Focus sur le Street Art

Mélissa Benon — Artopic Gallery
Artopic Gallery
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7 min readFeb 17, 2021

Le Street Art vous parle certainement, car il est souvent associé aux graffitis. Et pourtant saviez-vous qu’il se manifeste sous d’autres formes et qu’il a son propre courant artistique?

Le Street Art c’est quoi ?

Avant même d’être le Street Art d’aujourd’hui, nous pouvions retrouver des prémisses de cet art urbain à travers le mouvement muraliste (apparu en tant que mouvement après la Révolution Mexicaine de 1910–1920). Il s’est aussi manifesté à travers les fresques propagandistes qui se répandaient sur les murs russes. Ces événements vont signer l’arrivée d’une nouvelle ère à la fois artiste et contestataire. Cette forme artistique est d’ors et déjà liée à la rébellion et aux contestations, qu’elles soient politiques, sociales ou économiques. L’art sort dans les rues; il va toucher un public plus nombreux qu’auparavant où l’art était surtout réservé à une élite. Le muralisme se réalisait principalement sur les bâtiments publics et a rapidement commencé à s’étendre dans toute l’Amérique, le Street Art va ainsi naître.

Apparu dans les années 1960 sur la côte Est des Etats-Unis, il relève d’abord d’une initiative individuelle montrée aux yeux du monde qui le voit à ciel ouvert. Il vient puiser ses sources dans différentes disciplines graphiques (bande dessinée, affiches…) et transforme les villes en véritables musées à ciel ouvert.

Cornbread devant un mur qu’il a tagué, 1967; ©Cornbread

Darryl McCray, mieux connu sous son nom d’artiste Cornbread est considéré comme l’un des premiers graffeurs d’Amérique. Il vient répandre son amour pour sa compagne à travers des messages lui étant adressés directement sur les murs de la ville. Avec cet artiste, nous sommes loin de la figure vandale du graffeur hors la loi.

L’art urbain s’est alors diffusé dans le monde entier et a teinté nos villes de millier de messages.

Pourquoi investir le lieu public?

Face à la popularité que rencontre cette pratique, au début des années 1980 une loi dans la ville de New York est créée pour sanctionner les graffeurs. En réaction à cette loi, deux positions se forment, celle de la capitulation face à cette décision et celle de la rébellion. Les artistes vont continuer leur travail en toute discrétion dans les quartiers moins populaires de la grande ville new-yorkaise.

Ces artistes de rues ne sont pas satisfaits d’être relégués dans l’ombre et que leur message soit caché aux yeux d’un plus vaste public. De ce fait, malgré une restriction, l’art de rue s’étend aux autres grandes villes américaines. On commence donc à les voir apparaître à Chicago, Los Angeles, Washington ainsi que dans les villes européennes avec le même esprit en tête : la liberté d’expression. Les représentations de rue aident à donner une visibilité à certaines réalités que l’on garde parfois cachée.

Être reconnu par des institutions dépassées?

Il est évident que l’art urbain cherche à s’intégrer dans la société de par la représentation de ces aspects. Cependant, de nombreuses barrières bloquent le bon déroulement de cet art. On considère que ce qui se trouve dans les musées définissait le “modèle” à adopter. Mais nous pouvons accorder à ces espaces leur volonté de faire du mieux qu’ils peuvent en fonction de leurs moyens et de leurs connaissances durant cette période. De plus, le fait que les inscriptions urbaines soient réprimées par les autorités judiciaires et politiques ralentit le processus d’intégration.

Entrée au musée et en galerie

Malgré l’interdiction des graffitis dans la ville new-yorkaise par le maire en 1980. Deux artistes bien célèbres ne se découragent pas : Jean-Michel Basquiat et Keith Haring. Ces deux artistes majeurs du Street Art ouvrent leur propre galerie et partagent leur univers jusqu’en Europe.

Regardons de plus près le modèle français. En France, même si la première exposition muséale dédiée au graffiti remonte à 1991 (palais de Chaillot). Et que vingt ans plus tard, à la fondation Cartier révèlent différentes formes d’écriture à travers l’exposition « Né dans la rue ».

Vue de l’exposition Né dans la rue-Graffiti, Fondation Cartier pour l’art contemporain © Shepard Fairey. Photo © Olivier Ouadah, Paris, 2009–2010.

Ce n’est que depuis une dizaine d’années que le Street Art est en passe d’être reconnu par les milieux institutionnels. Depuis 2010, un engouement autour de cette pratique va le transformer peu à peu en un objet de tendance.

Du vandalisme à l’expression artistique

Ce qui débuta par la simple représentation de tags (signatures) prit des proportions gigantesques. En effet, les métros et wagons de trains sont très rapidement recouverts d’inscriptions des plus variées.

Des tags au muralisme artistique des fresques avec une influence directe de la culture locale, les murs deviennent de simples supports accueillant des messages artistiques. Il y a autant de styles que d’approches artistiques. Les personnes que l’on nomme vandale des rues dans les années 80, deviennent des artistes qui travaillent en atelier aujourd’hui. L’étiquette « Street Art », regorge de gestes artistiques multiples et variés.

