Philippe Bihouix — Miser sur les “low-tech”

Damien Detcherry
Atterrissage
Published in
6 min readJun 12, 2018

Avec l’auteur de “l’âge des low-tech”, nous débattons de la stratégie à emprunter pour basculer dans une ère de sobriété technologique.

Se repérer dans l’épisode

  • (01:23) “Est-ce que la technologie va nous sauver ?”
  • (16:43) Les “low-tech” kesako ?
  • (32:44) Les 4 niveaux de la transition
  • (38:32) La question de la désirabilité
  • (43:14) Peut-on avoir la sobriété et l’emploi ?
  • (52:45) Son avis sur la réduction du temps de travail
  • (59:04) Le verrou que représente l’Union Européenne
  • (1:09:33) Les 3 mesures d’un futur président “low-tech”

Références citées

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Extraits

  • Le débat entre cornucopiens qui nous promettent l’abondance par le progrès technologique et néo-malthusiens date au moins des années 50.
  • D’un côté, il y a le mouvement des conservationnistes américains. De l’autre, il y a des économistes et des futurologues qui nous expliquent que grâce à la technologie, on va toujours repousser la pénurie.
  • Dans les années 70, il y avait 40 années de pétrole devant nous. Or, aujourd’hui, nous avons encore 40 ans de pétrole (même s’il faudrait en laisser 80% dans le sous-sol pour éviter de faire exploser le système de régulation climatique de la planète).
  • Ma conviction, c’est qu’on regarde souvent les choses de manière spécialisée sans faire attention à leurs conséquences systémiques.
  • Si l’énergie du soleil représente plusieurs milliers de fois ce dont l’humanité a besoin, il nous faut aussi des métaux pour convertir, stocker, utiliser cette énergie.
  • L’histoire a montré qu’en général, quand on fait de l’efficacité, on fait aussi de l’effet rebond.
  • Au début du numérique, un appareil photo faisait des photos à 100 Ko. Aujourd’hui, on est à 10 Mo.
  • Les ONG ne sont pas dans des scénarios de rupture mais dans ce que j’appelle “une écologie de l’offre”, c’est à dire grosso modo “je conserve mon niveau de vie actuel mais je consens à covoiturer ou à jeter mes déchets dans la bonne poubelle, …etc”.
  • Cela permet d’éviter les questions qui fâchent comme la sobriété.
  • Je ne pense pas qu’il s’agisse de greenwashing ou de mauvaise foi. Ils ont vraiment envie de sauver la planète mais la manière dont ils le font est pour moi embêtante car ils partent du principe qu’on pourra maintenir notre niveau de dépenses énergétiques absolument hallucinant.
  • Au départ, les “low-tech” c’est plutôt un beau pied de nez aux “high-tech”.
  • Plus on est “high-tech”, et moins on recycle correctement, plus on s’éloigne de l’économie circulaire.
  • Le “low-tech”, c’est une démarche qui vise à économiser à la fois l’énergie mais aussi et surtout les matière premières.
  • J’aime bien la décomposer en 3 questions: “pourquoi je produis ?”, “qu’est-ce que je produis ?” et “comment je produis ?”.
  • Le meilleur produit, le plus recyclable, le plus neutre en carbone, c’est celui que je n’utilise pas. Il faut donc chercher en permanence la sobriété.
  • Isoler des bâtiments, ce n’est pas de la sobriété. La sobriété, ce serait d’avoir une température de chauffage moins élevée, consommer moins de mètres carré en faisant des programmes de bâtiments plus intelligents pour mieux utiliser les espaces publics qui se basent entre autres sur de l’habitat partagé.
  • La voiture individuelle n’est pas une solution durable quelque soit le vecteur énergétique.
  • La seule chose qui est à peu près durable pour la mobilité, c’est le vélo.
  • Comme on ne peut pas passer au vélo demain matin, il faut imaginer comment faire des voitures de plus en plus légères qui roulent de moins en moins vite. Très vite, il faut aller vers le pot de yaourt qui fait 400 kg et ne dépasse pas les 70km/h.
