“ Quels conseils donneriez-vous à des parents en matière d’éducation?”

Ashoka France
Tous Acteurs de Changement
4 min readFeb 7, 2017

La question a été posée à Nolwenn Guillou, directrice de l’un des établissements scolaires filmés, pendant la tournée d’avant-premières d’Une Idee Folle dans toute la France. Elle raconte :

“Lors de l’échange après la projection à Dinan, de jeunes parents n’ayant pas encore d’enfant en âge d’être scolarisé m’ont demandé : « quels conseils donneriez-vous à des parents en termes d’éducation ? ».Wouah ! Pas simple comme question au pied levé, surtout quand on a soi-même cinq enfants et qu’on se le demande un peu tous les jours. En me couchant le soir, un peu tard, je repense à cette question à laquelle ma réponse ne m’avait pas moi-même convaincue et un exemple me vient à l’esprit.

Un mois et demi plus tôt, alors que j’arrivais tout juste de l’école un mercredi midi, ma fille de douze ans me dit : « maman, je changerais bien les meubles de la salle de place parce que je ne trouve pas ça pratique comme c’est. » Bon, ce n’était pas tout-à-fait le programme que j’avais prévu pour l’après-midi mais après tout, je n’avais pas non plus de chose impérative à faire qui aurait justifié de dire non. Je la laisse donc commencer à tout déplacer. Elle vide les meubles (remplis des nombreux livres familiaux et des jeux de sa sœur de 2ans et demi), met tout au centre de la pièce, déplace les meubles à son idée, embauche ses frères et sœurs pour des taches à leur portée au fur et à mesure qu’elles se présentent, trie tous les objets pour les réorganiser dans ce nouvel espace et à la fin, au bout de trois heures, me dit : « qu’est-ce que tu en penses ? ». Je regarde la pièce et lui répond « Tu as raison, c’est mieux comme ça ». Elle demande ensuite leur avis à ses frères et sœurs parce que sans doute elle a besoin qu’on lui dise que c’est bien. Son frère lui dit alors « je préférais avant parce que j’avais mon petit coin ici où j’aimais bien me mettre ». Nouvelle modification en adaptant l’idée au besoin. A la fin de l’après-midi, tout le monde est satisfait.

En repensant à cela, je me dis qu’elle est là la place de l’adulte :

— créer le climat et le contexte favorable à la prise d’initiative et à la proposition (elle se sait autorisée à proposer cela, au-delà d’idées pré-conçues qui voudraient que ce genre d’espaces soit la propriété des adultes seuls, après tout, les enfants y vivent aussi)

— faire confiance (je l’autorise à essayer, avec un contrat tacite qu’il faudra qu’elle aille au bout de son idée et qu’il n’est pas question qu’elle déplace juste les meubles et me laisse ensuite tout à ranger)

— encourager, accompagner et aider (l’aider pour les meubles plus lourds ou lorsqu’un moment de découragement arrive)

— enrichir par son expertise et son savoir ou savoir-faire (lui faire prendre conscience par exemple que tel meuble ne pourra pas être mis à cette place en raison de sa longueur et que pour être certain, il suffit de mesurer)

— valider (lui dire si cela convient ou non en regard des critères qu’elle s ‘était elle-même fixés,en l’occurrence la circulation dans l’espace)

Lui nier ce droit d’éprouver son idée (au sens plein de mettre à l’épreuve avec les contraintes que cela peut impliquer) aurait conduit à lui interdire cette créativité, cet engagement et cette action qu’elle peut avoir sur son environnement, ce leadership et cette bienveillance. Cela aurait également conduit à priver le groupe de cette idée qui était effectivement un progrès. Bien évidemment, en situation, cela ne se pense pas de façon aussi analytique mais si on y réfléchit avant et que l’on est convaincu, c’est comme ça qu’on le vit. Reconnaître cette place et ce droit à l’enfant, c’est aussi s’autoriser en tant qu’adulte à dire non pour le moment (on n’essaie pas cet après-midi parce que… mais on le fait samedi) ou à lui dire non, ça ne fonctionne pas comme ça parce que … (l’enfant peut l’entendre parce que sans doute il l’aura déjà constaté déjà par lui-même). En conclusion c’est, quelque soit l’âge et cela dans les situations de tous les jours, permettre à chacun de prendre sa place et d’agir pour un épanouissement individuel en visant à un bien vivre collectif.

Pour clore l’anecdote, cette enfant capable d’autant d’implication et de persévérance est revenue en décembre avec un bulletin de collège qui indiquait « manque de travail et d’engagement », à méditer.

L’école de Trébédan est une des Changemaker Schools sélectionnées par Ashoka pour leur rôle de pionniers d’une nouvelle manière d’éduquer, qui cultive chez chaque enfant des qualités d’acteur de changement.

Le film documentaire Une Idée Folle, co-produit par Ashoka et réalisé par Judith Grumbach, pose la question du rôle de l’école au 21e siècle. Plus d’informations sur les dates de projection ici !

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