Interview avec K-ARTY

Mélissa Benon — Artopic Gallery
Artopic Gallery
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7 min readApr 11, 2019

À l’occasion de son exposition chez ARTOPIC, nous avons pensé que vous souhaiteriez en connaître davantage sur lui et ses oeuvres. Une interview à découvrir, à lire et à partager !

L’artiste mélange photographie URBEX et personnages cultes dans une série qu’il nomme « l’Urbex Cartoon ». C’est ainsi que Jessica Rabbit, Betty Boop, les Simpsons… sont devenus les gentils fantômes des friches taguées, redonnant un nouveau souffle à ces lieux.

Mélissa d’Artopic : Tout d’abord, peux-tu te présenter ?

K-Arty : Bonjour, tout d’abord, j’aime bien en disant mon âge que je suis né l’année où le premier homme a posé un pied sur la Lune; pour ceux qui savent, c’est bien, et pour ceux qui l’ignorent, ça me laisse une chance de raconter que j’ai tout juste 27ans (dit-il en s’esclaffant!).

Comment es-tu devenu photographe ?

La photographie est venue assez tard chez moi, c’est au cours de mon service militaire que j’ai fait mes premières images, avec un jetable…

J’ai tout de suite compris qu’avec ce type d’appareils je n’arriverai jamais à rien, et j’ai décidé, ayant fini l’armée de m’équiper un peu plus sérieusement. Le temps de l’argentique fut une très bonne école, il fallait être motivé pour financer les films, les tirages, et on s’y prenait à deux fois avant de déclencher; ce sont des réflexes qui restent.

Et l’envie grandissante de travailler dans le monde de l’image m’a emmené à devenir professionnel pour le meilleur et pour le rire !

Quels sont les éléments qui t’inspirent ?

J’ai fait le choix voici bientôt 5ans, de mettre de côté l’aspect “artisan photographe” car l’envie de développer des sujets et de me consacrer à 100% à la création qui me démangeait de plus en plus.

Je suis quelqu’un d’entier, et je ne veux pas m’éparpiller. Je suis satisfait de moi lorsque je sais que j’ai mis tous les moyens pour parvenir à un bon résultat. J’ai toujours en tête cette phrase que j’ai lue quand j’avais 20ans lorsque je m’essayais au labo noir et blanc : “ Le noir et blanc ne supportent pas la médiocrité”, et j’avoue que mes résultats ne me satisfaisaient guère, mais je me donnais pour objectif de faire toujours mieux, jamais l’inverse. Ma motivation, je la tiens surtout au fait de ne pas me décevoir, ni de décevoir ceux qui me suivent, et mon inspiration, elle vient sans doute de mon côté éternel enfant, j’ai toujours gardé un regard et une émotion d’enfant, et je l’assume !

Comment l’idée des montages est-elle venue ?

Tout à fait par hasard !

J’avais l’habitude quand je devais réaliser un shooting pour un styliste ou autres, de préparer une mise en scène, de créer une atmosphère, et je pense que ce passé n’est pas étranger à mes créations actuelles.

C’est en regardant un cliché que je venais de prendre dans une usine abandonnée, que j’ai imaginé ce que ferait Jessica Rabbit si elle était là ! Et ce fut le début.

“Yellow Duck”, 58x86cm, K-ARTY

Pourquoi l’URBEX ?

Un photographe, c’est quelqu’un qui saisit un espace dans l’instant.

Le temps, lui est infini, et la seule trace qu’il laisse, parfois nous plaît, parfois nous déplaît. C’est cette petite fille qui est devenue une belle jeune femme, ce sont les rides sur les mains et sur le visage des gens, ce sont les fondations d’un grand immeuble, ou les ruines d’une vieille bâtisse.

Jean-Loup Sieff disait “Il n’y a pas de bons ou de mauvais sujets, il n’y a que la qualité du regard qui se pose sur eux”.

Avec l’URBEX, j’ai su toucher le coeur de ceux qui n’auraient pas forcément apprécié la vue d’un hôpital abandonné et complètement défoncé. Mes personnages invitent à un autre regard sur ces lieux, et on finit presque par les trouver beaux !

Un petit mot, sur ton choix des lieux ? Les mets-tu en scène ?

L’URBEX, est un milieu assez fermé, je peux le comprendre, car la divulgation sur les réseaux sociaux aurait vite fait de signaler aux personnes ayant des mauvaises intentions, les sites où ils pourraient récupérer du cuivre, du mobilier, etc… Donc c’est souvent des enquêtes dignes d’Hercule Poirot pour localiser ses sites !

Heureusement qu’avec le temps, et connaissant mon travail, certaines langues se délient, mais il m’arrive souvent de tomber sur des lieux qui ont déjà été réhabilité ou complètement rasées. C’est le jeu…

Je ne touche pas au “décor” sur les lieux, mais je travaille souvent comme en studio, avec des apports d’éclairage quand c’est nécessaire.

