Bien manger : un choix politique ?

Ashoka France
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13 min readDec 4, 2020

« Que ton aliment soit ta seule médecine ! ». En ces temps de Covid-19, cette citation du père de la médecine, Hippocrate, nous rappelle combien sont liés les enjeux d’alimentation et de santé, celle-ci étant entendue tant du point de vue physique que psychologique. Manger, c’est aussi préserver l’environnement ou le détruire, créer des emplois ou les supprimer, construire des relations ou s’isoler… Forts de ces convictions, trois entrepreneurs sociaux « Fellows Ashoka » nous redonnent le pouvoir de choisir notre alimentation.

@Les Petites Cantines de Lyon

Diane Dupré la Tour a créé « Les Petites Cantines », un réseau de cantines participatives qui vise à recréer des relations sociales à l’échelle d’un quartier, autour du bien manger. Avec « Open Food Facts », Stéphane Gigandet incite l’industrie alimentaire à sortir de l’opacité concernant les qualités nutritionnelles des produits transformés. Fabrice Hégron se définit comme agri-entrepreneur. Avec le collectif « En Direct des Eleveurs », il invente un modèle de distribution du lait vertueux pour l’agriculteur comme pour le consommateur.

Le sel de leur engagement ? La confiance. Ils souhaitent que celle-ci saupoudre l’ensemble de la chaîne de valeur de l’alimentation, du champ à l’assiette.

Le consommateur doit retrouver confiance dans les produits qu’il achète…

Dans l’étymologie latine, le verbe confier (du latin confidere : cum, « avec » et fidere « fier ») signifie que l’on remet quelque chose de précieux à quelqu’un, en se fiant à lui et en s’abandonnant ainsi à sa bienveillance et à sa bonne foi.

A bien y réfléchir, c’est précisément ce que nous faisons lorsque nous nous alimentons : nous confions notre santé à ce que nous ingérons. Quand Diane Dupré la Tour perd son mari dans un accident de voiture, elle est saisie par la solidarité de ses voisins, qui lui apportent à manger pour lui témoigner leur soutien. Elle réalise combien la nourriture soigne le corps et un repas partagé peut soigner l’âme. Décidée à ranimer nos villes, où l’on vit seuls ensemble, elle décide de faire de la cuisine un vecteur de rencontres : « J’aurais pu faire une blanchisserie ou un jardin partagé. Ces lieux créent du lien également. La différence avec Les Petites Cantines tient dans la notion de confiance que nécessite l’action de manger, que cela soit conscient ou non ». Elle voit d’ailleurs dans le suremballage, qui affecte de nombreux produits aujourd’hui, un symbole de la confiance perdue : « mettre couche sur couche, c’est le seul moyen que les entreprises agroalimentaires ont trouvé pour nous rassurer ». D’où l’urgence de faire redécouvrir les produits bruts aux habitants qui poussent la porte de ses cantines. Pour ce faire, tout le monde met la main à la pâte avant de partager le repas ainsi préparé. Les produits sont bios, locaux et issus de circuits courts.

@Les Petites Cantines de Lyon

« La volonté citoyenne de mieux s’alimenter existe. » — Stéphane Gigandet, Open Food Facts

Si revenir aux produits bruts est essentiel, il est impossible de se passer de produits transformés. Mais comment faire confiance à ces produits, dont on connaît mal la qualité nutritionnelle et l’impact environnemental ? Préoccupé par les enjeux de santé publique liés à la malbouffe, Stéphane Gigandet, ingénieur et passionné de cuisine, s’étonne de ne trouver aucune information fiable sur la composition des produits industriels. Impossible de faire un choix éclairé dans les rayons des supermarchés. Pour lui, la volonté citoyenne de mieux s’alimenter existe. « La rupture de stock des produits bruts lors du premier confinement a démontré la peur d’en manquer mais a surtout marqué le retour des Français aux fourneaux, ravis de contrôler la qualité de leurs repas en remplaçant les plats préparés par du fait-maison ». Toujours est-il que la reprise du travail laisse moins de temps aux citoyens pour continuer à cuisiner soi-même.

« L’alimentation est l’affaire de tous, pas seulement des pouvoirs publics ou de l’industrie. Avec l’open-data, chacun peut devenir acteur de la transformation de l’industrie alimentaire. » — Stéphane

Si la volonté est là, il suffit simplement d’outiller le consommateur pour lui permettre de choisir les bons produits. Stéphane Gigandet lance alors « Open Food Facts », le Wikipédia des aliments : une base de données qui recense l’ensemble des valeurs nutritionnelles des produits alimentaires. La puissance de son projet repose sur l’open-data qui permet de rendre les données collectées ouvertes et accessibles à tous. De ce fait, chacun devient acteur de la transformation de l’industrie agroalimentaire.

