Comment démocratiser la User Research

Perrine Gosset
Atecna Design
Published in
9 min readJan 26, 2023

Vous démarrez un prochain challenge, à savoir, mettre en place la User Research chez votre client ou au sein de votre entreprise. Quel que soit votre contexte, vous devez prendre le temps de développer cette expertise !

Ces derniers temps on voit beaucoup de commentaires sur la nécessité de développer la recherche, les bénéfices pour l’entreprise mais concrètement, comment convaincre de la valeur de la recherche et monter son département ou comment l’améliorer ? Par quoi on commence ? Quelles sont les pratiques ?

Etant dans une agence digitale de consulting, j’ai eu la chance de pouvoir me confronter à cet exercice et en 2 ans, j’ai eu l’opportunité de contribuer au développement de la maturité Design en entreprise et de mettre en place la dynamique de recherche.

J’aborde ici les 3 étapes importantes de ma démarche. A commencer par le terrain, il est important d’évaluer la maturité existante, connaitre l’historique avant de poser la vision et les chantiers à venir. Je terminerai bien sûr par les résultats !

Dis-moi quel modèle de maturité UX je suis ?

Prenez le temps d’observer l’ensemble de votre environnement dont vous faite partie. Comprendre l’existant, les autres équipes, les départements permettra aussi d’éviter des doublons et former des collaborations. Comprendre la place du design dans votre entreprise, a-t-elle une place stratégique ou non ? Plusieurs éléments permettent de comprendre/mesurer la maturité UX.

1-Quel est le budget alloué ?

Une équipe de design était déjà en place à mon arrivée. Mais pas de User Researcher, j’étais la première. Il s’agit là d’un bon premier indicateur sur la maturité design de l’organisation : sa capacité à envisager la recherche comme une tâche à temps plein, cela mettait aussi en avant de belles perspectives d’améliorations et un vrai terrain de jeu à venir !

Un partenaire de testing accompagnait aussi l’entreprise, mais il n’y avait ni de stratégie ni de roadmap définie.

L’entreprise disposait donc d’un budget lui permettant mon intervention et la possibilité de faire quelques tests utilisateurs.

2-Générative ou évaluative Research ou les 2 ?

On distingue 2 grands types de recherche qui amènent à des méthodes et des objectifs de recherche différents. Les objectifs de la recherche générative vont aider à comprendre en profondeur et définir des hypothèses. La recherche évaluative, comme son nom l’indique permet d’évaluer un système existant. Il n’y a pas de choix à faire, ni d’opposition entre l’une ou l’autre, elles peuvent également être complémentaire.

Savoir à quel moment du process la User Research intervient, la méthodologie, qui réalise la recherche et à quelle fréquence est essentiel pour comprendre la maturité.

La majorité des tests réalisés l’étaient juste avant la phase de développement. Le travail de conception et de maquette était déjà terminé. La recherche permettait donc uniquement de valider ce qui a déjà était fait. Peu d’opportunité d’ajustement ou de changement étaient possibles.

3-Du benchmark à user centric.

Nous regardons tout ce que font les autres, nos concurrents directs mais aussi plus largement, pourquoi ?

« Nous avons probablement les mêmes problématiques, alors évitons de tout réinventer et copions les meilleures fonctionnalités. »

Ce n’est pas une bonne pratique ! Ce qui fonctionne chez l’un, ne fonctionne pas toujours chez l’autre. Si le e-commerce est déjà très conventionné tant au niveau de ses codes que de ses patterns, rien ne permet de mesurer leur efficacité chez nos concurrents.

Un simple benchmark ne peut se suffire à lui-même. Nous savons tous combien de temps une feature, voir un site, prend à développer (design inclus). Or la décision de développer une feature ou une autre se prend au début du process de conception. Le benchmark reste un véritable outil d’analyse et une source d’inspiration qui vient nourrir le processus de recherche global.

Chaque organisation à son propre processus, ses objectifs et ses caractéristiques. Il est important de les comprendre et de les prendre en compte. De nombreux modèles existent pour mesurer la maturité de l’entreprise. Le modèle de Keikenko présente lui 5 niveaux.
Dans le cadre de mon expérience, nous étions au niveau 3, Spécialiste, une petite équipe était en place, quelques tests étés effectués mais pas de méthodologie rigoureuse et l’UX ne faisait pas encore partie intégrante du processus de conception.

