L’innovation par le handicap : “La singularité offre un défi à notre créativité : inventer un espace bienveillant et accessible à tous et pour tous”

Ashoka France
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14 min readApr 9, 2021

Innover c’est questionner la norme, déconstruire nos idées toutes faites, pour qu’émerge une pensée nouvelle. Simon Houriez, directeur et fondateur de Signes de Sens et Ryadh Sallem, fondateur de CAPSAAA ont choisi d’arpenter ce long chemin de traverse, pour le transcender et l’offrir en partage. Vivre l’expérience surprenante d’un autre atypique permet selon eux de forger un savoir inédit, celui de devenir capable, fort de ses manques. N’est-ce pas le lot de tous, nous disent-ils au fond, d’avoir une main dans le chapeau, ce “hand in cap”, ces vulnérabilités qui nous empêchent dans nos corps, nos mouvements, nos esprits ? Ne pourraient-elles pas être l’opportunité de retrouver cette fragilité universelle unique et merveilleuse qui fait l’essence de notre humanité et qui fait naître créativité et innovation ?

Educap City ©Laurent Bagnis

Ashoka : Pourriez-vous nous décrire votre projet ?

Simon Houriez : Signes de Sens œuvre depuis une petite vingtaine d’années pour la transition inclusive de la société, c’est-à-dire, permettre aux personnes en situation de handicap de participer à la vie de la cité. Participer, c’est à la fois bénéficier et contribuer. En somme, offrir à chacun la possibilité d’être acteur de la cité, de révéler tout son potentiel. Pour cela, nous avons 3 piliers : une vision, une méthode et une communauté. La vision est simple : le handicap est un levier d’innovation et de performance et chaque fois que vous amorcez un processus d’accessibilité, vous améliorez l’expérience collective, les exemples concrets sont légions ! Le second pilier : le design comme méthode, car il contient tous les ingrédients : centré utilisateur, empirique, pragmatique, et collectif avec toutes les parties prenantes autour de la table. C’est ce qui nous emmène sur notre troisième levier : une communauté large et éclectique pour monter des projets avec tous les acteurs de la société impliqués et assurer tout autant une pertinence des projets qu’une faisabilité. Nous voulons transformer la pratique du design, pour aller vers la conception universelle. Aujourd’hui, lorsque l’on parle de design et de handicap, on réduit encore trop au design du soin, de l’hôpital, ou pour le handicap. C’est trop étroit et nous voulons montrer que le handicap est un partenaire d’innovation et de performance, quel que soit le sujet ! Notre public, ou plutôt nos partenaires, sont les personnes ayant un handicap cognitif, mental, psychique ou sensoriel (autisme, trouble du comportement, déficience visuelle ou auditive, déficience intellectuelle,…). Leur perception, leur ressenti et leur cognition sont atypiques, et nous y voyons une opportunité de construire de nouveaux outils et de nouvelles expériences surprenantes et performantes pour tous.

Ryadh Sallem : Chez CAPSAAA, nous avons décidé d’inverser le paradigme de l’inclusion, qui est toujours envisagé comme allant du monde du handicap vers le monde ordinaire. Dans notre association, ce sont les personnes handicapées qui accueillent. Elles ont pour mission de faire de la sensibilisation, de la prévention, de la citoyenneté, d’utiliser le sport, l’art, la culture, tous les langages universels qui permettent de faire évoluer les mentalités, de dissoudre les peurs et les préjugés pour faire en sorte que la différence soit la norme. Nous œuvrons aussi à travers le sport pour offrir une opportunité d’insertion professionnelle aux personnes handicapées.

Simon : Bien que notre public soit plus large que celui des personnes porteuses de handicap, il faut bien admettre que nous sommes encore dans une période compensatoire. Nous devons amener aux personnes handicapées des outils, de l’aide, mais l’objectif ultime c’est bien le changement de vision, pour que l’on ait de moins en moins besoin de compenser.

Ryadh : Pour nous, la partie compensatoire est vitale et sa prise en compte permet d’amener à l’égalité. La controverse actuelle autour de l’AAH en est le révélateur. Simon travaille, lui, à créer des technologies visant à réduire l’impact du handicap ; c’est une autre forme de compensation.