Stéphane Gigandet lors d’Envoyé Spécial — Source : France 2

Grâce à la libération des données, des dizaines d’entrepreneurs dans le monde créent des applications permettant de rendre compréhensibles les étiquettes nutritionnelles en un instant, à l’image de Yuka, téléchargée par plus de 19 millions de personnes. Les scientifiques développent leurs recherches, notamment sur l’impact des additifs sur la santé. Avec l’aide des données d’« Open Food Facts », ils inventent le Nutri-Score, un système de notation de la qualité nutritionnelle qui a largement été adopté en France avant d’être généralisé par de nombreux pays européens à la suite des recommandations de l’OMS. L’industrie agroalimentaire, farouchement opposée à la transparence des données sur la composition des produits transformés, a finalement suivi le mouvement en s’appuyant sur ces données pour améliorer la qualité nutritionnelle des recettes.

Ce vaste mouvement a enclenché « un cercle vertueux » dont tout le monde sort gagnant en ayant pleinement intégré « l’impact de l’alimentation sur notre environnement et notre santé ». L’alimentation est « l’affaire de tous, pas seulement des pouvoirs publics ou de l’industrie ». Et ça fonctionne : plus de 20.000 bénévoles nourrissent quotidiennement la base de données d’« Open Food Facts » dans plus de 100 pays.

« Le Nutri-Score n’est pas suffisant. Il faut aussi mesurer l’impact environnemental pour que chaque citoyen puisse devenir un consomm’acteur. » — Fabrice Hégron, En Direct des Eleveurs

Mais il reste encore beaucoup à faire. Si afficher la qualité nutritionnelle d’un produit est un pas en avant, elle n’est qu’une première étape, certes nécessaire mais pas suffisante selon Fabrice Hégron, fondateur d’« En Direct des Eleveurs ». En effet, il est impossible de distinguer un lait écrémé issu de l’agriculture biologique d’un lait ultra-industrialisé sur la seule base du Nutri-Score : dans les deux cas, la brique affiche un Nutri-Score B puisque celui-ci mesure uniquement les nutriments et aliments à favoriser et à limiter. Pourtant, l’impact du produit sur l’environnement n’est pas le même. Sur l’année 2019, l’usage de circuits courts par le collectif de Fabrice Hégron a ainsi évité l’équivalent carbone de 32 tours de la terre en voiture ; sans que le consommateur ne puisse le savoir.

Stéphane Gigandet n’ignore pas ce chantier qui semble gigantesque : « depuis vingt ans, tout le monde parle d’affichage environnemental mais personne n’a fait de réelles actions pour le mettre en place, tant les mesures de l’impact sont complexes ». Malgré l’adversité, les participants d’« Open Food Facts » travaillent depuis plusieurs années avec une dizaine de partenaires pour amorcer l’Éco-Score, qui devrait voir le jour très prochainement.

Pour Fabrice Hégron, mesurer l’impact sur l’environnement est essentiel pour que chaque citoyen puisse avoir le choix de devenir « consomm’acteur ». D’où sa dénonciation du « greenwashing » dans l’agroalimentaire. Les industries trompent les consommateurs en leur parlant de prix rémunérateurs envers les agriculteurs plutôt que de rémunération : « un prix n’a jamais rémunéré personne, il y a de nombreux coûts dont il faut évidemment tenir compte ». C’est pour éviter ces dérives qu’il faut plutôt rétablir le dialogue entre les producteurs et les consommateurs. Or les nouvelles lois ne font qu’ajouter des intermédiaires, à l’image de la loi Agriculture et Alimentation de 2018 qui vise à rétablir l’équilibre des relations commerciales producteurs-grande distribution.

Se prendre en main plutôt que de tendre la main : les agriculteurs doivent reprendre confiance dans leur capacité à réinventer leur métier

Le mal-être agricole est là. Les chiffres concernant les suicides dans la profession le rappellent tristement. Fabrice Hégron déclare que le monde agricole est « isolé », voire « oublié », alors que ceux qui le composent assurent ni plus ni moins un besoin essentiel à la vie : manger, et plus précisément, « bien manger ». Fils d’agriculteur, il se souvient de ses années d’école où il était mis à l’écart sous couvert de vivre à la campagne. Plus tard, l’absence d’études supérieures le désignait comme le mouton noir des soirées étudiantes et des repas familiaux. Un tel vécu marque et explique pourquoi, dans le monde agricole, seules deux options sont possibles : « tendre la main » et compter sur les aides, notamment européennes, pour pouvoir (sur)vivre ou « se prendre en main ». La seconde option est celle que Fabrice Hégron a choisie et qu’il expérimente au quotidien.

