Aux frontières de la médecine — 1ère partie

Acupuncture

Hugo C.
Auto Thérapeute
10 min readMay 6, 2020

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Ajourd’hui, quand la médecine officielle ne parvient pas à guérir la maladie ni à soulager la douleur, un nombre croissant de gens s’adressent aux guérisseurs de tout poil. Ceux-ci utilisent rarement des médicaments et c’est souvent pour cette raison qu’ils sont consultés. Le vieil art chinois de l’acupuncture, par exemple, qui consiste à traiter le malade en lui enfonçant des aiguilles en certains points du corps a gagné beaucoup d’adeptes en Occident. L’ostéopathie et la chiropractie qui impliquent toutes deux la manipulation des os ont attiré ceux qui cherchent à recouvrer la santé. Quelle est la valeur des ces méthodes ? Existe-t-il, à côté de la médecine, un art de soigner et de guérir ?

En avril 1974, un Anglais d'âge mûr, en vacances en Italie du nord, dans la belle ville de Lucca, était allongé sur le lit de sa chambre d'hôtel. Or, pendant la nuit, il arriva que le matelas à ressorts, mal disposé sur le sommier, se déplaça, et l'honorable citoyen britannique tomba brutalement sur le sol, recevant en outre la literie sur le dos. Il s'agissait de Ian Parsons, le président-directeur général d'une maison d'éditions londonienne. A la suite de cet accident, Parsons éprouva une vive douleur à l'épaule et au bras gauche avec une sensation permanente de fourmillements dans la main gauche. A son retour en Angleterre, il essaya divers médicaments, la physiothérapie, l'ostéopathie, des massages, des élongations et des piqûres pour calmer la douleur. Certains traitements aggravèrent son cas, aucun ne l'améliora. Il se rendit finalement dans une ville voisine pour consulter un acupuncteur chinois dont le père et le grand-père avaient déjà exercé le même art. Le practicien lui enfonça un certain nombre de fines aiguilles d'argent en différents points du corps, et ce pendant douze séances.

« Au cours des deux ou trois premières séances, rien ne se produisit, dit Parsons, puis, après la troisième, le fourmillement à la main gauche cessa. Ensuite, après chaque séance, la zone douloureuse diminua, remontant du bras à l'épaule puis au dos jusqu'à disparaître complètement. »

L'acupuncture a-t-elle guéri Parsons ? On doit se poser la question car, quel que soit le traitement utilisé, il existe toujours le cas où le mal disparaît de lui-même. L'affaire Parsons a cependant une fin édifiante. Un mois après la douzième séance, la douleur réapparut à l'epaule et à un moindre degré au bras. Il retourna voir l'acupuncteur pour son épaule et un traitement complémentaire le délivra de la douleur, mais il oublia de lui signaliser la douleur du bras. Un dernier traitement le guérit immédiatement et durablement. Le traitement séparé de ces deux douleurs, lors de leur réapparition, attribue sans aucun doute la guérison à l'acupuncture.

Une thérapeutique qui guérit l'organisme par implantation d'aiguilles paraît étrange à ceux qui sont habitués aux méthodes de la médecine occidentale. L'acupuncture a cependant été pratiquée avec succès en Chine pendant plus de 5000 ans.

L’acupuncture est pratiquée en Chine depuis plus de 50 siècles !

Ses origines remontent à l'âge de pierre où l'on croyait probablement que l'insertion d'aiguilles permettait de libérer les « forces de douleur » enfermées dans le corps. On découvrit plus tard que des aiguilles plantées à certains endroits pouvaient guérir des souffrances déterminées et, après des siècles d'expérience, on établit la théorie complexe de l'acupuncture.

Cette théorie s'exprima à l'aide des concepts de la philosophie chinoise taoïste selon laquelle toute chose chose dans l'univers se compose de deux forces complémentaires, le Yang et le Yin. Le Yang est l'élément actif, positif et moteur, et le Yin l'élément passif, négatif et mou. Le Yang est aussi associé à la lumière et le Yin à la nuit. Les deux sont également indispensables et ils forment ensemble la force vitale connues sous le nom de Qi. Quand le Yang et le Yin s'équilibrent, il en résulte l'harmonie.

L'ouvrage qui fait autorité en matière d'acupunture est un texte quasi sacré, vieux de plus de 20 siècles, qui a pour titre : Traité de médecine interne de l'Empereur jaune ; il est écrit sous forme de dialogue entre deux figures légendaire de l'histoire chinoise : le docteur K’i Po, et l'empereur Huang Ti. Dans l'extrait ci-dessous, l'empereur est averti des dangers d'un excès de Yang dans le corps : « Quand le Yang est le plus fort, le corps s'échauffe, les pores se ferment et la personne commence à s'essoufler ; elle devient agitée et grossière et si on l'examine on ne voit pas trace de transpiration. Elle devient fiévreuse, ses gencives sont sèches et douloureuses ; l'estomac est oppressé et elle meurt de constipation. Quand le Yang est le plus fort, on peut supporter l'hiver mais pas l'été. »

Comment fonctionne l'acupuncture ?