L’adoption de l’expérience utilisateur au sein de l’entreprise était en marche, il y avait une réelle volonté de bien faire mais les pratiques étaient encore trop loin du User Centric.

Ce travail d’audit interne était donc utile afin d’identifier les opportunités et les défis à relever.

Faire grandir (la maturité) en évitant les pièges ?

Ou comment avoir un impact positif sur la conception grâce à une recherche solide, efficiente et efficace ?

L’organisation parfaite n’existe pas et la créer relève de l’utopie !

Il faut s’adapter au contexte et maitriser les ressources (humaine, budgétaire et temporelle) que nous avons. Vous n’avez pas le super profil dont vous avez besoin, ce n’est pas grave, vous trouverez bien un autre super profil avec cette appétence et surtout une super motivation ! Puis formez-le !

1-Viens, je t’emmène (ou comment impliquer les équipes ?)

Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin (proverbe africain), c’est aussi bien plus sympathique. La collaboration à un objectif commun qui réside souvent dans la création de sens, faire du projet une mission commune.

Il est nécessaire d’impliquer l’équipe projet de bout en bout ! De la définition de la problématique, du plan de recherche à la passation des tests jusqu’à l’analyse puis enfin des recommandations et actions.

Toutes ces étapes contribuent à mener à bien le projet, à comprendre les enjeux, et monter en compétences pour que tous ensemble nous portions la transformation design de l’entreprise.

Qu’il s’agisse de designers ou des métiers, j’ai pu constater les bienfaits d’intégrer en amont les personnes dès le lancement du projet. Ils se sentent concernés et s’impliquent davantage dans chacune des étapes. Par ailleurs les bénéfices restent dans le temps, en effet sur d’autres problématiques ils n’hésitent plus à nous contacter pour les accompagner dans leurs sujets !

2-La mise en place d’une CoreTeam dédiée à la connaissance

Dans une organisation, nous sommes souvent nombreux à contribuer à la recherche et la compréhension des utilisateurs et de l’écosystème. Mettre en commun des expertises et des outils issus des métiers liés à l’exploration de la connaissance tels que les web analysts et la CRO était une évidence pour nous !

Cette complémentarité choisie, au service de la récolte d’informations, nous a permis de construire une équipe transverse qui mènerait des études exploratoires et nourrirait les métiers pour les aider à organiser la roadmap produit.

Tips : un bon onboarding favorise énormément la compréhension des métiers et les collaborations qui sont indispensables pour contribuer au développement de la User Research.

3-Research Ops : renforcer vos opérations de Recherche à grande échelle !

Organiser et optimiser les processus, surtout quand il n’y a qu’un seul user Researcher devient capital et prioritaire. Ce travail opérationnel vient soutenir le pôle afin qu’il atteigne son efficience et son efficacité optimale. Nous avons pu travailler sur le développement des piliers de la Research Ops suivants :

La question de la gouvernance

Quel process le paneliste ou vous-même devez-vous réaliser ou connaitre afin d’assurer la confidentialité et le stockage des informations des utilisateurs. Il est important de connaitre les dispositifs juridiques de votre travail et qui porte cette confidentialité

Le recrutement et la gestion des participants pour les différentes études.

Développer un pool de panels pour répondre aux besoins précis de critères de segmentation, aux méthodologies mais aussi aux délais. Pour chacun des panels il convient de connaitre et de documenter le process de recrutement, la sélection et la planification des participants, ainsi que sa rémunération. Nous avons mis en place 4 panels nous permettant de répondre aux différents besoins. Ce premier élément est assez simple à mettre en place en Research Ops, même avec des petits moyens. Il permet aussi de ne pas sur-solliciter des utilisateurs et évite le biais du testeur pro.

Sensibiliser et évangéliser pour obtenir plus de crédit et donc de budget

L’implication des équipes et des stakeholders permet aussi de démontrer la valeur de la recherche utilisateurs mais aussi d’évangéliser.
La sensibilisation passe aussi par des temps de communication sur la valeur du design UX mais aussi en dédiant des sessions d’observation pendant la passation des tests. La session est diffusée en direct afin de permettre à quiconque de venir assister et d’écouter nos utilisateurs. Il y’a un réel intérêt à ce que les stakeholders entendent ce qu’ont à dire les utilisateurs.