« Personne ne croyait que les agriculteurs puissent changer leur modèle. » — Fabrice Hégron, En direct des Eleveurs

Il propose une alternative au modèle économique traditionnel de la filière du lait pour améliorer les conditions de vie et les conditions économiques des producteurs. La structure embauche 10 salariés et enregistre 8 millions d’euros de chiffre d’affaires. Pourtant, il a dû se battre pour imposer ce modèle. « Personne n’y croyait. Seul Ashoka m’a tendu la main et suivi dans mon projet de remettre l’agriculteur et le bon sens paysan au cœur de la société, pour redonner confiance et fierté à la profession ». Il souligne même : « lorsque je suis devenu Fellow Ashoka en 2015, le lait n’était pas un sujet de préoccupation bien que les difficultés des éleveurs soient connues. La brique était à 75 centimes, alors qu’En Direct des Eleveurs la proposait à 99 centimes. Aujourd’hui le prix moyen est de 99 centimes, ce que nous avons toujours défendu ». Désormais, les membres d’« En Direct des Eleveurs » sont appelés en tant qu’experts des circuits courts ou experts ESS auprès des ministères et des collectivités.

Fabrice Hégron — Source : Ouest France

C’est justement en allant dans les collectivités et les écoles pour partager et transmettre ce savoir que Fabrice Hégron fait bouger les lignes et permet de questionner le fonctionnement de toute une industrie… D’autres mesures permettent aux agriculteurs de prendre confiance en eux et en leurs capacités : « la majorité d’entre nous n’a qu’un BEP ou un BTS. Pourtant, supprimer les intermédiaires implique pour chaque membre de notre collectif de prendre des responsabilités pour faire tourner la structure. Une fois par semaine, chacun devient RH, responsable de la maintenance ou de la qualité, etc. Et avec tout ça, on arrive à commercialiser 10 millions de litres de lait par an… ». En somme, c’est une histoire, une manière de faire, une éthique, une conviction qui est proposée aux consommateurs par « En Direct des Eleveurs » et pas seulement un litre de lait !

« Le modèle agricole dominant n’est pas durable. Il est temps de privilégier les petites exploitations, avec un fort ancrage territorial et une faible empreinte environnementale. C’est un choix politique, un choix de société. » — Fabrice

Comme Stéphane Gigandet, Fabrice Hégron évoque la nécessité d’un « cercle vertueux » intégrant agriculteurs, transformateurs et consommateurs. Raison pour laquelle le capital de la SAS est à l’heure actuelle possédé à 50% par des consommateurs. « En Direct des Eleveurs » a d’ailleurs vu le jour en 2014 grâce au financement participatif, le premier en matière agricole. Ce cercle vertueux est indispensable si la profession veut garder son identité, « celle d’un bon sens paysan » qui travaille avec les animaux et les sols pour préserver les générations futures. Toujours est-il que Fabrice Hégron déplore le modèle agricole dominant en France. D’une part, il ne rémunère pas les agriculteurs. D’autre part, il réduit l’environnement à un simple effet de mode où l’agriculture agit passivement. Dans les cinq prochaines années, un agriculteur sur deux devrait cesser son activité et dans le même temps, la taille moyenne des exploitations devrait doubler. C’est pourquoi, il faut plaider au contraire pour conserver une agriculture avec un véritable ancrage territorial : les exploitations de petite taille sont garantes d’un meilleur impact social et environnemental. L’ambition de Fabrice Hégron est de « défendre un projet global qui nous permette à nous, agriculteurs, de nous intégrer à la société dans son ensemble ». Le collectif « En Direct des Eleveurs » initie le mouvement en étendant ses actions au-delà du monde agricole par des ventes solidaires, le parrainage du réseau des Écoles de la 2e Chance (E2C), etc.…

S’unir pour surmonter tous les obstacles : les citoyens doivent tisser des liens de confiance les uns envers les autres

Le « bien manger » fait partie intégrante de l’art de vivre à la française. Pourtant, il n’a de sens que lorsque le repas est partagé. Si le confinement met à mal ce principe, pour Diane Dupré la Tour, cette situation difficile représente une excellente occasion de réfléchir au « rituel du repas qui a tant de sens pour nous » et aux questions fondamentales : pourquoi mangeons-nous ? Que mangeons-nous ? Avec qui mangeons-nous ? Elle y voit l’opportunité d’« observer ce qui nous manque » pour ensuite « (re)vivre les choses pleinement » lorsqu’elles seront revenues à la normale. Cette réflexion doit faire appel à l’intelligence collective car le partage ne peut se faire individuellement. C’est de cette manière que le réseau des « Petites Cantines » s’est questionné pour aboutir à de belles initiatives solidaires : des cantines du cœur ont été créées sur l’ensemble du territoire pour nourrir des personnes confinées, dont les capacités ne leur permettaient pas de cuisiner. Le projet s’est construit autour d’un réseau solide de bénévoles, mais aussi de partenaires qui ont pris en charge la livraison des repas. Pour qualifier cette démarche, Diane Dupré la Tour parle de « souveraineté individuelle » où chacun prend soin de soi, de l’autre et de la planète.

