Laisser faire la nature — 2/4

Hydrothérapie : le pouvoir de l’eau

Hugo C.
Auto Thérapeute
6 min readMay 11, 2020

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L’eau est, de tous les traitements, le plus naturel. Les gens ont reconnu sa valeur depuis les temps préhistoriques et l’ont utilisée pour soulager leurs maux et blessures. Bien avant Hippocrate, les Grecs de l’Antiquité bâtissaient des sanctuaires dédiés à Asclépios, le dieu de la Médecine, où les malades se rendaient pour guérir. Bien qu’il y eût différents rites en l’honneur du dieu, le patient était traité d’une façon qui ressemblait à une cure moderne de nature. On lui prescrivait un régime strict, beaucoup d’air pur et de détente dans un environnement paisible ainsi qu’une série de massages et de bains. Le temple se trouvait souvent près d’une source minérale ou chaude et le patient pouvait alors boire également de l’eau pour se soigner.

Les Romains empruntèrent aux Grecs l’idée des bains et les empereurs romains bâtirent d’immenses bains publics ou thermes qui étaient accessibles à tous pour une somme modique. La vie sociales se déroulait autour de ces palaces où les hommes et les femmes du peuple pouvaient profiter de bains chauds ou froids et de bains et douches de vapeur. Le savon n’existait pas, mais des esclaves raclaient le dos des gens riches avec un instrument spécial appelé strigile. Les pauvres devaient se contenter de se frotter le long des murs. On trouvait à côté des bains des gymnases, parcs, bibliothèques et restaurants.

Eaux thermales Tabacón, Arénal, Costa Rica

Les premiers chrétiens prétendaient que les bains chauds incitaient à la perversité et les thermes tombèrent en désuétude. Les chrétiens n’élevèrent cependant aucune objection contre les bains froids. L’Europe païenne comptait de nombreux puits ou sources de santé consacrés à diverses divinités locales ; ils furent souvent dédiés à des saints chrétiens par les missionnaires. Les pèlerins buvaient de l’eau ou s’y baignaient. Parfois, on laissait des béquilles pendues à un arbre voisin en témoignage de guérison.

Vers le XIVe siècle, les médecins s’intéressèrent à nouveau aux eaux des anciens romains. Bien sûr, au cours des siècles, les paysans les avaient utilisés pour soigner les désordres intestinaux et les rhumatismes et pour dissoudre les calculs de la vessie. Quelques eaux étaient particulièrement renommées pour guérir la stérilité des femmes. En Angleterre, les bains romains de la ville de Bath, envahis par un marécage, furent progressivement restaurés. De nombreux endroits, en Allemagne et en Suisse, qui possédaient des bains commencèrent à attirer des habitués des deux sexes. A Baden, en Suisse, au XVe siècle, les hommes et les femmes se baignaient à peu près nus et folâtraient dans l’eau avec la plus grande liberté. Nul doute que cette licence jouait un grand rôle dans la guérison de la stérilité !

Vers 1580, l’érudit français Montaigne était à même d’entreprendre un grand tour des stations thermales européennes dans l’espoir de trouver des eaux qui dissoudraient ses calculs rénaux. Il trouva des sources brûlantes et chaudes ainsi que des eaux au goût de réglisse ou de fer, d’alun ou de soufre. A peu près partout, il remarqua les honoraires exorbitants exigés des visiteurs.

Vers la fin du XVIe siècle, les médecins avaient fini par croire aux vertus médicinales des eaux de nombreuses sources minérales, et ils encourageaient leurs patients à en boire. La mode des cures thermales se répandit. Dans toute l’Europe et plus tard en Nouvelle-Angleterre, on découvrit ou redécouvrit des sources minérales, on y bâtit des thermes et on fit de la publicité. Si les eaux rencontraient la faveur du public, la communauté locale prospérait et beaucoup de villes doivent leur origine à une source minérale. Même si les eaux n’avaient par elles-même que peu de vertus curatives, les chances de recouvrer la santé, au cours d’une cure thermale, étaient, à cette époque, souvent beaucoup plus élevées que celles qu’on pouvait espérer des remèdes médicaux.