Nous soutenons que le handicap est un levier d’innovation et de performance pour tous.” — Simon Houriez | Découvrir les projets de Signes de Sens

Évaluer le handicap par les chiffres reste un exercice très subtil, selon vous, comment peut-on approcher l’ampleur de la problématique en France ?

Simon : Effectivement, l’exercice est difficile. Par exemple en France, il y a 7 millions de déficients auditifs, mais une personne âgée qui perd de l’audition est dans une situation complètement différente d’un enfant qui naît sourd ou d’un adulte qui devient sourd. J’ai toujours essayé d’échapper à la quantification, même si cela peut être un levier pour le plaidoyer. Je préfère prendre la tangente et parler de personnes ayant des postures singulières, dont les expériences apportent une richesse pour tous. Leur rapport au monde est qualifié d’étrange, mais c’est justement là que se trouve la pépite. Il faut juste prendre le temps de s’y intéresser et de les rencontrer pour découvrir tout leur potentiel. La question ce n’est pas le nombre, mais plutôt la valeur que l’on va en tirer et l’échelle de leur impact. Montessori a commencé à travailler avec un petit nombre d’enfants de la rue à Rome et au final, sa méthode est plébiscitée aujourd’hui par tous. Le nombre d’enfants n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est la façon dont elle a transformé le monde de la pédagogie. Moi, je suis issu d’une formation scientifique, et en science, ce qui apporte de la valeur, c’est la situation atypique. Ce qui m’intéresse, c’est l’exploration.

Ryadh : Nous sommes 12 millions de personnes handicapées OFFICIELLES. Mais il existe, en effet, de nombreuses personnes qui ne souhaitent pas le déclarer. Et pour nous, les chiffres sont importants au regard de l’enjeu financier. En France, ce rapport aux chiffres est viscéral, tout comme notre goût pour la technocratie et l’administratif, d’ailleurs. Plus on est nombreux, plus la part du budget est grande : tant d’handicapés, c’est tant d’établissements, tant d’euros à dépenser, mais aussi, tant d’électeurs. J’en veux pour preuve l’exemple des maladies rares ou orphelines : les associations se sont battues pour intégrer le téléthon et obtenir des financements pour un tout petit nombre de personnes concernées. Et si Simon agit dans un cadre restreint, j’interviens, avec une logique militante, non seulement dans ce que l’on appelle “la masse”, mais aussi dans l’accompagnement individualisé.

De votre point de vue, quel chemin avons-nous parcouru depuis 50 ans sur le sujet du handicap, et que reste-t-il à faire pour arriver à l’inclusion ?

Ryadh : Le sujet progresse et régresse à la fois. Jacques Chirac avait permis de faire un grand pas en avant, et la France avait repris sa place de leader européen sur le sujet. Depuis, nous sommes passés dans la catégorie des mauvais élèves. En 2015, la loi Elan a fait reculer la réglementation instaurée en 2005. Par exemple, elle prévoyait que 100% des bâtiments neufs ou en rénovation devaient être accessibles dans ce qui était alors considéré comme une prise en compte de l’accessibilité universelle. Aujourd’hui, seuls 20% de ces mêmes bâtiments seront mis en accessibilité. La solidarité nationale s’est désormais fragmentée en solidarité départementale. Et on sait bien que ces collectivités territoriales ne disposent pas de moyens budgétaires équivalents ce qui entraîne des disparités de traitements pour les personnes handicapées. De fait, on assiste à une réelle immigration territoriale ! Depuis une dizaine d’années, on a fermé de nombreux établissements et lits d’hôpitaux, alors qu’il aurait fallu adapter des structures dédiées à des maladies quasiment disparues (comme la tuberculose ou la polio) en direction, par exemples, de l’autisme, de la SEP et des handicaps psychiques. On aurait également dû envisager une inclusion inversée et pas à sens unique, en ouvrant ces lieux au monde ordinaire. En parallèle, aussi bien dans les écoles de médecine que dans les écoles d’architecture, il faut déployer un enseignement qui ne soit pas que “clinique” ou technique, en lien avec les pathologies, mais qui aborde le handicap sociétal dans toutes les facettes de son humanité. Les lois sur le handicap sont toujours dites “en faveur de” : si ce sont des faveurs, ce ne sont pas des obligations et cela devient purement inéquitable. La sémantique a son importance.