La couleur et la lumière sont très présentes dans ton travail, peux-tu l’expliquer ? Cela change de ce qu’on peut observer en musée et en galerie où habituellement ce sont des photos en noir et blanc.

J’ai eu ma période noir et blanc il y a maintenant quelques années. Hormis les différentes prises de vue que je réalisais pour mes clients, je n’ai fait que du N&B pendant trois ans. Quand je parle de photos N&B, je parle d’argentique, pas de photo numérique couleurs converties en N&B, car cela fait une énorme différence !

Anticiper le sujet, savoir ce qu’il va rendre en nuance de gris, c’est très différent de la prise de vue couleur. J’ai eu beaucoup de plaisir à shooter en N&B, mais je ne le destine plus qu’au reportage ou exceptionnellement pour des créations, mais j’avoue que la couleur me plaît beaucoup ! Surtout en URBEX où l’on peut voir la couleur passée des vieilles peintures, la rouille, et même les graffs qui “claquent”.

Les lieux ont tous une ambiance, une atmosphère qui leur est propre, et il faut savoir garder les bonnes lumières pour restituer au mieux ce qu’elles sont vraiment.

“Betty Graf”, 120x80cm, K-ARTY

Comment as-tu connu la galerie ?

Je savais que tu travaillais pour une galerie à Toulouse, et lorsque celle-ci a fermé, tu as créé ta propre galerie. Les personnes déterminées à aller où leur instinct les guide sont pour moi des personnes vraies ce qui constitue déjà une bonne approche.

Le fait que ta galerie soit très branchée Pop Art m’a décidé à venir taper à la porte. La photographie n’est pas très représentée en galerie, du moins pas encore assez, mais mes créations sont le fruit d’une rencontre entre le réel et l’imaginaire, un côté décalé qui apporte une émotion indispensable selon moi pour être une création artistique.

Quels sont les artistes qui t’inspirent ?

Quand j’étais plus jeune, j’admirais David Lachapelle pour son talent et la créativité qu’il déployait pour ses prises de vue; quand il shootait un homme écrasé par un hamburger, le hamburger était fabriqué grandeur nature, ce n’était pas du Photoshop !

Dingo est aussi un grand photographe, très déjanté dans ses photographies et ses mises en scène de voitures, c’est une référence en la matière !

Mais l’oeil de Salgado, et la qualité impressionnante de ses tirages qui font penser à des tableaux, les portraits de femme de J.L Sieff, qu’il savait mettre à nu, au sens propre comme au figuré; font eux aussi parti de Maître de l’art photographique.

Aujourd’hui, je m’efforce de ne pas trop suivre ce qui se fait ou qui sont les nouveaux mentors de l’image, car j’ai encore beaucoup de choses à exprimer et je sais que l’on peut facilement céder à la “captation d’idées”. Mais je sais qu’avec l’ère du numérique, les talents émergents et se montrent plus facilement et plus rapidement que les années 90.

Quel est ton regard sur la création contemporaine ?

Les créations artistiques contemporaines prennent des directions tout azimut !

Je pense que notre époque est propice à des élans créatifs. Le Pop Art et le Street Art ont le vent en poupe et la reconnaissance des nouvelles expressions artistiques est sans doute mieux reconnue aujourd’hui.

Mais il est clair que dans cette frénésie, il ne faut pas se laisser duper par ceux qui “font” et qui sont des créateurs, et ceux qui “refont” et qui sont des imitateurs.

J’ai un peu de mal avec les créations qui sont reprises, au point que l’on ait du mal à les identifier. Le propre d’un artiste, ce qui le fait avancer, c’est son imagination avant tout, et sa faculté à matérialiser ses pensées. L’Être en manque d’imagination restera-t-il un artiste ?

“Simpson Street”, 105x70cm, K-ARTY

Une dernière question pour finir cette interview. Quels sont tes futurs projets ?

Je travaille depuis un an sur de nouveaux “tableaux”, toujours dans des lieux vides et abandonnés, et toujours avec un personnage mis en scène. Ce personnage découvre les traces laissées par l’homme, avant sa disparition et se pose bien des questions.

Je me sens bien avec ces histoires que je raconte au fil de mes créations. Elles sont sans doute un peu de moi, un soupçon de nostalgie, un zeste d’appréhension, mais surtout beaucoup d’humour !

Je te remercie beaucoup pour ta participation !

Vous avez la possibilité de découvrir ses oeuvres pendant son exposition du 04 au 18 avril 2019 ! Alors rendez-vous à la galerie au 6 rue Clémence Isaure à Toulouse !

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Mélissa Benon — Artopic Gallery
Artopic Gallery

Directrice d’Artopic Gallery, une galerie d’art 100% Pop Art, 100% Street et 100% toulousaine — www.artopic-gallery.com