« UNE IDÉE FOLLE ! » Zoom sur le premier film citoyen qui questionne l’éducation!
Tourné dans neuf établissements scolaires, de la maternelle au collège, le film Une Idée Folle pose la question du rôle de l’école au XXIème siècle. En cultivant l’empathie, la créativité, la coopération ou encore l’esprit critique chez les élèves, les enseignants de ces écoles sont sur le point de réaliser une utopie : celle de former une future génération de citoyens épanouis et responsables qui auront à cœur de transformer positivement la société qui les entoure.
Rencontre avec Judith Grumbach, la réalisatrice du film !
« Nous souhaitons que les citoyens s’emparent de ce film, et que celui-ci contribue à créer un débat à la hauteur des enjeux. »
Tu viens de réaliser un film sur l’éducation. À tes yeux, l’école est-elle à « réinventer » ?
Disons qu’il m’apparaît comme urgent de se poser la question du rôle de l’école et de la notion de citoyenneté qui en découle.
L’école telle qu’elle est aujourd’hui ne sait pas gérer les enfants qui ne rentrent pas dans les clous.
Nous avons plus de 100 000 décrocheurs chaque année. Nous devons affronter des défis climatiques et sociaux inédits. Nous ne connaissons pas 60 % des métiers que les enfants exerceront demain. Et nous avons pris l’habitude de considérer que quand on respectait la loi et qu’on allait voter, nous étions un bon citoyen. Tout n’est pas si simple. De fait, il semble relativement évident que si nous n’apprenons pas tous à nous relever les manches, nous fonçons droit dans le mur. Redonner du sens à l’engagement citoyen, cela passe par l’éducation.
Peux-tu revenir sur la genèse de cette « Idée Folle » ?
Début 2015, j’ai commencé à développer une obsession pour le sujet de l’éducation. J’ai pris conscience que changer l’école était le meilleur moyen de changer la société. C’est au moment où je cherchais comment raconter cette histoire que Ashoka m’a contactée. Ils avaient besoin de petites vidéos de 3 minutes pour présenter les écoles soutenues par le réseau. Je suis rentrée de 4 jours de tournages avec 26 heures d’images et nous avons décidé de faire ce film.
Lorsque tu dis « Si j’étais allée dans une école comme ça, j’aurais sans doute plus vite trouvé mon chemin » qu’entends-tu par-là ?
C’est vrai, la première chose que je me suis dite en passant la porte de ces écoles, c’est « Qu’est-ce que j’aurais gagné comme temps si j’avais été dans une école comme ça… » À vrai dire, je n’ai pas vraiment aimé l’école. Alors que j’étais dans un milieu très protégé, dans une école « humaniste », cela n’a dérangé aucun de mes professeurs que je n’ouvre pas la bouche en classe pendant 14 ans. Je me sentais noyée dans la masse et je n’avais aucune confiance en moi. Je pense que si j’avais été dans l’une des écoles qui apparaissent dans le film, j’aurais osé beaucoup plus de choses. Peut-être que j’aurais fait une école de cinéma par exemple, ce qui à l’époque où j’ai passé le bac, me paraissait complètement impossible.
Mais en quoi ces écoles sont-elles différentes de l’école traditionnelle telle que nous la connaissons ?
Dans ces établissements scolaires, en plus de transmettre les savoirs fondamentaux, les équipes enseignantes mettent un fort accent sur le développement de qualités comme l’empathie, la confiance en soi, la coopération, la prise d’initiatives et l’esprit critique. Le vivre-ensemble et la citoyenneté ne sont pas des sujets parmi tant d’autres, ils constituent la colonne vertébrale du projet pédagogique.
Dans ces écoles, les enfants apprennent et comprennent très tôt qu’ils peuvent avoir un impact sur le monde qui les entoure.
À 5 ans, pour un enfant, son environnement c’est d’abord sa classe et sa famille, et puis, au fur et à mesure son univers s’élargit et il comprend alors que quand il sera plus grand, il pourra avoir un impact sur la société. Il y a une grande responsabilisation des enfants, le développement de leur autonomie et un vrai apprentissage des valeurs portées par notre devise républicaine : la liberté, l’égalité et la fraternité.