Simon : Nous considérons que notre travail ne serait rien sans le travail de lobby et de militantisme qui a œuvré en amont, c’est à eux que revient le plus gros mérite. La loi de 2005 a vendu du rêve, et in fine elle a généré beaucoup de déceptions et de frustrations. J’ai vu, en revanche, un changement de mentalité. Grâce à cette loi, le handicap a passé l’étape d’appropriation par la société. Aujourd’hui, une femme handicapée fait la couverture de magazines comme n’importe quelle autre. L’Etat, quant à lui, a voulu passer par des normes. Mais il existe une dichotomie entre le respect des normes en ce qui concerne l’accessibilité et la perception de l’accessibilité par l’usager. Par exemple, sur le net, les plateformes du service public respectent le RGAA, pour autant, les utilisateurs ne s’y repèrent pas toujours. Nous sommes en train d’évoluer d’une posture technique vers une posture de design qui prend en considération l’expérience sensorielle et cognitive de l’usager, y compris celle d’une personne handicapée. Ce changement de paradigme amène à une réflexion sur la formation à la diversité. Ce que disait Ryadh sur la formation des médecins et des architectes est très vrai : elle doit évoluer. Je fais le pari que si le designer fait bien son métier, il creuse la question des expériences diverses et in fine, offre un produit plus accessible et plus inclusif. La norme ne peut pas nourrir la créativité nécessaire aux métiers du design, c’est plutôt un blocage. Il faut multiplier les clés d’entrée de notre analyse du rapport de l’usager aux objets et aux informations pour fertiliser le processus créatif.

Ryadh : Les territoires ont surtout souffert d’un manque d’accompagnement et de formation. Vous pouvez disposer de tous les budgets du monde, si vous ne savez pas quoi en faire cela ne sert à rien. Il y a aussi des mélanges des genres, certaines associations sont à la fois gestionnaires d’établissement et militantes. C’est difficile dans ce cas de figure, d’être à la fois juge et partie.

Les lois sur le handicap sont toujours dites “en faveur de”, si ce sont des faveurs, ce ne sont pas des obligations et cela devient purement inéquitable. La sémantique a son importance.” — Ryadh Sallem

DÉFI ILLETTRISME : Accompagnement de la préfecture de région Hauts-de-France pour faciliter l’accès à la formation et aux savoirs de base pour lutter contre l’illettrisme ©Signes de Sens

Quelles sont, selon vous, les racines du problème que vous avez identifiées ?

Simon : La clé, c’est le temps. Il faut s’autoriser à parcourir un chemin, loin des idées toutes faites et des concepts bien emballés. Je pense que nous sommes dans une période où il faut produire des solutions. Dans le passé, on a débloqué des budgets de transformation, mais il n’y avait finalement pas, ou peu, d’acteurs du design et de l’innovation qui étaient pertinents sur ces sujets. Moi, à cette époque, je n’étais pas assez mature pour faire des propositions. Je trouvais cela super stimulant, mais finalement, il nous a fallu 10 ans derrière à Signes de Sens pour vraiment trouver le cadre et cette idée de créer des laboratoires d’innovation externes pour le médico-social. Le fait que ces laboratoires soient externes est important car les structures actuelles tendent à se positionner comme propriétaires, comme si elles étaient les seules propriétaires de ces personnes. Avec ce type de plateformes ancrées dans les territoires et pilotées par le design, on peut fédérer autour d’une ambition, rassembler les ressources autour d’un projet, pour peut-être ensuite les essaimer au-delà du territoire. Le point essentiel reste de construire, à partir de l’expérience des personnes en situation de handicap, et de les impliquer le plus possible. J’espère demain pouvoir recruter des designers en situation de handicap, ce serait génial !

