Comme tu dois être fier ?

JM Planche
Au fil de l’eau …
4 min readFeb 19, 2018

Souvent, à l’occasion d’un succès d’un proche, on nous demande : « mais comme vous devez être fier ? ». Eh bien non ! Surtout pas…

Qu’est-ce que je l’ai entendu cette phrase : « Comme vous devez être fier. Fier de ce que vous avez fait, fier de votre épouse, fier de vos enfants, fier de vos collaborateurs, fier de votre société, fier de ce que vous avez entrepris… »

Et comme ces derniers jours, à Londres, je l’ai entendu. Que vous devez être fier. Fier du passé qui se concrétise au présent. Fier du talent, de la patience, du travail accompli, fier du résultat...

Fier ? Oui, je l’ai été assurément. Et je dois retomber parfois dans ce travers, car je considère maintenant que cela peut en être un. Mais heureusement, en ce moment où l’aveuglement de la fierté pourrait l’emporter, ce n’est pas le cas. Ce n’est pas la fierté qui l’emporte, c’est autre chose.

Non je ne suis pas fier (de toi), c’est au-delà, je suis heureux, tout simplement.

Mon interlocuteur est souvent surpris. Mais de quoi parle-t-il ? C’est normal d’être fier de ses enfants non ? Que peut-il y avoir au-delà ?

Encore plus fier ? Fier comme un pou sur une cravate neuve, selon l’expression ? Fier comme si c’était ma réalisation personnelle que l’on célèbrerait indirectement ? Fier comme seul l’égo peut l’être ? Surement pas.
La fierté est moteur de compétition, de séparation, pas d’épanouissement, de collaboration. Quand le faire (le fier ?) pousse jusqu’à se mettre en danger et oublier et sacrifier tout sur son passage : soit même, les autres, la Vie.
Dans une société ou le faire et l’apparence priment sur l’Être, quoi de plus normal. Briller, toujours plus, toujours plus haut, toujours mieux.

Il semble que cela soit un des moteurs du développement humain. On passe tous, manifestement par cette période. Au moins la première partie de sa vie. Puis l’Etre commence à l’emporter sur le par-Etre.
Est-ce un mal ? N’est-ce pas ce qui permet sa construction et de tenir debout et prendre notre place dans la société ?

C’est pour cela je te disais : non je ne suis pas fier, je suis au delà. Je n’est plus. Tu es. Je suis simplement heureux. Heureux de ta joie, de ce que tu as su faire : inventer, créer, réaliser tes idées, rendre tes rêves palpables. Les partager avec nous. Cette joie du partage qu’il faut veiller à ne pas étouffer par ce F* sentiment de fierté. Bien sûr, tu peux être « fière » de toi. Tu en as le droit, en toute humilité. Fière de ces 4 mois d’extrêmes sacrifices que tu t’es imposés. Mais attention, c’est un chemin dangereux, car toujours plus exigeant. Quand on confond faire « le mieux » et faire « de son mieux ». A un moment, il vaut savoir dire stop soit même, plutôt qu’on en soit forcé.
Quand j’ai vu ce que tu as fait, ce n’était pas de la fierté. C’était un étrange sentiment. Une vibration unique. J’avais des frissons partout. Les yeux embués. Était-ce l’amour, oui, je le crois. Est-ce cela le bonheur ? .
Je ne veux pas être fier, mais juste heureux… heureux de ton bonheur.

Que ne fait-on pas pour obtenir cette fierté dans le regard de l’autre. Jusqu’à s’abandonner, se perdre. Jusqu’à utiliser des substances dangereuses pour tenir, faire plus, toujours plus. Céder aux bruits, aux tumultes, aux dictats de la société et ne plus entendre les appels incessants de la Vie.
Ne nous appellerait-elle pas juste au bonheur ? À la joie ? Au partage.

La fierté, c’est la société. C’est le regard de l’autre et le risque de son pendant. La dualité : la jalousie, l’envie, la haine.

Tu fais un métier d’apparence, ou la violence côtoie l’infinie délicatesse. Plus que jamais, le but n’est pas dans le « show final », mais dans le chemin. Difficile de s’en rappeler quand la société nous pousse au résultat, à l’excellence et exige plus, toujours plus. Ne l’oublie jamais. La vérité est dans le cœur.
Non je ne suis pas « fier » de vous. Je suis heureux de vous.

Dans vos succès, dans vos échecs, comme dans les miens, ce qui me rend fier, c‘est la Vie, dont « les hasards » ne cessent de m’émerveiller. Elle ne cesse de m’apprendre à être un peu moins inquiet, chiant, soupe au lait. Avoir un peu moins peur. Un peu moins de fierté, de recherche de plaisirs, pour plus de bonheur. Et comme le disent mes copains du vélo : « la route est longue… » ;-)

PS: pour mieux comprendre: le site de l’artiste et une idée de ce dont je parle ici. C’est d’autant plus exceptionnel que c’est la première fois dans l’histoire où une école d’undergraduate est sélectionnée pour participer à la Fashion Week de Londres. Et pour encore mieux comprendre, voir à 10mn 43 sec :

crédit photo : ici, avec un article aussi à lire : la fierté, le moteur de l’auto-sabotage.

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JM Planche
Au fil de l’eau …

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