Série 1 : Optimiser la gestion des risques fournisseurs au sein des PME africaines.

Team Ashanti
Ashantiventures
Published in
8 min readMay 15, 2017

Une entreprise, c’est d’abord et avant tout un organisme, qui fait partie d’un écosystème. Elle agit et vit au sein d’un environnement dont les équilibres l’affectent positivement ou négativement. Dans ce contexte, la gestion des risques d’opération est un sujet important. En effet, c’est elle qui a pour rôle de contrôler et de répondre à l’ensemble des menaces qui pèsent sur les échanges de marchandises et de services entre une entreprise et ses différents partenaires. Ainsi, dans cette première série, nous nous intéresserons aux risques fournisseurs. Suivront ensuite les risques de production et ceux de distribution.

Optimiser la gestion des risques fournisseurs est un enjeu de premier ordre pour nos PME.

Quelque soit votre activité, vos fournisseurs sont le premier maillon de votre chaine de valeur. C’est à partir des ressources matérielles ou immatérielles qu’ils vous apportent que vos produits ou services sont conçus. Ils revêtent donc à ce titre une importance stratégique pour votre activité. Les cas d’entreprise où cette réalité n’est pas suffisamment intégrée sont malheureusement bien trop nombreux, et la fin de l’histoire est rarement heureuse. Ne sous-estimez pas cela !

Sur le continent africain plus qu’ailleurs, les contextes économiques, politiques, sociaux, et légaux compliquent la bonne marche des opérations. Ainsi, nos fournisseurs sont connus pour soumettre nos activités à plusieurs risques lourds. Dans le cadre des PME et TPE du continent, les plus importants à notre sens sont :

· le besoin régulier d’approvisionnement à l’international dans un contexte douanier souvent complexe

· la difficulté des fournisseurs à délivrer le produit ou le service demandé de façon continue

· la qualité faible ou très variable des prestations chez un même fournisseur

· les délais d’exécution peu maîtrisés

· les freins logistiques dus au manque d’infrastructures inter et intra pays africains

· les conditions financières d’achat souvent peu flexibles.

Au regard de ces constats, nous vous proposons des éléments concrets de réponse. Des solutions pratiques qu’il vous sera possible d’implémenter dès demain dans vos entreprises. Bien entendu, nous ne doutons pas que vous ferez appel à votre sens de l’intelligence, de la rigueur, et de la créativité dans leur application.

Diversifier les sources d’approvisionnement

Dans un environnement où le changement est constant, c’est un enjeu crucial de disposer de fournisseurs suppléants au cas où les principaux viendraient à faire défaut. Dans le cas où vous vous fournissez hors d’Afrique, cela n’est pas indispensable. Idem lorsque vous avez les contrats de fourniture au niveau local avec de grandes entreprises, de préférence industrielles. A l’inverse, diversifier vos sources d’approvisionnement devient prioritaire dans les cas où vous vous fournissez auprès du secteur informel, d’un artisan quelque soit son statut ou sa taille, d’un agriculteur, ou de toute autre entreprise de service à taille humaine. Bien évidemment, l’idée n’est pas de systématiquement passer commande chez plusieurs fournisseurs, mais de détenir la capacité pleine de le faire si besoin était. C’est à la fois une démarche qui sécurisera vos opérations, et qui mettra la pression à votre principal fournisseur.

Tant que faire se peut, jouer à fond l’économie d’échelle

L’argent est le nerf de la guerre. Vous le savez. Ainsi, plus important sont vos achats auprès d’un fournisseur, meilleur est votre ascendant sur lui lors des négociations. C’est pour cela qu’une des manières les plus efficaces de redéfinir les rapports de force entre vous est d’augmenter la valeur de vos achats chez lui. Vous pourrez ainsi obtenir une renégociation des tarifs, de meilleures conditions financières à l’achat, ou une entente de cahier des charges sur la qualité des marchandises.

Pour augmenter le volume de vos achats deux options s’offrent à vous. Vous pouvez réaliser les approvisionnements de plusieurs cycles en un seul, ou alors grouper vos achats avec d’autres entreprises.

