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5 min readMar 9, 2021

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Comment l’équipe de Sèmè City s’inspire de l’organisation d’un village africain pour faciliter une démarche de co-expérimentation avec plusieurs acteurs.

Lancé en 2019, ASToN est un réseau de 11 villes africaines qui souhaitent utiliser les outils numériques pour relever leurs défis locaux, défis qui existent aussi à l’échelle globale, tels que le traitement des déchets, la gestion foncière, les transports urbains ou encore la gestion des taxes. Ces villes sont ainsi pleinement impliquées dans une démarche de transition numérique qui engage aussi une transformation dans leurs manières de concevoir et de porter leurs projets locaux, notamment par l’intégration de démarches plus participatives.

Au sein du réseau, des évènements réunissant toutes les équipes locales des 11 villes ainsi que des experts internationaux ont lieu de manière régulière. C’est ainsi qu’au mois de Décembre 2020 un évènement de réseau a été organisé avec pour objectif d’aborder le thème de l’exploration commune des données, en lien avec la conception d’un projet local. L’idée était de revenir sur un domaine d’apprentissage du réseau :

« comment impliquer les parties prenantes dans la conception de la solution ? ».

L’innovation, la co-conception et la durabilité étant l’assise même de réseau, une intervention de la part de l’Agence de Développement de Sèmè City s’imposait comme une évidence.

L’Agence de Développement de Sèmè City (Sèmè City) au Bénin a pour mission de concevoir, planifier et développer une ville intelligente et durable axée sur l’innovation et le savoir. Les trois piliers sont les formations de pointe adaptées aux évolutions des métiers ; la recherche et expérimentation d’innovations à fort impact économique et social ; et la création d’un écosystème entrepreneurial au service du développement durable.

La mise en place d’un tel écosystème nécessite une implication forte à différentes échelles de temps de nombreux acteurs politiques, économiques et sociaux au niveau national comme local, de partenaires techniques et financiers, d’opérateurs proposant des offres vers les apprenants, chercheurs et entrepreneurs, ainsi que de la population concernée.

Ne disposant pas d’un mode d’emploi pour faire face aux défis d’orchestration de ces différentes catégories d’acteurs, Sèmè City a très tôt choisi de travailler en mode « co » : collaboration, co-expérimentation, co-création, co-construction…

C’est ainsi qu’en Novembre 2019, nous avons sélectionné des entités porteuses de solutions innovantes en énergies renouvelables et écoconstruction, désireuses de les développer en collaboration avec d’autres acteurs pour une expérimentation dans la commune de Sèmè-Podji. La question suivante s’est posée à nous : « Comment faire travailler ensemble 50 participants qui ne se connaissent pas (startups, PME, chercheurs, institutions académiques et acteurs publics) afin qu’ils conçoivent, en seulement deux jours, des projets innovants en énergies renouvelables et écoconstruction répondant aux attentes de la commune de Sèmè Podji ? »

L’organisation d’un atelier d’innovation ouverte nous est apparue comme une configuration idéale pour confronter des solutions et points de vue pluridisciplinaires afin de faire émerger un ou plusieurs projets portés en commun. Cet atelier devait être avant tout une unique et formidable occasion de regrouper le plus grand nombre de personnes qualifiées et intéressées autour d’idées innovantes.

En préparant l’atelier, nous avons voulu nous inspirer de l’organisation d’un village africain. En effet, le village africain s’organise autour d’une manière de vivre ensemble. Il évoque le sens de la famille et les liens que les individus tissent entre eux pour des objectifs communs.

Comme dans un village, nous avons défini :

- Les grandes familles du village, qui ont la charge de produire et gérer les ressources du village correspondant aux thématiques de co-expérimentation : ici l’efficacité énergétique d’un hôtel de ville, la recyclerie verte (biomasse, biogaz, charbon vert) ou encore le stockage intelligent d’énergie.

- Les valeurs, attitudes et principes à respecter par tous, rappelés au sein d’une chartre visée par tous : l’honnêteté, la compréhension, l’équilibre, la générosité, l’humour, l’apprentissage, l’entraide, la bienveillance et la collaboration.

- Des rôles précis des habitants du village : le chef de famille dirige le projet et prend les décisions, le notable a le pouvoir de faire avancer le projet, le guérisseur propose des outils et solutions, le sachant est consulté sur les questions techniques, le conteur communique sur le projet et le juge évalue les résultats.

Pendant l’atelier, il s’est créé naturellement une affinité entre les membres d’une même famille même si les besoins de chaque membre de la famille étaient différents. De plus, nul n’était tenu de rester dans une famille. Les membres qui ne se sentaient pas à l’aise ont pu changer de famille (ou aller jouer ailleurs, loin de du village).

L’analogie du village a été très bien acceptée par les différents participants et chacun a su s’impliquer et remplir son rôle pour mettre du lien et du liant. Au sein des familles, les idées de chaque membre ont été écoutées, confrontées, et les choix les plus pertinents réalisés avec l’aide des chefs de famille et notables. Même lors de conflits — inévitables au sein d’un village — l’ambiance est restée extrêmement bienveillante et les participants n’ont pas hésité à s’investir au-delà des créneaux horaires prévus pour les ateliers. Le déroulé des ateliers imposant un rythme contraignant, cadencé par une fourniture de livrables à différents moments de la journée, a mené les différents acteurs à aller à l’essentiel.

En deux jours, cette approche originale nous a permis de créer une véritable dynamique d’équipe pour la conception de projets innovants de co-expérimentation. A l’issue de l’atelier, le jury a sélectionné 6 projets portés par 22 contributeurs et dont le déploiement va démarrer début 2021 en impliquant plusieurs parties prenantes.

Pour plus d’information : https://semecity.bj/programmes/ace

Les leçons que les villes africaines peuvent tirer de l’analogie du village sont nombreuses.

Cette analogie permet d’intégrer de manière claire dans l’écosystème de décision et de conception une palette variée et complète d’acteurs, du décideur politique local, aux bénéficiaires, en passant par des instances de financement, de communication ou encore d’évaluation. De plus, cette intégration n’est pas figée.

Dans les domaines d’intérêts pour les villes d’ASToN, tels que la gestion des taxes, la sécurisation de la mobilité et l’amélioration de la communication du trafic routier auprès des usagers, ou encore la participation citoyenne, la pluralité des acteurs est de mise. Il s’agit là, non seulement d’impliquer ces différents acteurs, mais d’assurer une pleine compréhension de leurs rôles par chacun et une appropriation de leurs responsabilités dans la co-conception des projets. Chacun a voix au chapitre et un domaine d’application de ses responsabilités. Tous participent donc au montage du projet, du point de vue d’un automobiliste, un gestionnaire des impôts, un économiste, une autorité local ou un développeur web par exemple.

En plus de s’appliquer aux questions de participation et de co-création au niveau local, ces enseignements s’appliquent aussi plus généralement aux villes africaines. Avec un taux d’urbanisation de plus de 4% (source : https://www.cairn.info/l-economie-africaine-2020--9782348057465-page-57.htm), les villes africaines voient leurs populations augmenter rapidement. Ces populations nécessitent donc la mise en place de services urbains adaptés à leurs besoins et durables. Cette approche d’écosystème pluridisciplinaire de co-conception semble donc adéquate.

Article en anglais ici.
Co-rédigé avec Claude Borna Seme City.

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