Le changement d’air, un régime strict et l’intérêt du voyage pouvaient tout ensemble contribuer à améliorer la condition du malade.

C’est au XIXe siècle, grâce à Vincenz Preissnitz, que l’on vit l’hydrothérapie érigée en système. Elle faisait appel à des techniques de mouillage ou de sudation que les paysans avaient pratiquées pendant des siècles. Preissnitz naquit en 1799 ; son père était fermier dans la petite ville autrichienne de Gräfenberg, aujourd’hui Jesenik en République tchèque. A l’âge de 18 ans, une charrette lui écrasa les côtes et les médecins déclarèrent qu’il était perdu. Preissnitz se guérit tout seul en portant pendant un an une compresse d’eau froide sur la poitrine. Puis il commença à appliquer la technique de l’eau froide à d’autres maladies et il réussit bientôt à guérir tant de gens que les paysans du coin le soupçonnèrent de pratiquer le magie. Ils placèrent des manches à balai au travers de sa porte pour voir si, comme une vraie sorcière, il pouvait sortir de chez lui sans les déplacer. Les médecins du coin s’opposèrent farouchement à ses soins et le traînèrent sans arrêt devant les tribunaux pour exercice illégal de la médecine.

Au cours de l’un de ces procès, un meunier, témoin à décharge, déclara : « Ils m’ont tous aidé, les médecins, les apothicaires et Preissnitz. Les médecins et les apothicaires m’aidèrent à me débarrasser de mon argent et Preissnitz, à me débarrasser de mon mal. »

Preissnitz croyait que la maladie était due à la présence de substances morbides dans le sang. Son traitement avait pour but d’aider la nature à rejeter les substances morbides dans le sang. Son traitement avait pour but d’aider la nature à rejeter les substances toxique sans faire appel à la médecine. Ce résultat pouvait être obtenu en provoquant une série de crises telles que sudation, vomissements, diarrhées, ou éruptions cutanées pour débarrasser le corps des toxines. Les eaux de Gräfenberg, où vivait Preissnitz, ne contenaient rien de particulier. Il les utilisait comme de l’eau ordinaire.

L’eau froide notamment quand on l’applique sous forme d’enveloppements froids commence par éloigner le sang de la surface. Le sang revient progressivement à la surface et commence à réchauffer les linges mouillés.

On croyait que cela favorisait une meilleure circulation et encourageait la sudation qui peut aider le corps à se débarrasser de l’infection.

Eaux thermales proches du volcan Arénal au Costa Rica

Preissnitz inventa de nouveaux types de traitement comme le bain de siège, la piscine et la douche qui apparemment était la plus apte à provoquer des crises. Dans ce dernier traitement une épaisse colonne d’eau froide tombait d’une hauteur considérable sur le dos du patient. Un malade comparait cette expérience au déchargement d’un tombereau de gravier.

A Gräfenberg, le régime était terrible. A l’hydrothérapie s’ajoutaient l’exposition à l’air des montagnes et beaucoup d’exercice. Les conditions étaient extrêmement rudes et il n’y avait pas de commodités. En dépit de tout cela, Preissnitz avait une immense réputation. Selon l’auteur anglais E.S. Turner, dont le livre humoriste En cure fut publié en 1967, on dénombrait parmi les patients de Preissnitz, pour une seule année : « Une altesse royale, un duc et une duchesse, vingt-deux princes et vint-huit barons et baronnes, quatorze généraux, cinquante-trois officiers d’état-major, cent quatre-vingt-seize capitaines et officiers subalternes, cent quatre fonctionnaires de tout rang, soixante-cinq écclésiastiques, quarante-six artistes et quatre-vingt-sept médecins et apothicaires ».

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Quelle triste époque où il est plus facile de briser un atome qu’un préjugé ou une croyance. ― A. Einstein