En pratique, supposons que vous dirigez une fabrique artisanale de yaourt. Vous aurez entre autres, besoin de sucre dans votre produit final. L’option une consisterait à acheter en une fois la quantité de sucre couvrant un semestre de production par exemple. Le volume acheté serait alors suffisamment important pour vous permettre de négocier des conditions d’achat préférentielles avec le fournisseur. Bien sûr, cela nécessite d’avoir une trésorerie qui le permet. L’option deux, moins contraignante, consisterait à vous associer à une autre entreprise pour laquelle le sucre est aussi une matière première importante. Vous pourrez donc par exemple vous associer à une fabrique de beignets sucrés, à une cafétéria, et à une fabrique de limonade pour mutualiser vos commandes. Ainsi, la quantité à acheter vous ouvrira à tous de nouveaux champs de négociation.

Développer de l’engagement chez les fournisseurs

Le rôle d’un chef d’entreprise, c’est d’évangéliser. Il prêche partout la bonne parole afin de faire avancer son activité. Or, sous nos cieux beaucoup de chefs d’entreprises ne remplissent pas cette mission, pensant que le fait qu’ils aient payé pour un service ou un produit suffise pleinement à l’obtenir en temps voulu. C’est là une pensée absolument légitime, mais malheureusement pénalisante. Au delà de l’argent, il vous faut essayer de donner à vos prestataires stratégiques des raisons plus profondes de travailler avec vous. Posez vous la question suivante. Au delà de la transaction financière, existe t-il un lien entre nos deux parties ? Une compréhension, une solidarité, de la bienveillance, autre chose ?

Pour créer du lien avec vos fournisseurs, vous devez partager avec eux votre vision et trouver ce plus qui les motivera, les poussera à donner le meilleur d’eux-mêmes sur les missions que vous leur confiez. Ce n’est pas qu’un enjeu financier que de faire travailler un prestataire, c’est bien souvent aussi un enjeu motivationnel.

En pratique, si dans le cas de la fabrique de yaourt par exemple, votre fournisseur de sucre accumule du retard dans les livraisons, agissez. Invitez-le, expliquez-lui votre marché, votre produit, faites-lui visiter votre unité de production. Montrez-lui à quel point le temps régit votre activité, expliquez-lui son importance dans votre chaine de valeur, et mettez-le face aux conséquences de ses retards. Gagnez sa sympathie et son envie de bien faire quand il s’agit de vous. Faites-lui ensuite clairement comprendre ce que vous attendez de lui, et ce qui s’en suivra si il ne s’y conforme pas. Ayez une main de fer dans un gant de velours.

A défaut de l’engagement, inspirer la crainte ou changer de fournisseur

Tous vos fournisseurs ne seront évidemment pas sensibles à vos efforts. Dans ce cas, deux options s’offriront à vous. La première consisterait à les contraindre à tenir leurs engagements en instaurant des pénalités financières par exemple. La seconde, au cas où la première s’avèrerait vaine, serait de changer de fournisseur.

En pratique, dans le cas de la fabrique de yaourt, vous pourrez instaurer par exemple une pénalité de 1% de retenue sur facture par jour de retard de livraison. Si l’accord ne passe pas, il ne vous restera plus qu’à vous approvisionner en sucre ailleurs, et c’est là que la première recommandation de l’article prend toute son importance !

Apprendre toutefois à composer avec des fournisseurs compliqués

Vous ne pourrez pas toujours négocier, ou remplacer un fournisseur ! Eh oui, ce serait quand même bien trop simple sinon ! Certains ont le monopole sur leur marché, un savoir-faire quasiment inégalé, ou vous fournissent un produit qu’il vous coûtera bien trop cher d’acheter ailleurs. Dans tous ces cas, vous n’aurez d’autres choix que de faire preuve de dex-té-ri-té. C’est à vous qu’il reviendra de vous adapter au fournisseur et non l’inverse. Vous devrez alors restructurer votre activité de manière à amoindrir le risque que le fournisseur fait peser sur elle. Imaginez que votre entreprise est un cube qui doit porter une boule. Vous avez tout intérêt à ce que la surface sur laquelle la boule est posée soit une face et non un arrête pour qu’elle puisse tenir. La restructuration ici, c’est à peu près pareil. C’est adapter vos activités de façon à les rendre le moins possible, vulnérable aux risques.

