Bruxelles

Flora Clodic
Au bonheur des zèbres
6 min readMar 4, 2018

« Bruxelles ma belle
Je te rejoins bientôt
Aussitôt que Paris me trahit
Et je sens que son amour aigrit et puis
Elle me soupçonne d’être avec toi le soir
Je reconnais c’est vrai tous les soirs dans ma tête
C’est la fête des anciens combattants d’une guerre
Qui est toujours à faire »

Dick Annegarn

« Dis, tu te fâches pas, mais… je comprends rien à ta vie ! » Je reste quelques secondes interloquée de la remarque de mon ami. On ne se voit pas souvent et sa question me renvoie à l’incompréhension de mon entourage régulièrement exprimée. Il arrive que mes pérégrinations et mes choix larguent les gens au fil des semaines… Dans l’ensemble, heureusement, ils sont plutôt contents pour moi. « Tu as l’air de faire ce qui te plait, de voir du pays, de rencontrer des gens. » Voilà. Tout est (presque) dit.

Faire son nid pour mieux en sortir

Doit-on « tout » comprendre à sa vie ? Le pourrait-on seulement ? Pourquoi le regard de l’autre est-il toujours si important malgré le travail que j’ai pu faire sur moi-même ? Mon cerveau s’agite. Je le calme. Je raconte à William. Le retour à Paris en septembre après quelques mois de vie exaltante et ensoleillée à Lisbonne. Les nouvelles missions qui démarrent. Les galères d’appartement. L’incroyable aventure d’Au bonheur des zèbres (ABZ) : bien plus qu’un livre, un beau projet qui se densifie. Les voyages et les points d’ancrage que je découvre. La joie d’avoir trouvé un nid douillet parisien pour laisser éclore mes projets.

Maintenant que je peux retrouver mon cocon dès que je veux, mes excursions extra-parisiennes se font plus légères. Entre deux tâches pour honorer mes missions en cours, tout est prétexte à la rencontre et à la flânerie. Je me familiarise avec des itinéraires de plus en plus empruntés, à Lisbonne ou à Nantes. Des lieux que j’explore, où je viens m’inspirer ou me ressourcer, à l’éco-centre du Bouchot ou chez Boris, dans les Cévennes.

Quand je rentre quelques jours à Paris, je travaille de mon espace de coworking « en normes sociales », où j’apprécie d’avoir un cadre, mais pas trop contraignant… « Des contraintes, mais pas trop » : cette formule, trouvée avec mon « co-coach » Stephane Gabbay, désigne ce dont j’ai besoin, dans de nombreux domaines. Le co-coaching que l’on pratique depuis novembre m’aide beaucoup à avancer dans mes projets. Au moins une fois par semaine, on prend une heure chacun pour partager nos avancées et nos problématiques — lui, sur Le Buff, un projet musical génial, créateur de lien social, et moi, surtout sur ABZ — et on s’engage sur des points précis pour la séance suivante. C’est un vrai changement dans mon organisation et c’est devenu une routine que je souhaite conserver aussi longtemps que ça sera pertinent et enrichissant pour nous deux.

Je goûte mes soirées parisiennes. Je me soigne de la « FOMO », cette « peur de manquer » qui m’a longtemps fait écumer les événements par peur de ne pas être au bon endroit, au bon moment. Mon bon endroit, au bon moment, c’est d’être chez moi, à recevoir un ou une ami.e, à bouquiner ou à écrire.

Embrasser Bruxelles, ma belle

Provoquer les opportunités, les laisser me surprendre, c’est bien l’une des meilleures habitudes que j’ai réussi à prendre ces deux dernières années. Le projet d’Au bonheur des zèbres est né il y a plus d’un an, quand j’ai publié un premier portrait, après avoir rencontré Damien Petre, un entrepreneur belge, dans un café de la place du jeu de Balle. J’ai gardé depuis des attaches fortes avec cette ville, qui semble m’ouvrir grand ses bras même quand elle a froid.

A la fin de l’année 2017, je suis venue voir Damien Van Achter pour faire son portrait, en immersion dans l’incubateur de start-ups dans lequel il donne des masterclass à des étudiants en journalisme et en communication. Je n’avais pas d’attente particulière. Juste profiter d’être là, en prendre de la graine, mieux le connaitre. La belle surprise, ça a été qu’il me propose de travailler avec lui à l’accompagnement des étudiants en journalisme de l’IHECS, la principale école de communication de la capitale belge.

