de Saint Phalle a réalisé à Capalbio, en Toscane (Italie), Le Jardin des Tarots où sont exposés des sculptures monumentales inspirées des figures du jeu.

Recouvertes de céramiques polychromes, des mosaïques de miroir, de verres précieux, les sculptures peuvent atteindre les quinze mètres de haut. Certaines peuvent même être habitée ! L’artiste a d’ailleurs élu domicile dans l’une d’entre elles pendant les travaux.

Elle y consacra près de vingt ans de sa vie. Si vous souhaitez en découvrir davantage sur ce parc, je vous invite à visionner la vidéo réalisée par le Grand Palais : https://www.youtube.com/watch?v=1Y2rLujdDW4

Le Jardin des Tarots

(1) Niki de Saint Phalle dans un entretien au Houston Post, 25 mars 1969, citée par Catherine Francblin, Niki de Saint Phalle, la révolte à l’œuvre, Paris, Hazan, 2013, p.133.

Vous avez désormais les moments et les informations pour comprendre Niki de Saint Phalle ! Les Parisiens (ou ceux qui vont visiter la capitale bientôt), je vous conseille de visiter la Place Igor-Stravinsky près du Centre Pompidou. Les fontaines sont des oeuvres réalisées conjointement par Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely. À découvrir absolument !

--

--

Mélissa Benon — Artopic Gallery
Artopic Gallery

Directrice d’Artopic Gallery, une galerie d’art 100% Pop Art, 100% Street et 100% toulousaine — www.artopic-gallery.com