VIOLENCE FAITE AUX FEMMES : L’INSTITUT GÉNÉSIQUE REND “L’INACTION INACCEPTABLE “

Ashoka France
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4 min readJun 6, 2016

A l’Institut en Santé Génésique, médecins, juristes, psychologues, infirmières, s’allient avec le réseau d’acteurs sociaux existant pour faire sortir les femmes du cycle de la violence. Une approche innovante, qui repense fondamentalement la manière de s’attaquer à ce tabou, qui touche chaque année plus de 600.000 femmes en France.

Manipulation psychologique, maltraitance physique, agression sexuelle, précarisation économique, harcèlement, mutilation rituelle… La violence faite aux femmes, souvent derrière les portes closes du foyer ou de l’entreprise, coûte 4,5 milliards d’euros par an à l’Etat français. C’est quatre fois plus que le cancer du sein, et « un des plus grands problèmes de santé publique » selon Pierre Foldès.

Ecouter, pour comprendre la complexité de la situation des femmes victimes de violence

Ce chirurgien urologue s’est toujours intéressé à ceux que personne ne veut soigner. Un des fondateurs de Médecins du Monde, chirurgien de guerre pendant un temps, il est reconnu au niveau international pour avoir inventé une technique chirurgicale fiable, simple et peu coûteuse, de réparation de la mutilation sexuelle féminine.

« Avant d’opérer une femme, il faut l’écouter. C’est en écoutant que j’ai compris la complexité des besoins d’une femme qui veut sortir d’une situation de violence. Elle est complètement cassée et a besoin de soutien à absolument tous les niveaux. » raconte-t-il pour expliquer la nécessité d’agir face à ce fléau.

Ecouter ces femmes, c’est aussi ce qu’a fait Frédérique Martz, co-fondatrice de l’Institut. Pendant plusieurs années avant la création de ce dernier, elle retrouve ces femmes, avant et après le bloc opératoire et crée un groupe de parole, pour comprendre la situation dans laquelle elles se trouvent.

« Nous sommes partis du sujet le plus tabou, la mutilation du sexe féminin, pour évoluer progressivement vers une compréhension plus générale de toutes les violences dont sont victimes les femmes » explique-t-elle.

© Institut en Santé Génésique, Pierre Foldès et Frédérique Martz

Rassembler les professionnels en un seul lieu gratuit et ouvert à toutes

Ensemble, parce que « dans cette lutte, il fallait absolument représenter les deux pôles de l’humanité », Pierre Foldès et Frédérique Martz créent en janvier 2014 l’Institut en Santé Génésique, sur le site de l’hôpital de Saint-Germain-En-Laye, dans le département des Yvelines. L’idée parait toute simple, et pourtant elle n’a encore jamais été mise en place. Il s’agit de regrouper en un seul lieu gratuit, confidentiel et ouvert à toutes, tous les spécialistes dont a besoin une femme pour sortir du cycle de la violence : médecins, infirmières, psychologues, juristes, en lien avec les réseaux sociaux existants sur le territoire, spécialistes du (re)logement, de l’accès aux droits sociaux ou encore de la réinsertion professionnelle.

Dans cet Institut, nul besoin de répéter péniblement son histoire lorsque l’on passe d’un spécialiste à l’autre. Pour faciliter le partage d’information et l’efficacité de la prise en charge, les professionnels volontaires pratiquent un « secret professionnel partagé ». C’est une véritable équipe qui prend en charge chaque femme qui pousse la porte de l’Institut.

« Ici, aucune profession n’impose son cadre de lecture aux autres. La femme est au centre de tout, et les professionnels doivent s’adapter pour prendre en compte la complexité des besoins, et harmoniser leurs pratiques. C’est la seule manière possible d’apporter une solution pérenne aux femmes qui viennent nous voir » explique la co-fondatrice de l’Institut.

Lever le tabou, libérer la parole

Au-delà du cadre de l’Institut, Pierre Foldès et Frédérique Martz ont créé un réseau de plus de 2500 spécialistes-relais dans les Yvelines. Le but est de créer un écosystème d’acteurs de différents secteurs en contact avec des femmes, interconnectés et sensibilisés à cette problématique, qui sauront les détecter et les orienter rapidement vers l’Institut.

En deux ans, l’Institut a accueilli 818 femmes. La moitié viennent des Yvelines, l’autre des quatre coins de France, et même de l’étranger. En plus du soutien professionnel qu’elles reçoivent à l’Institut, c’est la libération de la parole qu’elle viennent chercher. Au-delà de la prise en charge, elles ont accès à des activités, des groupes de parole, visant à donner une voix à celles que personne n’écoute, à combattre l’isolation, et redonner confiance.

Et après ?

Sur le long terme, le modèle de l’Institut a vocation à être répliqué ailleurs en France et à l’étranger, pour que l’accès au soin et au soutien ne reste pour aucune femme un parcours du combattant. D’autres dossiers occupent également Frédérique Martz et Pierre Foldès : l’Institut vient de se voir solliciter par un partenariat avec les Universités de Paris pour lutter contre le harcèlement sexuel dans 8 universités et des grandes écoles parisiennes. Ils cherchent parallèlement à s’impliquer davantage auprès des femmes migrantes, victimes de violences lors du parcours migratoire, ou prisonnières des réseaux de traite, ainsi qu’auprès des femmes de milieux ruraux, souvent isolées. Une véritable approche de terrain, qui brise des tabous, rompt l’isolement, et rappelle que face à tout type de violences, l’inaction est inacceptable.

Anaïs Petit, Ashoka France

En 2015, Pierre Foldès a été sélectionné parmi les entrepreneurs sociaux du réseau Ashoka, qui rassemble les pionniers de l’innovation sociale au sein d’un réseau mondial de plus de 3000 Fellows.

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