Depuis quinze jours, me voilà donc embarquée dans le Lab Davanac. En binôme avec Damien, j’aide les étudiants à mieux comprendre les logiques du crowdfunding, le financement participatif, et à construire et animer une campagne qui leur permette de financer leur projet de reportage de fin d’études. Nous n’en sommes qu’au début du processus, mais c’est déjà plaisant, riche et enthousiasmant de transmettre un savoir-faire qui leur est directement utile. Affaire à suivre, bien vite, notamment dans l’Open newsroom qu’anime Damien avec d’autres passionnés d’innovation médiatique.

D’autres projets se profilent par ailleurs à Bruxelles. Les amitiés se renforcent. La ville commence à me livrer quelques secrets. Et je me plais à me souvenir que quand j’ai voulu partir vivre ailleurs, j’ai longuement hésité entre Lisbonne et Bruxelles. J’avais choisi la capitale portugaise pour son soleil et pour son mode de vie, plus conforme à mes racines méditerranéennes. Et me voilà… un an plus tard, à naviguer entre Paris et Bruxelles. Je prévois même un apéro fin mars pour faire se rencontrer les membres de la petite communauté bruxelloise d’ABZ.

Cultiver l’esprit d’enfance

Dans la forêt de Soignes, avec Isabelle Delannoy et Pierre-Alexandre Klein.

C’est aussi Bruxelles qui m’a offert un très beau moment, en février. J’y fais un aller-retour express pour voir Isabelle Delannoy, auteure de L’économie symbiotique, dont j’écris le portrait. Elle passe la semaine chez un autre de mes portraits, Pierre-Alexandre Klein, cofondateur du Civic Innovation Network, pour découvrir son écosystème et partager son expérience.

J’ai la chance de me joindre à eux, pour assister à une conférence qu’ils donnent tous les deux en compagnie de Gauthier Chapelle, spécialiste du biomimétisme. De retour chez Pierre-Alexandre, Isabelle me passe à la question. « Bon, maintenant, tu peux nous en dire un peu plus sur ta démarche ? Qu’as-tu de si important à « livrer » ? Et pourquoi nous as-tu choisis ? » Elle a besoin de comprendre, avant, justement, de se livrer elle-même.

On discute un long moment. De l’origine d’Au bonheur des zèbres et de la façon dont le projet a évolué au fil des mois, des rencontres et des réflexions qui se creusent. De mon sujet, qui questionne les définitions toutes faites du haut potentiel et du bonheur et les limites des concepts. De ces cases qui parfois nous aident mais souvent nous enferment.

Je liste un certain nombre de points communs de mes portraits : leur quête de sens, leur curiosité insatiable, leur envie de changer le monde, même à coups de micro-pas. Je lui évoque aussi les critères, croisés, de psychologues spécialistes du « surdon ». Elle a cette réflexion, géniale : « Ce que tu me dis là, ce sont tous les humains ! Mais enfants. » Elle vient de faire écho à un des fils rouges de ces derniers mois. Beaucoup de mes portraits, comme moi, ont gardé intact leur esprit d’enfance. La malice, la curiosité, l’enthousiasme, l’authenticité, le goût du jeu… Et parfois cette impression d’avoir des superpouvoirs pour changer les choses…

Je lui partage cette sensation qui me saisit souvent depuis que j’ai entamé cette aventure, quand je suis « au bon endroit, au bon moment ». Je sens littéralement mon cœur chanter. Il irradie et sort presque de ma cage thoracique. Chez Isabelle, ça prend une autre forme : elle se dissout dans son environnement. « Les gens pensent parfois dans ces moments-là que je ne suis plus là, avec eux. Je leur réponds qu’au contraire, je suis partout… » On rit un bon coup. « Super-Vibrante : tu t’en sors mieux que moi avec Super-Dissoute ! », charrie-t-elle. Je pars me coucher. Mon cœur chante. Je suis au bon endroit, au bon moment.

Pour cultiver avec nous votre esprit d’enfance, venez donc vendredi 23 mars à l’Ecole démocratique de Paris pour la deuxième soirée d’Au bonheur des zèbres, consacrée à l’éducation. Bonne humeur et rencontres sympathiques garanties !

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Flora Clodic
Au bonheur des zèbres

Plume raconteuse d’histoires. Jardinière de communautés. #Tribus Happycultrice #AuBonheurDesZèbres Collapso-something #Effondrement #Résilience