Eh oui le street art ce n’est pas que du tags!

Avec sa diffusion, cette pratique esthétique contemporaine a pris des aspects matériels différents. Si le Street Art est très souvent assimilé aux graffitis et à la bombe aérosol, il regroupe en fait toutes les formes d’art éphémères réalisées dans la rue. Celles-ci peuvent se traduire sous de multiples techniques que ce soit par les pochoirs, stickers, mosaïque, yarn bombing (forme d’art urbain ou de graffiti qui utilise le tricot, le crochet, ou d’autres techniques utilisant du fil), collage et autres installations (projections…).

Levalet, Iconoclasme, collage; © Levalet, 2013

Toutes interventions artistiques dans les lieux publics relèvent d’un art urbain, d’un street art. De plus, ils ne se limitent plus aux murs de la ville ou aux parois de véhicules. Ces supports sont aussi multiples qu’originaux ! Toile, corps d’êtres vivants, bidons, cartons, mobilier, mobilier urbain…

Il se manifeste sous toutes ses formes et les supports n’ont de cesse d’être réinventés.

Trois exemples français

Nous ne pouvons faire l’économie de cet artiste si nous parlons d’art urbain en France. Ernest Pignon Ernest né en 1942 à Nice, il est le pionnier et l’initiateur de l’art urbain en France. Engagé politiquement et socialement, il tente d’ouvrir les esprits sur la réalité du monde.

Une passante devant l’oeuvre d’Ernest Pignon Ernest; © Ernest Pignon Ernest

Ces personnages, réalisés au fusain ou à la pierre noire, interpellent par leur position face à la rue, tout en s’intégrant parfaitement aux murs.

Dans un autre registre, l’artiste Toolate à fait très récemment parlé de lui à travers le tableau de la Joconde sans Mona-Lisa installé le 30 janvier 2021 à Paris.

Toolate, Mona Lisa désertant« La Joconde » ; ©Toolate, photo ©CulturePub, 2021

La raison ? Il souhaitait alerter sur la fermeture des lieux culturels en raison de la crise sanitaire actuelle.

Et enfin l’artiste Toulousain Siker exposé en galerie. À la fois artiste-graffeur et activiste. Il déambule dans le monde, du Canada à l’Asie en passant par l’Europe.

Siker, Fluokolors, acrylique sur toile; ©Siker, photo ©Artopic Gallery, 2021

Son travail tend dans le sillage du lettrage et écriture aux couleurs vives qui prennent forme grâce au mouvement et à la spontanéité de son geste. De la fresque murale aux toiles, Siker aime aussi expérimenter des supports moins conventionnels.

3 exemples internationaux

Keith Haring (voir « Focus: Keith Haring » pour plus d’informations à son sujet), artiste américain, a marqué le monde du Pop art et l’univers du Street art. C’est un artiste qui milite et qui aborde des sujets sensibles à travers des formes minimalistes et colorées qui forment son identité. Il y a 30 ans, l’artiste recouvre une partie du Mur de Berlin avant sa démolition. D’immenses personnages voient le jour, en rouge et noir, et envahissent le mur. Symbolisant une chaîne humaine et une proposition pour la paix.

Nous avions parlé de JonOne dans un article précédent ( voir « Focus sur JonOne »). Artiste graffeur et peintre, d’origine dominicaine né à New York en 1963 en pleine effervescence du mouvement. Il fait ses classes en bombant les trains et les murs de son quartier. Il passe du support urbain à la toile, réalisant des œuvres clairement influencées par son vécu ( le hip -hop, la rue, le métro) et par la peinture moderne.

Pour finir, nous mentionnerons l’artiste américain emblématique JR ( voir «FOCUS — J.R. ou les noces de la photo et de la rue»). Il tapisse sur les façades des maisons, des murs de favela, des photographies portraits dans le but de rendre hommage aux individus de l’ombre.

JR, Women Are Heroes, Elizabeth Kamanga, Le Havre, France, 2014; © JR-ART.NET

Son travail n’est pas juste plastique, il va à la rencontre de ces femmes à travers la planète, du Kenya en Inde en passant par le Sierra Leone tout en exposant leur portrait grand format sur les murs de leur village natal. Le monde est un vaste atelier pour l’artiste.

À travers ces exemples et l’éclaircissement de ces quelques points sur le Street Art, nous avons pu constater que ce mouvement est bien plus que des traces vandales, il est engagé et pluriel.

J’espère que ce focus vous a plu, que vous avez appris de nouvelles choses. N’hésitez pas à mettre vos commentaires et à proposer de nouveaux sujets pour de prochains focus !

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Mélissa Benon — Artopic Gallery
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Directrice d’Artopic Gallery, une galerie d’art 100% Pop Art, 100% Street et 100% toulousaine — www.artopic-gallery.com