Focus sur la sculptrice Camille Claudel

Mélissa Benon — Artopic Gallery
Artopic Gallery
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6 min readApr 15, 2020

Connu pour sa relation avec Auguste Rodin, elle est malheureusement moins reconnu pour son talent. Quel dommage ! Pour changer ça, un petit focus sur l’artiste.

Qui est elle ?

Camille Claudel née en 1864, est élevée dans une famille bourgeoise à Nogent-sur-Seine. Ses rapports avec sa mère sont conflictuels. Mais elle s’intéresse très tôt à l’art et la sculpture et c’est rapidement qu’elle est repérée par Alfred Boucher, sculpteur bronzier. Ce dernier décèle un talent certain chez sa jeune protégée. Toutefois la mère de la jeune prodige refuse catégoriquement le choix de carrière de sa fille. Le succès n’est pas certains, et les artistes femmes ne sont pas nombreuses. Une fois convaincue, la famille accepte de s’installer à Paris pour que la jeune Camille poursuive sa formation en intégrant l’Académie Colarossi qui accueille d’autres étudiantes.

Alors qu’Alfred Boucher la suit encore, il l’a recommande auprès d’Auguste Rodin, déjà un sculpteur célèbre. Elle rejoint alors son atelier en 1882.

L’idylle débute alors…

Apprenti du maître, Camille Claudel participe à l’élaboration de certaines oeuvres majeures de Rodin. La pratique de la sculpture, l’amène à poser comme modèle pour l’artiste. D’abord son élève, puis peu à peu amis, leur passion les unit pour devenir ainsi amant. Ils se retrouvent régulièrement au château de l’Islette cachant leur relation aux yeux de tous et surtout de la femme “officielle” de Rodin, Rose Beuret.

Cette folle passion se termine très mal: Camille Claudel doit interrompre une grossesse, Rodin refuse de se séparer se femme. En 1898, la rupture est définitive.

Un talent artistique non reconnus

Pour se dissocier du maître et consommer cette rupture, Camille Claudel prend de la distance. Malgré son talent et quelques commandes qu’elle réalise, elle peine à se faire connaître.

À l’inverse, Rodin triomphe. Il est à la tête de trois ateliers, où les commandes affluent.

Elle est convaincue que Rodin lui vole ses idées, qu’il tente de saboter sa carrière. Il serait LA cause de son manque de popularité et de reconnaissance. Alors, elle s’isole, ferme les portes de son atelier et se concentre sur la création de copies de travaux qu’elle a déjà réalisée dans le but de protéger ses idées.

Une vie de malheurs et de censure

Malgré la séparation des deux amants, Rodin a toujours continuer de suivre le parcours Camille Claudel, en l’aidant parfois financièrement. Rodin lorsque devient président de la section sculpture à la Société nationale des beaux-arts et Camille Claudel est reçue sociétaire. Elle y expose deux œuvres majeures : La Valse (n°37) et Clotho (n°38). Voulant devenir artiste dans une époque qui contraignent les femmes au rangs d’épouses, Camille ose représenter le sexe, la luxure dans son art, sujets tabous pour une femme.

La Valse est certainement l’œuvre la plus célèbre de Camille Claudel. L’artiste sollicite l’État en 1892 pour une commande en marbre, mais l’inspecteur des Beaux-Arts refuse la première version dont les danseurs sont complètement nus. Pour répondre à ses attentes, l’artiste transforme l’œuvre en ajoutant des draperies, mais cela n’aboutit toujours pas. Elle reprend alors et en propose une troisième version, avec moins de draperies, de plus petites dimensions, et éditée en plusieurs matériaux.

À l’époque, la valse est la danse de couple par excellence. Mais le talent de Claudel ne s’attache pas à démontrer une mode. La nudité partielle des danseurs, le tournoiement des valseurs, l’étreinte du couple traduisent l’idée de la danse avec sensualité.

Camille Claudel qui comptait sur Rodin pour la présentation et la vente de son travail, devait impérativement avoir le financement et l’approbation officiel pour mener son projet. Elle n’a malheureusement jamais pu l’avoir.

Camille Claudel, La Valse, 1889–1905, Grès flammé. Copyright : musée Camille Claudel / Marco Illuminati

L’Âge mûr (1893–1900) correspond à un moment-clé de la carrière de Claudel : elle est alors dans la parfaite maîtrise de ses moyens, et connaît un début de reconnaissance officielle, qui toutefois n’aura jamais l’ampleur que l’artiste est en droit d’espérer.

