La sortie de crise ne viendra que d’une seule nation

Damien Detcherry
Atterrissage
Published in
5 min readAug 30, 2017
Thomas Clarkson interpellant les membres de l’Anti-Slavery Society en 1840.

Depuis plusieurs décennies, notre société s’enfonce chaque jour davantage dans une crise globale, faisant redouter à plus ou moins brève échéance un effondrement.

Ecologique, économique, sociétale, cette crise est aussi globale parce qu’elle est internationale:

En particulier sur la question écologique, considéré comme l’origine des autres crises, la position des décideurs mais aussi du monde militant a été la suivante:

S’il existe une solution, celle-ci ne peut être qu’internationale. “On a besoin de tout le monde autour de la table”.

Or, force est de constater que le protocole de Kyoto signé en 1997, un des aboutissements de cette logique, n’a pas endigué l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre depuis 20 ans.

De même, concernant l’accord de Paris sur le climat signé en 2015, on peut légitiment penser qu’il connaitra la même issue, n’étant pas contraignant.

Dès lors, l’approche multilatérale ne serait-elle pas inadaptée devant la nature du problème?

Celui-ci ne nécessiterait-il pas à l’inverse l’engagement unilatéral d’une nation, qui rallierait ensuite d’autres pays à son combat?

Un multilatéralisme inadapté

Le problème auquel nous faisons face aujourd’hui est en effet inédit dans l’histoire des sociétés humaines.

Notre civilisation est bâtie sur un logiciel, la recherche de la prospérité matérielle illimitée, le “Productivisme”, qui est aujourd’hui obsolète, les limites matérielles de notre planète étant sur le point d’être atteintes (pic de matières premières, saturation de l’eau, des sols, de l’air en pollutions).

De cette inadéquation découle l’ensemble des crises actuelles (écologiques, économiques, sociétales).

Or, ce logiciel représentant le coeur même de nos sociétés, le remplacer implique une transformation absolument radicale. On peut pratiquement dire qu’il faut “repartir à zéro”.

Malheureusement, quand on sait à quel point il est déjà difficile pour un individu, une organisation ou un groupe cohérent, telle une nation, de réaliser sa propre transformation, on peut en conclure qu’il est tout à fait vain d’espérer qu’une somme de pays aux intérêts divergents puissent s’entendre sur le fait de se transformer en même temps, ensemble et radicalement.

Quand bien même les pays s’accorderaient sur le bon diagnostic et auraient des intérêts convergents, qu’en raison du risque, la majorité des “frileux” n’oserait pas sauter le pas.

Actuellement, nous n’avons ni l’un, ni l’autre.

Conséquence de cette inaction ou plutôt cette absence d’efficacité dans l’action: les crises s’aggravent.

C’est naturellement regrettable mais, heureusement, pas insurmontable.

Si l’approche multi-latérale est optimale pour réaliser des ajustements incrémentaux (on pense par exemple au protocole de Montréal qui permit de supprimer progressivement l’ensemble des gaz responsables de destruction de la couche d’ozone), c’est l’approche unilatérale qui est la mieux adaptée aux changements de “rupture”.

Un unilatéralisme aussi souhaitable que possible

La probabilité pour une nation de rompre avec le logiciel dominant du “Néo-libéralisme” (dernier avatar du “Productivisme”) grandit en effet chaque jour.

L’aggravation de la crise globale (principalement dans le domaine économique) amène petit à petit les citoyens à se détourner du discours dominant et de ceux qui le portent, ce que l’on constate dans:

  • la montée des partis contestataires en France,
  • le Brexit au Royaume-Uni,
  • l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis.

Dans le cas où cette rupture se produirait (ce dont on est encore loin actuellement), on peut cependant s’interroger sur la capacité d’une telle approche à se généraliser.

La rupture unilatérale ne provoquerait-elle pas une fermeture et un isolement international qui conduirait à l’essoufflement puis à l’effondrement de cette initiative ?

Cette critique a déjà été faite dans l’histoire: au moment de la Révolution Française mais aussi de l’abolitionnisme anglais.

Ce dernier exemple représente d’ailleurs une formidable étude de cas en matière de stratégie.

En 1833, sous la pression des sociétés abolitionnistes, l’empire britannique décide d’abolir unilatéralement l’esclavage, abandonnant aux autres nations (Etats-Unis, France, Espagne, Portugal, Pays-Bas) un avantage économique certain.

Afin que les autres nations abandonnent à leur tour l’esclavage, l’empire britannique exerça un puissant rapport de force sur 2 fronts:

  • Dans le domaine diplomatique, les Britanniques extorquèrent de nombreux traités bilatéraux anti-négriers aux autres nations en échange d’une reconnaissance de leur souveraineté nouvelle (Venezuela, Chili, Argentine), d’une légitimité alors contestée (Portugal suite à l’exil de la cour au Brésil) ou d’un allègement de dettes (Espagne).
  • Dans le domaine militaire, le British African Squadron de la Royal Navy fit la chasse aux bateaux négriers dans l’Atlantique, ayant pour double conséquence le tarissement du flot d’esclaves et le renchérissement du coût de l’esclavage.

Alors que le multi-latéralisme avait échoué, le bi-latéralisme forcené, couplé à la pression militaire, a permis aux Britanniques de généraliser en quelques années une décision à la fois prise unilatéralement et les handicapant d’un désavantage immédiat sur le plan économique.

Si les Britanniques ont réussi à rompre avec l’esclavage et la traite négrière, pourquoi n’arriverions-nous pas à faire de même avec le “Productivisme” ?

Un programme politique nécessaire

Le défi semble complexe mais le contexte est propice.

En effet, alors que la suppression de la traite négrière fut également motivée par la volonté pour l’empire Britannique de dominer l’espace maritime et d’accélérer la colonisation de l’Afrique, ce sont aujourd’hui les lois de la physique (de la raréfaction des ressources à la saturation des écosystèmes) qui poussent le “Productivisme” vers la sortie d’ici quelques décennies.

Aidé par ce puissant partenaire, il ne tient qu’à nous de catalyser la réaction.

Pour concrétiser leurs ambitions, les sociétés abolitionnistes s’étaient appuyées en leur temps sur un programme politique combinant les 2 aspects suivants:

  • une vision forte, positive et concrète
  • une stratégie de transition implacable, sachant tirer parti de tous les intérêts en présence

Logiquement, si nous voulons sortir notre société de la crise globale et empêcher un crash à brève échéance, nous devrons donc concevoir un programme politique à l’ambition similaire.

Telle sera la vocation de ce blog.

Dans nos prochains articles, nous discuterons du contenu d’un tel programme pour qu’il soit capable de susciter l’adhésion des masses, être concrètement applicable et entrainer d’autres nations dans la même dynamique.

— Damien

Cet article est le dernier d’une trilogie consacrée à la crise globale actuelle.

  • Le premier précise le problème auquel nous faisons face.
  • Le deuxième traite de l’occasion unique qui s’ouvre en ce moment.
  • Le dernier introduit la partie solution.

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