En pratique, dans le cas de la fabrique de yaourt par exemple, les retards dans l’approvisionnement du sucre peuvent pousser le chef d’entreprise à modifier ses plannings de production. Ainsi, ce dernier évitera d’avoir des charges de personnel lorsque la matière première n’est pas disponible. Cela impliquera de refaire le calendrier des ouvriers ou de diminuer de nombre de jours de production en augmentant la quantité produite par production. Cela peut également se traduire par la recherche de nouveaux débouchés pour le yaourt nature non sucré.

Surveiller tout. Garder les fournisseurs bien à l’œil. Être insistant.

La confiance n’exclue pas le contrôle. Eh bien dans nos environnements, le dicton est encore plus vrai qu’ailleurs. N’accordez que très difficilement votre confiance, et contrôlez TOUJOURS tout. On peut dire que la rigueur d’exécution n’est pas forcément ceux en quoi nos entreprises se distinguent le plus. Cahier des charges non respectés, travaux mal finis, délais non respectés… Tous ces désagréments peuvent avoir de bien fâcheuses conséquences sur le business. Nos recommandations à cet égard sont : de rédiger d’un cahier des charges écrit. N’hésitez pas à l’illustrer de photos « à faire » et « à ne pas faire ». Prendre systématiquement quelques jours de couverture lorsqu’on communique la deadline au fournisseur. On est ainsi couvert au cas où… Ne pas attendre l’échéance pour s’enquérir de l’évolution du travail confié à un fournisseur, surtout si c’est un artisan. Se déplacer de temps en temps pour constater de visu l’avancée des travaux.

Faites toutefois preuve de tact. Il ne s’agit pas d’épier le fournisseur, mais de veiller au grain quant à ce qu’il fournit.

Anticiper les risques liés aux cours des matières premières et aux devises

Selon votre activité, les matières premières n’affichent potentiellement pas le même cours toute l’année. Ces derniers peuvent varier à la baisse ou à la hausse selon deux configurations.

La première est une variation saisonnière fixe. Dans ce cas, l’entreprise a une vision claire des mouvements tarifaires à l’année. L’enjeu est donc de sécuriser les approvisionnements pendant les périodes à bas tarifs de façon à limiter, voire éviter tout achat en phase de remontée des cours. Par exemple, on sait que le mois du Ramadan correspond dans de nombreux pays à une période de forte inflation des produits alimentaires. Le fabricant de yaourt aurait donc intérêt à faire ses approvisionnements en sucre et lait bien en amont de ce moment de l’année.

La seconde configuration est une variation conjecturelle. Dans ce cas, il est du rôle de l’entreprise de s’informer sur les facteurs d’influence des cours de ses matières premières. Elle convoquera ensuite son analyse empirique afin de déterminer les meilleurs moments où se placer à l’achat et sécuriser ses stocks. Pour une boulangerie par exemple, les prix du blé et du pétrole sont à scruter. Le premier rentre directement en compte dans la fabrication du produit de l’entreprise, et le second est le facteur de production le plus important. En éléments d’influence du prix du blé, nous avons principalement l’actualité sur la production européenne, et en ce concerne le pétrole, les cours évoluent au rythme des actualités de l’OPEP, de la forme des grandes économies, et d’aspects géopolitiques. Au regard de ces éléments, le boulanger devrait donc être capable de ne plus subir les cours, mais développer au contraire une intelligence dans ses achats. A quelques nuances près, les mêmes principes prévalent pour les risques de change sur les fluctuations de devises. Si vous vous trouvez dans cette seconde configuration, cette ressource devrait vous être utile.

Enfin, pour ce qui voudraient approfondir la question de la gestion des risques fournisseurs au sein d’une PME, nous recommandons ce mémoire de recherche : La gestion des risques fournisseurs au sein du service Achats d’une PME.

Par Naofal ALI, MP @ Ashanti Ventures

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