L'acupuncture a pour but de rétablir l'équilibre entre le Yin et le Yang dans la force vitale Qi. On considère que la force vitale irrigue le corps au travers de différents canaux appelés méridiens. Ces méridiens ne correspondent pas aux systèmes circulatoire ou nerveux. En fait, en dépit de leur rôle essentiel en acupuncture, on n'a jamais pu prouver leur existence avec certitude. On a cependant dressé avec soin leur cheminement détaillé sur des cartes ou reproductions du corps. Douze sont associés à un organe interne déterminé et sont désignés par le nom de cet organe, tel le méridien du coeur, celui de la vésicule, et ainsi de suite. Les autres sont des méridiens secondaires ou de liaison. Les points où l'acupuncteur peut planter ses aiguilles sont situés sur ces méridiens, comme les gares d'un vaste réseau ferroviaire. Sur un individu en bonne santé, il est difficile de les trouver mais sur un malade, le méridien en cause est, dit-on, activé, et les points se révèlent douloureux ou même comme des zones légèrement dures d'un diamètre de 2 mm environ. On a identifié environ neuf cent cinquante points.

L’acupuncture a pour but de rétablir l’équilibre entre le Yin et le Yang dans la force vitale Qi.

La présence de ces points le long des méridiens explique pourquoi des parties éloignées du corps s'influencent mutuellement. Quand on enfonce et tourne une aiguille dans le gros orteil — l'origine du méridien de la rate — l'effet peut en être ressenti sur les vingt autres points de ce méridien qui s'étagent le long de la jambe, de la hanche, de l'abdomen et de la poitrine jusqu'à l'aisselle. Certains méridiens ne contiennent que quelques points, ainsi celui de coeur qui n'en contient que neuf, tandis que l'important méridien de la vessie en compte jusqu'à soixante-sept de haut en bas du corps.

On considère que la force vitale irrigue le corps au travers de différents canaux appelés méridiens.

Une expérience séculaire a révélé l'influence déterminante de points précis. On peut en utiliser certains pour accroître l'énergie qui circule le long d'un méridien et d'autres pour en réduire l'excès. Chaque méridien renferme un point où l'insertion d'une aiguille peut procurer un soulagement rapide. D'autres sont associés à la guérison de maux particuliers. Des maladies provoquées par des agents externes tels que le climat, l'infection, la contagion sont dues, dit-on, à un excès de Yin. On considère que les lésions traumatiques et accidentelles, y compris les blessures de guerre, proviennent d'un déséquilibre entre le Yin et le Yang.

Un diagnostic précis est la clé du succès en acupuncture qui attache beaucoup plus d'importance que la médecine occidentale au pouls. Chacun des douze méridiens a son propre pouls. L'acupuncteur les prendra successivement, d'abord au poignet, ensuite au cou et ailleurs, en tenant compte non seulement des battements mais d'autres caractéristiques. Chacun des douze pouls doit présenter l'une des vingt-sept caractéristiques sur lesquelles repose le diagnostic des acupuncteurs. Leur talent est si grand qu'ils peuvent non seulement décrire l'état actuel du malade mais encore énumérer ses maladies passées et prédire celles à venir.

Le docteurs Félix Mann, président de l'Association des acupuncteurs britanniques, parle du « pouls tendu et filiforme de la douleur ; du pouls caverneux de la perte d'énergie Yin ; du pouls picotant de l'excentrique ; du pouls battant de la congestion ; du doux volètement du pouls de l'hypersensible, etc. »

Dans le livre antique, K’i Po dit à l'empereur : « le pouls du foie doit vibrer commes les cordes d'un instrument de musique ; le pouls du coeur doit résonner comme les coups d'un marteau ; le pouls de la rate doit battre à intervalles irréguliers ; le pouls des poumons doit être aussi doux que les cheveux et les plumes ; le pouls des reins doit résonner comme une pierre… »

Beaucoup de médecins occidentaux se refusent à croire que le pouls puisse présenter autant de propriétés différentes, mais, bien que cela paraisse presque incroyable, des acupuncteurs doués peuvent diagnostiquer les ennuis ou l'affection d'un patient uniquement à l'aide du pouls. Généralement, ils examineront aussi la couleur de la peau du patient, ils l'interrogeront sur sa façon de vivre et tiendront compte d'autres facteurs tels que l'époque de l'année, l'heure du jour et quelques autres facteurs plus ou moins mystiques. Leurs études leur ont appris la nature exacte du déséquilibre qui s'est produit entre le Yang et le Yin, quels sont les points à activer et pendant combien de temps.