As-tu relevé quelque chose de singulier dans la philosophie des enseignants comme des méthodes d’apprentissage d’un genre nouveau ?
Il ne s’agit pas d’une nouvelle méthode. Ces enseignants font des choses différentes, dans des environnements différents. Ils ont tous « fait leur sauce » au fur et à mesure de leurs lectures, de leurs rencontres et de leurs expériences. Beaucoup des outils qu’ils utilisent sont inspirés par des pédagogies qui datent du début du XXème siècle.
Ce qui les réunit, c’est qu’ils veulent tous former des futurs citoyens épanouis, responsables, qui auront à cœur de transformer le monde qui les entoure.
Et pour faire cela, ils partagent la même posture : beaucoup de bienveillance, beaucoup d’exigence (envers eux-mêmes et les enfants) et une remise en cause permanente pour toujours avancer. Ils sont tous des chercheurs et ils travaillent en équipe.
En d’autres termes, ils souhaitent faire bouger les lignes. Peux-tu me dire à quels genres d’obstacles ils sont confrontés ?
Pour ce qui est de l’enseignement public, ils sont parfois confrontés à la rigidité de l’institution. Mais certains enseignants sont aussi complètement soutenus par leur hiérarchie. Chaque situation est unique. Dans l’enseignement privé, le principal obstacle est la pérennité du système économique combiné, pour certaines, à la volonté d’arriver, malgré des frais de scolarité forcément plus élevés, à garantir aussi une mixité sociale et scolaire. Là encore, il est impossible de comparer les différentes écoles.
Avais-tu des a priori sur l’éducation avant ce tournage ? Quel était ton état d’esprit ?
J’avais l’intuition que c’était là qu’il fallait regarder pour changer les choses, mais pas beaucoup plus. Je suis partie en tournage avec un regard volontairement neutre, presque naïf, sans aucune idée préconçue.
Et ton regard a –t-il changé depuis ?
En fait, quand on rencontre ces enseignants, et ces enfants, il y a un sentiment d’évidence. Cela ne veut pas dire que tout est parfait, évidemment. Mais on a l’impression que cela fonctionne et que tout le monde se sent plutôt bien. Il y a des conflits, comme partout, mais ils possèdent les outils pour les gérer. Les enfants ont l’air de tous avoir trouvé leur place dans le groupe. Les enseignants, qui travaillent beaucoup, sont épanouis, et ont confiance en eux.
On se prend alors à imaginer à quoi ressemblerait la société française si tous les enfants étaient éduqués comme ça. Et je suis à peu près persuadée que cela changerait beaucoup de choses.
Comment multiplier ces initiatives ?
En parlant d’elles, comme ton sujet sur l’école des Bosquets, par exemple ! En revalorisant le métier d’enseignant aussi. C’est fondamental. C’est aussi l’un des objectifs de ce film qui est un outil. Un outil pour amener la discussion.
Nous souhaitons que les citoyens s’emparent de ce film et que celui-ci contribue à créer un débat à la hauteur des enjeux.
C’est pour cela qu’on a décidé de distribuer le film grâce à des projections citoyennes.
Où et à partir de quand peut-on découvrir Une Idée Folle et comment « s’en emparer » ?
À partir du 7 mars, le film sera distribué grâce à des projections citoyennes partout en France. Pour organiser l’une ces projections, écrivez-nous dès à présent à contact@uneidéefolle-lefilm.com
As-tu des projets à venir ? Seront-ils liés au cinéma ou à l’éducation ?
Les mois à venir vont être dédiés à Une Idée Folle. Pour que le film ait le plus d’impact possible. Après on verra. Mais je ne pense pas me désintéresser du sujet de sitôt.
Un message à faire passer ?
Nous avons tous un rôle à jouer pour transformer le système éducatif, parents, enseignants, citoyens et enfants bien sûr. J’espère que le film contribuera à cette prise de conscience.
Bonus des optimistes:
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