Verrait-on de nouveaux biens communs se créer ? C’est ce que veut croire Stéphane Gigandet qui définit « un bien commun comme quelque chose que l’on développe et qui va servir librement à un grand nombre de personnes. Cela peut être une grange, des pâturages, une cantine partagée… L’important, c’est l’intention qui est derrière ». Ainsi, sa base de données ouverte à tous a permis l’émergence de centaines d’applications. « Mon but n’était pas de construire un puits de pétrole et de faire payer cher son accès. Au contraire, je pense plutôt que les données que nous rassemblons sont comme une rivière dont le but est d’irriguer. Cela n’aurait aucun sens de construire un barrage sur celle-ci ».

« Je conçois notre démarche comme un service public accessible à tous. L’open-source est l’une des seules manières de provoquer un changement systémique capable de transformer les pratiques ancrées dans une société pour relever les défis planétaires. » — Stéphane Gigandet, Open Food Facts

« Tout seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin ». Ce proverbe ancestral garde toute sa pertinence aujourd’hui. Diane Dupré la Tour porte ainsi une grande attention aux émotions qui se jouent autour du repas et qu’elle pense capables de pousser à l’action : « Vous entrez dans une cantine dans la posture émotionnelle d’un invité alors même que vous participez à la préparation. C’est alors que tout devient l’occasion de remercier l’autre. Puis vous ressortez du repas comme un « convive », qui étymologiquement signifie « vivre ensemble » ». Le repas devient alors le trait d’union entre l’intime et l’universel.

« Quand on est exclu, on exclut. Recréer du lien social est vital pour notre démocratie. Avec les maires de France, je veux créer un label Ville à Haute Chaleur Humaine Ajoutée. » — Diane Dupré la Tour, Les Petites Cantines

Donner et recevoir, n’est-ce pas la base du vivre ensemble ? Diane Dupré la Tour dispose d’exemples concrets pour le prouver : la moitié des convives des cantines ont par la suite modifié leur manière de manger. Parmi eux, 70% des personnes de plus de 60 ans ont repris plaisir à se nourrir et ont développé le sentiment d’être en capacité personnelle de renouer des relations de qualité. « En préparant et en partageant un repas ensemble, chacun retrouve un vrai sentiment d’utilité et de sécurité affective qui rejaillit sur son environnement personnel ou professionnel ». Une belle invitation à faire de la confiance et de l’échange le socle des politiques publiques, où l’acteur social est chacun d’entre nous. Cela pourrait se traduire par la création, entre autres, d’un label « Ville à Haute Chaleur Humaine Ajoutée » que Diane Dupré la Tour envisage de proposer à l’Association des Maires de France pour saluer les collectivités engagées dans la promotion de relations sociales de qualité. Si elle y parvenait, les villes pourraient alors s’inspirer de son modèle de petites cantines. Chaque quartier aurait alors sa propre cuisine dans laquelle les habitants pourraient passer du temps avec leurs voisins. C’est de cette manière que Diane Dupré la Tour souhaite pouvoir passer à l’échelle et changer le fonctionnement d’une société, qui serait désormais fondée sur la confiance…

Confiance dans les produits, confiance des agriculteurs, confiance envers autrui… Ces trois Fellows Ashoka ont également une belle confiance dans la vie qu’ils comptent bien célébrer lors des festivités de fin d’année ! « Chaque jour est un cadeau et rien que pour cette raison, nous devons garder la bonne humeur chevillée au corps, quels que soient les coups durs de l’existence » affirme ainsi avec enthousiasme Fabrice Hégron. Point sur lequel le rejoint Stéphane Gigandet qui souhaite pour 2021, un monde « où nous serons toujours plus nombreux à vouloir faire avancer les choses et où les projets de transformation ne seront pas en concurrence mais en coopération ». Une projection qui ne doit pas empêcher de savourer l’ici et maintenant : « Ancrons les festivités à venir dans le temps présent. Profitons pleinement du bonheur d’être ensemble ! » sourit Diane Dupré la Tour.

Propos recueillis par Sarah Pineau, Yoann Drouard et Maylis Trassard.

Qui sont les Fellows Ashoka ?

Les Fellows Ashoka cherchent à résoudre les problèmes sociaux, environnementaux ou sociétaux à la racine, pour réparer durablement les dysfonctionnements d’un système. Ils mettent tout en œuvre pour partager leur impact au-delà de leur propre organisation, et changer la norme dans leur secteur.

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