  • Si on décide de ne pas revenir au lavoir, il faut concevoir des machines à laver qui consomment le mois de ressources possible (ou au moins à partir desquelles je puisse récupérer le maximum de ressources en fin de vie).
  • Comme les matériaux composites ou électroniques sont difficiles à recycler, il en faut le moins possible.
  • Quand Facebook est passé au support vidéo, ça a donné un petit coup au trafic Internet mondial.
  • A l’inverse, l’ensemble de Wikipedia, ça tient sur 2 CD.
  • Est-ce qu’on a besoin d’un gyroscope à 3 axes et d’un accéléromètre dans tous nos téléphones ?
  • Il y a un philosophe antique qui disait: “la faim et l’amour mènent le monde”. “La faim”, on pourrait dire que c’est l’emploi et “l’amour” la rivalité mimétique.
  • Hervé Kempf dans “Comment les riches détruisent la planète” explique très bien comment la consommation ostentatoire des plus riches ruisselle sur toutes les couches sociales jusqu’aux couches les plus basses.
  • En tant que modeste habitant de la classe moyenne, je ne fantasme pas sur le yacht du milliardaire. Par contre, je fantasme sur le dernier voyage de mon voisin, sa voiture un peu plus grande ou son pavillon un peu plus joli.
  • Le retour de la croissance n’est pas souhaitable car on a jamais démontré qu’on pouvait décorréler la croissance de la consommation d’énergie et des matières premières. Or, si nous voulons la croissance et lutter contre le réchauffement climatique, il faudrait multiplier par 2 le PIB tout en divisant par 4 nos émissions de gaz à effet de serre.
  • On est actuellement sur un mode de croissance un peu différent, qui ne fonctionne plus aussi bien que prévu parce que l’innovation détruit désormais de l’emploi.
  • On n’a plus les ressorts keynesiens, ce qui perturbe les socialistes.
  • On peut créer littéralement des millions d’emplois dans une agriculture durable et avec des jobs qui, à mon avis, seront plus sympathiques et plus valorisants que ce qu’on peut avoir aujourd’hui.
  • On a vraiment beaucoup de paramètres qui permettraient d’atteindre le plein emploi: la durée du temps de travail, le niveau de mécanisation, le taux d’emplois artistiques …etc.
  • Une transition planifiée ne sera à mon avis pas simple. Je pense qu’il vaut mieux essayer de bouger un certain nombre de paramètres de départ: culturels, fiscaux, …etc et laisser un peu faire ensuite.
  • Le capitalisme est un affreux système mais il a un petit avantage: c’est qu’il s’adapte très bien.
  • On a besoin d’innovations technologiques mais pas celle d’aujourd’hui.
  • Le “low-tech”, cela peut être requérir beaucoup de recherches.
  • Il y a des chercheurs qui ont réussi à dresser des chiens pour détecter certains types de cancer juste à l’odorat.
  • Avec l’Union Européenne, il ne faudrait pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Néanmoins, j’ai le sentiment que plus on est nombreux, plus c’est compliqué de se mettre d’accord sur une évolution un peu radicale.
  • Moi, j’aime bien la théorie des dominos: la logique de dire, il faut se lancer, il faut avancer car on n’a pas le temps de construire un dénominateur commun, même le plus petit possible.
  • Cela peut paraître très utopique mais finalement ce n’est pas plus utopique que de continuer advitam eternam avec des exponentielles qui montent jusqu’au ciel.
  • Je ne pense pas qu’il y aura de “grand soir”. Je crois davantage au phénomène de “masse critique” et de choses qui se mettent à bouger.
  • Quand on regarde comment les discours ont évolué, sur Internet et aussi dans les cénacles de gauche ou de droite où l’on peut être reçu, il y a des choses qui étaient indicibles il y a encore 10 ans.
  • Je ne pense pas que la révolution sera faite par le peuple. La révolution, c’est une élite qui botte les fesses à une autre partie de l’élite et tout cela, avec un intérêt bien compris du peuple.

Générique

Composé par DJ Sofiane

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