Camille Claudel, L’Âge mûr, 1893–1900, [S.1380]
Crédits photo : © ADAGP, Paris, 2012

De l’avis général, cette sculpture est une oeuvre autobiographique. En observant de plus près, on reconnait un homme plus âgé, assimilé à Rodin, se faire emporter par une femme d’âge mur, Rose Beuret, des bras tendu d’une jeune femme agenouillée, Camille Claudel. Le triangle amoureux y est parfaitement exposé. Après avoir vu cette oeuvre, Rodin, serait alors furieux et refuse tout soutien à Claudel. Alors qu’une commande d’un bronze de cette oeuvre par l’État est envisagé en novembre 1988. En juin 1899, le plâtre est exposé à la Société Nationale des Beaux-Arts, mais le bronze n’est pas commandé. L’œuvre est à refusée à l’Exposition Universelle de 1900 — celle-là même qui verra triompher Rodin dans son Pavillon de l’Alma.Beaucoup, à l’instar de Camille, pense que Rodin est à l’origine de ce refus et de l’annulation de la commande d’Etat. Camille Claudel, convaincue, quitte la Société Nationale des Beaux-Arts en 1900.

L’enfermement

A partir de 1911, l’état de santé et l’état mental de Camille Claudel deviennent réellement préoccupants. Elle mène une vie misérable, enfermée dans son logement et son atelier, convaincue de la persécution de la « bande à Rodin ».

Le 3 mars 1913, son père, Louis-Prosper Claudel meurt. N’étant pas informée par sa famille du décès à la personne qui lui a toujours manifesté amour et protection, Camille Claudel n’assiste pas à ses obsèques. Le 7 mars, constatant la psychose délirante de l’artiste, le docteur Michaux rédige le certificat d’internement. Camille Claudel a 48 ans. Le 10 mars, elle est internée à Ville-Evrard. La procédure utilisée est celle du « placement volontaire » demandé par sa mère et son frère, Paul Claudel.

Du fait de la guerre, Camille Claudel est transférée dans un asile dans le Vaucluse début septembre 1914. Là-bas, Camille Claudel ne sculpte plus et ne reçoit aucune visite ni de sa mère, qui meurt en 1929, ni de sa sœur, décédée en 1935. Son frère Paul vient la voir une dizaine de fois en trente ans. Elle est plus que jamais seule.

Camille Claudel meurt le 19 octobre 1943 à l’âge de soixante-dix-huit ans. Son frère lui avait rendu une dernière visite le 21 septembre. Elle est inhumée au cimetière de Montfavet dans une tombe provisoire avant que sa dépouille ne soit transférée dans la fosse commune.

Une tentative de reconnaissance

En 1914, alors qu’Auguste Rodin négocie l’établissement de son musée dans l’hôtel Biron, rue de Varenne, Mathias Morhard lui demande d’y réserver une salle à Camille Claudel. Rodin approuve l’initiative, mais Paul Claudel s’y oppose catégoriquement.

Entre 1934 et 1938, des œuvres de Camille Claudel sont exposées au Salon des femmes artistes modernes (L’Imploration, La Valse, Buste de Rodin).Mais c’est en 1949 et contre toute attente que Paul Claudel réclame au Musée Rodin une rétrospective de l’œuvre de sa sœur ! Une collaboration s’effectue avec le musée. La grande rétrospective est inaugurée au Musée Rodin le 16 novembre 1951.

Le musée Camille Claudel a ouvert ses portes 75 ans après sa mort, en 2017, dans sa ville natale à Nogent-sur-Seine. Il abrite plus de la moitié de ses oeuvres existantes.

J’espère que ce focus sur Camille Claudel vous aura permis de découvrir une artiste mal compris et mal aimé de son temps. Mais aujourd’hui nous sommes en mesure, en parlant d’elle et de ses oeuvres, de lui faire retrouver une place qu’elle aurait déjà dû avoir: celle du génie créatif.

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Mélissa Benon — Artopic Gallery
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Directrice d’Artopic Gallery, une galerie d’art 100% Pop Art, 100% Street et 100% toulousaine — www.artopic-gallery.com