L'anesthésie par l'acupuncture

Après des siècles de pratique, l'acupuncture tomba en disgrâce dans la période qui précéda la Seconde Guerre mondiale et la médecine occidentale fut introduite partout où cela était possible. Avec la révolution communiste de 1949, l'acupuncture fut de nouveau respectée et Mao Tsé-toung ordonna de l'enseigner en même temps que la médecine occidentale dans les écoles de médecine. Par la suite, les acupuncteurs soignèrent avec succès des malades atteints d'asthme ou de bronchite, de convulsions, de dysenterie (maladie infectieuse du côlon), d'emphysème (maladie pulmonaire), de fièvres, de gastrite, d'hémorroïdes ou de nombreuses autres maladies tant physiques que psychiques. Ils collaborèrent avec des médecins qui pratiquaient le médecine occidentale et, en chirurgie, les méthodes orientales et occidentales étaient parfois réunies, les aiguilles de l'acupuncteur remplaçant l'anesthésique.

Implanter des agraffes dans l'oreille est méthode pour guérir les drogués. Elle a été mise au point par le Dr Lester Sacks de Los Angeles. C'est l'adaptation d'une méthode des acupuncteurs de Hong-Kong qui traitent les drogués avec des aiguilles chargées d'électricité plantées dans l'oreille. On ne sent pas l'agraffe à moins de la bouger ou de la tapoter. Elle produit sur le drogué, le gros fumeur ou le boulimique un choc qui s'oppose en quelque sorte à son désir.

Phénomène étonnant, l'insertion d'une seule aiguille suffit parfois à provoquer l'anesthésie. En 1971, le docteur E. Gray Dimond, à l'époque président du département des services de la santé à l'école de médecine de l'université du Missouri, visita la Chine en compagnie de trois éminents médecins américains. Ils se rendirent dans des hôpitaux de grandes villes et de zones rurales éloignées et, au cours des opérations auxquelles ils assistèrent, l'acupuncture fut, dans dix cas, le seul anesthésique utililsé. Dans l'un d'eux en particulier, le patient subit l'ablation d'un poumon.

On lui planta une aiguille dans le bras gauche et on la tourna. Toujours éveillé et conscient, mais ne ressentant aucune douleur, il fut capable de supporter l’incision de la poitrine et l’ablation de la moitié supérieure du poumon gauche.

Dans le numéro d'Octobre 1971, les Nouvelles de l'Association médicale américaine relatent ainsi les observations du Dr Dimond : « La poitrine du malade était grande ouverte ; je pouvais voir battre son coeur et pendant tout ce temps l'homme continuait à nous parler, gaiement et en pleine lucidité. Vers le milieu de l'opération, il dit qu'il avait faim, aussi les médecins s'arrêtèrent et lui donnèrent à manger des fruits. »

Les Chinois n'ont jamais vraiment cherché à savoir comment agissait l'acupuncture. Ils sont satisfaits qu'elle réussisse. Mais des études récentes, hors de Chine, ont conduit à des découvertes qui pourraient bien faire sortir cet art vénérable du royaume étrange de l'inexpliqué. A l'époque de l'Union soviétique, plusieurs groupes de médecins ont découvert que les points de l'acupunture ont des températures et des potentiels électriques différents de la peau alentour. Ces points produisent également moins de bruit quand on les ausculte avec un stéthoscope sensible. Un médecin coréen, le professeur Kim Bong-Han, a publié des résultats qui vont dans le même sens : des variations de la résistance électrique de la peau peuvent même être détectées le long du cheminement des méridiens. Les voies par lesquelles opère l'acupunture sont peut-être toujours invisible mais elles ne sont plus inconnues.

On a également suggéré que l'action des aiguilles pourrait stimuler la production d'anticorps qui se mettraient au travail pour combattre les infections. Le médecin londonien G. M. Bull a émis une autre hypothèse pour expliquer comment l'acupuncture peut produire une anesthésie locale. Il signale qu'une augmentation des stimulations dans une partie du système nerveux peut fréquemment rendre la substance cortical du cerveau « sourde » à des stimuli venus d'ailleurs. Il a suggéré en 1973 que les vibrations régulières produites par la rotation des aiguilles pouvaient constituer un facteur déterminant dans le traitement. Appliquée à l'opération dont fut témoin le Dr Dimond en Chine, cette théorie signifierait que les vibrations de l'aiguille dans le bras du malade « caleraient » sur cette fréquence une grande partie de la substance corticale qui serait alors incapable de recevoir les stimuli émanant habituellement des organes opérés. Il reste encore beaucoup de recherches à faire mais l’acupuncture ne ressemble pas à un médicament récemment découvert qui doit être essayé et réessayé des milliers de fois en laboratoire avant d’être offert au public.

Les Chinois ont testé l’acupuncture en la pratiquant des miliards de fois et, aujourd’hui en Chine, des millions de gens lui font confiance.

A l'extérieur de la Chine, un nombre croissant mais beaucoup plus réduit de gens font de même. L'acupuncture compte encore de farouches adversaires, notamment aux Etats-Unis. Les fabricants de médicaments, notamment, voient d'un mauvais oeil une discpline qui s'appuie non sur une chimiothérapie sophistiquée mais au contraire sur des aides aussi « rudimentaires » qu'une boîte de bonnes aiguilles, un choix d'herbes et un haut degré d'habileté.

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Hugo C.
Auto Thérapeute

Quelle triste époque où il est plus facile de briser un atome qu’un préjugé ou une croyance. ― A. Einstein