Ryadh : De tout temps — et je dirais même au plus lointain que remonte notre connaissance de l’humanité — il y a toujours eu des personnes innovantes, avec des procédés industrialisables. Grâce à des structures comme ASHOKA, certains d’entre nous sommes récemment devenus audibles. Nos innovations, nos idées, notre créativité ne s’inscrivaient pas dans la logique de ces deux grosses institutions que sont le médical et le social, largement politisées. Nous étions prêts, mais la société n’était pas prête. Revenons-en aux normes d’accessibilité pour lesquelles il aurait fallu être modéré, sans doute avec des propositions de paliers, et non dans l’extrême et la systématicité. Il n’y avait pas d’alternative possible. Là où je rejoins Simon, c’est que nous attendons des promoteurs et des architectes une véritable créativité au niveau de la conception. Il ne s’agit pas de reproduire ou de faire s’entrechoquer les diverses normes, mais au contraire de les transcender, de les harmoniser et d’éviter le copier-coller industriel. La norme devrait être l’exception ou l’innovation, la norme. Un aveugle, un autiste, une personne amputée font sémantiquement partie de la famille du handicap, mais leurs besoins et les solutions à inventer pour chacun d’entre eux sont variables. Il faut trouver la complémentarité entre la logique du groupe et celle de l’individu. Les espaces-temps ne sont pas les mêmes. La norme est un point de repère référentiel qui invite ensuite au sur-mesure. Rien n’interdit bien sûr de la bousculer, de la challenger pour faire émerger l’innovation. Ainsi, nous créerons une culture de l’accessibilité universelle. Tel est l’enjeu de civilisation auquel nous sommes invités. A nous de relever ce défi de société.

Designer un outil universel ne prend pas plus de temps, ni ne coûte plus cher, si les compétences ont été acquises en amont.” — Simon Houriez

Chez Ashoka, nous estimons qu’une innovation qui crée les conditions pour que d’autres s’en emparent permet de créer un changement systémique et de transformer durablement la société. Quelles stratégies adoptez-vous pour diffuser votre vision au-delà de votre organisation ?

Simon : Aujourd’hui, nous avons trois grands partenaires. D’abord le médico-social que l’on accompagne dans leur transition inclusive pour transformer leurs pratiques et améliorer leur prise en charge ou inventer de nouveaux outils. Avec eux, nous inventons, en partenariat ou sous forme de prestation, puis nous cherchons les moyens de déployer au maximum la valeur créée avec le bon modèle économique… Le deuxième, ce sont les acteurs publics ou privés qui fournissent des services ou des biens, que ce soit La Poste, un magasin de téléphones, un café, la mairie… Avec eux, nous essayons de les motiver à aller vers plus d’inclusion. Par exemple, j’interviens actuellement à l’ENA pour convaincre qu’une politique publique innovante en conception universelle, conçue d’abord avec les personnes en situation de handicap, est synonyme d’une meilleure performance pour tous. Sur cette cible, nous partageons plus de contenus et essayons d’inspirer plus d’enthousiasme, en misant sur la valeur créée et en mettant en valeur les intérêts croisés. Enfin, nous essaimons dans notre écosystème via des conférences, des cours, des vidéos sur les projets. Signes de Sens travaille par exemple sur une thèse en ce moment sur le design inclusif. Si on remonte le fil, nous avons commencé nos travaux sur le design de l’information, puis nous avons designé des outils. Ensuite nous avons fait du design de services, c’est-à-dire l’expérience de l’utilisateur autour de l’outil, et j’espère passer par la suite à l’espace dans lequel se passe l’expérience, et pouvoir approcher, par exemple, les architectes. Ainsi, nous aurions une vue d’ensemble. On prend le temps, comme un arbre qui pousse. Les start-up actuelles ont peut-être trop tendance à vouloir brûler les étapes. Elles ont tort, le temps de l’immersion, de l’acculturation, de l’erreur, de l’appropriation dans le champ du handicap est un long processus. Quand Lévi-Strauss a entrepris de comprendre des civilisations lointaines, il ne les a pas observées deux semaines, il est resté deux ans, à s’asseoir, manger, discuter avec eux, une appropriation par empathie, par expérience. Il faut donc investir la formation pour faire monter en gamme l’expertise du designer dès la formation initiale. On me pose souvent la question du coût ajouté pour faire inclusif : en fait, concevoir un outil universel ne prend pas plus de temps et ne coûte pas plus cher si les compétences ont été acquises en amont. Par contre, si vous découvrez le sujet sur un projet alors oui, cela coûtera plus cher, c’est pour cela que les designers doivent se former et s’expérimenter sur le sujet pour pouvoir, demain, remplir leur mission : faire un monde où l’expérience de chacun est riche, performante et satisfaisante !