Gérer, stocker et rendre accessibles (pourquoi, comment et quoi ?)

Nous entendons beaucoup parler de repository et de la méthode de l’Atomic Research. En effet, en quelques études seulement, nous accumulons rapidement des données, certaines dépassent le cadre de nos recherches, mais sont néanmoins essentielles à conserver, diffuser et exploiter. La gestion de cette masse de connaissances devient capitale mais comment faire ?

Je le rappelle, l’organisation parfaite n’existe pas, la méthode magique non plus ! En revanche itérer pour trouver ce qui fonctionne dans le contexte reste toujours la meilleure solution.

C’est pourquoi nous avons essayé plusieurs projets avant de parvenir à trouver la base de données qui convienne à l’entreprise. Les 2 premières étaient trop complexes, avec une granularité trop fine et nécessitaient une organisation et une maintenance trop lourde.
La vision finale de notre repository trouvée après quelques itérations : permettre aux collaborateurs de trouver toutes les études existantes pouvant lui être utile tout en lui facilitant la prise de décisions basées sur des données exhaustives.
Après avoir échangé et questionné des utilisateurs interne, nous avons opté pour un repository plus léger que les 2 premiers et adapté aux besoins et à l’organisation de l’entreprise.

Développer les compétences !

Alors que la maturité se développe, les demandes de recherche augmentent. La priorité passe de l’acculturation à la consolidation des compétences en interne. La recherche n’est pas dédiée qu’aux User Researchers, tout comme le design n’est pas dédié qu’au designer (citation Tim Brown). Il y a souvent de nombreux départements (autre que celui dans lequel on travaille) pour qui la recherche utilisateur est importante. Développer ces compétences chez le plus grand nombre permet à tous les acteurs de la production de mieux comprendre l’utilisation de leur produit. Accompagner, coacher, proposer des formations pour que des “non chercheurs” s’approprient ces activités, ces méthodes et ces outils est l’un des rôles auquel j’ai pu contribuer.

Communiquer sur la valeur et l’impact de la recherche

Les petits périmètres sont aussi de très belles réussites en termes d’expérimentation.

Réaliser des études de cas est un excellent moyen pour illustrer la pertinence de l’expérience utilisateur. Parlez-en, par mail, en réunion, dès que cela est possible, même sur des sujets qui peuvent paraitre insignifiants.

Les différentes activités de Research Ops mises en place pour développer cette vision :

  • Une base de données partagée ou sont centralisées toutes les études et accessible par le plus grand nombre
  • Un pool de panels pour répondre aux méthodologies et aux délais
  • Se coordonner avec d’autres équipes et d’autres parties de l’organisation qui effectuent de la recherche (Mise en place de rituels mensuel avec le marketing par exemple pour communiquer les études en cours ou à venir. Echange mensuels, trimestriels avec les PO, échange avec le réseau…)
  • Développer des rituels/outils pour communiquer sur la donnée (Un fil de communication d’insights hebdo, une automatisation des insights pour alimenter les différentes équipes par exemple)

Mais concrètement quel niveau de maturité a été atteint ?

En 2 ans, j’ai pu mettre en place un pôle Research dont la valeur est désormais reconnue. J’ai pu constater une évolution globale au niveau de la compréhension et des bénéfices de la User Research. Les méthodologies, les collaborations, les process ont évolué.

Nous sommes passés d’une recherche “évaluative” a une recherche “générative”. Nous avons mis en place de la Discovery pour découvrir et comprendre les problématiques, les besoins !

Comme indiqué plus haut, Il n’y a pas de meilleure approche entre l’une ou l’autre. C’est 2 approches servent des objectifs différents, les 2 sont essentielles !

Evitez les stikes (Ne pas partir tête baissée)

Discutez, échangez, rapprochez-vous de personnes compétentes pour avancer sur vos problématiques de développement de maturité UX.

De nombreuses composantes permettent d’expliquer votre maturité. La première étape consiste à comprendre où se situent les points de frictions et de commencer simplement en priorisant les chantiers qui seront les plus facile à mettre en place et ainsi démontrer votre valeur et l’impact de la User Research pour vos utilisateurs et votre organisation.

Alors GO, lancez-vous et n’hésitez pas à me contacter pour en discuter !

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