“La norme devrait être l’exception ou l’innovation, la norme.” — Ryadh Sallem | Faire de son handicap une force

Ryadh : Les institutions sont demandeuses de notre expertise et les écoles de médecine, d’architecture sont souvent venues me solliciter pour donner des conférences. Ils m’ont invité une fois, deux fois, mais pas trois. Pourquoi ? Parce que je suis venu bousculer leurs codes. Comment prétendre détenir une légitimité si tu n’as pas de bagages universitaires ? Aujourd’hui, la théorie prime sur la pratique, l’enseignement actuel étant resté ancré dans les fondamentaux du siècle dernier. C’est amusant d’ailleurs de voir que ces mêmes institutions valorisent l’idée de l’innovation, mais restent frileuses quant à son application. Elles demeurent souvent dans l’intention, mais pas dans les actes. J’ai donc choisi de biaiser, en sollicitant les acteurs de terrain (éducateurs, formateurs, …) pour ne pas aborder les institutions de façon frontale. Nous travaillons, par exemple, avec divers ministères (Éducation Nationale, Sports, …), des collectivités territoriales,… via Educapcity, un grand rallye national et pédagogique à destination des enfants, ces derniers étant un vecteur formidable de transformation. On les invite notamment à vivre des expériences citoyennes, et d’eux-mêmes, ils pratiquent le basket fauteuil ou apprennent les rudiments de la langue des signes. On est loin de la théorie et pleinement dans la rencontre. On mise sur du très long terme, sur des enfants qui, plus tard, seront aux responsabilités, plutôt que d’essayer de convaincre certains adultes persuadés de détenir une vérité, hermétiques au changement et qui ne se remettent pas en question. Nous œuvrons aussi en partenariat avec des centres de formation pour la réinsertion des personnes handicapées. Enfin, j’ai eu une idée novatrice en 2001, celle de la cité du handicap. J’ai imaginé un lieu, comme les Invalides pour les militaires, qui regrouperait toutes les innovations, les connaissances, les compétences, les pratiques culturelles et sportives ; on envisageait la création d’une cité sous le prisme de l’accessibilité. Une cité universelle. En 2001, je n’étais pas audible, et ce, jusqu’à ce qu’on décroche la candidature des Jeux olympiques et Paralympiques. Ce projet est formidable grâce à son impact, mais aussi par son exigence. Les Jeux olympiques c’est l’excellence, cela motive les architectes, il n’y a pas de dérogation et surtout pas concernant l’accessibilité. Je pense que ces nouvelles pratiques inspireront celles des constructions à venir. L’effet indirect de Paris 2024 s’inscrit à la fois comme un précédent et un héritage. On ne pourra plus jamais dire “ce n’est pas possible”.

Qu’est-ce que vous auriez envie de dire aux Fellows ? Que faut-il retenir du feu qui vous anime ?

Simon : Savoir prendre le temps, travailler pour obtenir de la qualité, c’est exigeant et complexe. Nous travaillons avec un public aux parcours éprouvants, fragiles, ils nous obligent à ne pas les décevoir, il ne s’agit pas de leur vendre un miroir aux alouettes. Par ailleurs, il faut prendre le temps de comprendre, de demander, de ne pas projeter. Il faut gommer ce “nous” et “eux” et commencer par développer une vraie vision du “Nous” car l’humanité ne s’est pas scindée en plusieurs branches. Nous sommes un tout divers et complexe et c’est ce qui fait notre richesse, à nous de révéler et valoriser ce que chacun y gagne plutôt que d’y voir des obstacles. Je pense que la conception universelle est une belle façon d’aller chercher ce Nous. Je crois que Signes de Sens travaille pour permettre à chacun d’accéder à la complexité du monde pour la gérer, sans jamais la réduire.

Ryadh : Moi, j’aime les choses simples, mais pas simplifiées. Quand j’étais pré-adolescent sur mon lit d’hôpital, j’écoutais Albert jacquard sur France Culture, lui savait rendre accessible des concepts très complexes, et j’avais l’impression d’être plus intelligent. C’est peut-être cela que nous faisons : revenir à une certaine simplicité, pas simplificatrice, ni simpliste, mais une réalité plus humaine, tout simplement. C’est simple d’être compliqué et compliqué d’être simple.

Propos recueillis par Yasmine Reggai.

Qui sont les Fellows Ashoka ?

Les Fellows Ashoka cherchent à résoudre les problèmes sociaux, environnementaux ou sociétaux à la racine, pour réparer durablement les dysfonctionnements d’un système. Ils mettent tout en œuvre pour partager leur impact au-delà de leur propre organisation, et changer la norme dans leur secteur.

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