Comment mettre en place une stratégie de vente indirecte ? — Olivia Halimi

Axeleo Capital (AXC)
Axeleo
Published in
11 min readDec 20, 2018

Olivia Halimi est Partner & Alliance Marketing Manager chez Oodrive. Après une dizaine d’années d’expérience dans la vente indirecte chez des éditeurs français (Bonitasoft), Olivia rejoint Oodrive en 2017, afin de lancer la stratégie partenaire.

Oodrive est une scale-up de 350 personnes qui propose des solutions SaaS de partage, collaboration, sauvegarde, archivage et signature de documents sensibles en ligne, à destination des professionnels.

Mettre en place une stratégie partenaire, tout le monde y pense, mais peu savent comment s’y prendre ! Une stratégie indirecte doit être longuement réfléchie et surtout parfaitement adaptée à votre industrie, votre produit et votre typologie de clients. Olivia vous donne quelques conseils pour réussir vos partenariats. Prêt…Partez !

Quels sont les types de partenaires ?

ISV (Independant Software Vendor)

Il s’agit d’un éditeur de solution informatique (vertical ou horizontal) qui prend tout ou partie de votre propre technologie, l’intègre à la sienne pour revendre le tout à ses clients. Cette typologie de partenaire est très intéressée par votre cœur technologique et recherche avant tout à apporter une valeur ajoutée à son produit en intégrant le vôtre.

SI (System Integrator)

Les SI vont s’atteler à la gestion de projet d’envergure où à l’intégration de plusieurs technologies garantissant le succès du projet. Nous les retrouvons fréquemment lors d’appels d’offres. Pour ce type de partenaire, le coût de la licence de votre technologie n’a pas ou peu d’importance. Ce qui compte c’est l’intégralité des services qu’ils peuvent vendre autour de votre produit.

Alliances technologiques

Ce genre de partenariat est utile si vous avez besoin de faire grandir technologiquement votre produit et décidez de vous associer avec un autre éditeur pour intégrer sa technologie. En d’autres termes vous faites grossir votre R&D sans consommer vos propres ressources. Attention, cette typologie de partenaire présente des risques pour les jeunes startups. L’interdépendance créée sur les roadmaps, les cycles de maintenance, les sprints de développement peut être très complexe à gérer, surtout si les deux entités n’ont pas vocation à fusionner par la suite.

VAR (Value Added Reseller)

Il y a au sein même de cette catégorie un vaste éventail d’entreprises. Pour travailler avec les VAR il faut bien définir ce qu’ils peuvent vendre autour de votre produit. Votre produit va être une ligne de plus à leur catalogue. Ce qui les intéresse c’est de faire des “bundle” (des packs avec différents produits) ou bien des services pour augmenter la valeur ajoutée de leur offre auprès de leurs clients.

Consulting

Très en avance de phase dans le processus de vente, ce sont des “influenceurs”. Ils peuvent être utiles pour faire du “name-dropping” (ils glissent le nom de votre technologie durant leurs audits). Attention, ils ne peuvent pas être juge et partie. Il est rare d’avoir des contrats de partenariats officiels avec eux et de les faire entrer dans un programme partenaire. La relation est plus de l’ordre du lobbying.

MSP (Managed Service Providers)

Ces types de partenaires sont également fortement intéressés par les services qu’ils vont pouvoir proposer autour de vos solutions. Il faut identifier clairement avec eux dans quelle mesure votre solution peut être une valeur ajoutée à leur offre et évaluer leur capacité à revendre et délivrer du service.

Hosters (hébergeurs)

Ils lancent des offres d’hébergement dans lesquelles peuvent être packagées des services et des applications.

Training

Ces partenaires se chargent de délivrer les formations nécessaires au déploiement de votre produit. Ce type de partenariat peut permettre d’accélérer l’adoption de vos produits et de d’améliorer la rétention.

Wholesaler (distributeur / grossiste)

Les grossistes voient leur métier évoluer ces dernières années. Historiquement les grossistes distribuaient du hardware, ils sont passés au software et maintenant même à la revente d’application cloud. Les ventes peuvent se faire sur plateau, vente par téléphone, ou via une plateforme de type e-commerce. L’objectif de ce genre de partenariat est d’être référencé par ces wholesalers qui vont, eux-mêmes, revendre le produit à des VAR. Au lieu d’aller voir les VAR les uns après les autres, le wholesaler le fait pour vous. Attention, travailler avec un grossiste peut coûter très cher (action marketing, payer pour former de leur force de vente…).

Quels sont les avantages d’une stratégie partenariale ?

Réduire les coûts Sales & Marketing

Le but ultime d’une stratégie indirecte est de réduire ses coûts sales & marketing. Au lieu de recruter des commerciaux supplémentaires, développer une stratégie partenariale peut vous permettre de démultiplier votre chiffre d’affaires. Il faut garder en tête que c’est une stratégie de long-terme et que plusieurs itérations seront nécessaires.

Créer du “revenu incrémental”

L’objectif d’un partenariat est également de nouer des relations commerciales avec une nouvelle typologie de client, que je ne peux pas, ou ne veux pas, adresser seul (très gros client, client fonctionnant obligatoirement avec un partenaire, etc.). Ce revenu est incrémental dans le sens où ça n’est pas du revenu originellement réalisé en direct que l’on donne à des partenaires, mais bien du revenu issu d’opportunités apportées par nos partenaires.

Se développer à l’international

Ouvrir un nouveau pays par soi-même peut coûter très cher et prendre beaucoup de temps. Se reposer sur des partenaires locaux, à l’inverse, permet de pénétrer le marché rapidement, de s’affranchir d’une montée en compétence sur les « business habits » du pays, afin de toucher les bonnes cibles et d’accélérer sa notoriété et ses cycles de vente. Pour réussir, il faut alors investir dans le transfert de compétences vers vos partenaires (vente, avant-vente, marketing, techniques, …).

Co-développer votre solution

Ce type de partenariat permet de capitaliser sur les forces R&D d’un tiers et de préserver les vôtres. L’objectif est d’apporter une valeur ajoutée à votre produit sans venir impacter votre coût humain. Attention encore une fois l’interdépendance avec une solution tierce peut être dangereuse si pensée de façon court-termiste.

Pénétrer une industrie / un vertical

Lorsque votre produit est agnostique (c’est à dire que vous pouvez le vendre à plusieurs industries), il vous faut trouver des relais qui ont de l’expertise dans chaque vertical, qui ont le même vocable que les clients et qui sont reconnus comme des experts. Ils assoient ainsi pour vous la légitimité de votre solution sur un métier particulier.

Assurer la satisfaction du client

Le partenaire, étant en lien direct avec le client, cela peut permettre dans certains cas d’augmenter la satisfaction du client et également d’optimiser la rétention de votre client sur une solution SaaS.

ATTENTION :

« Le partenariat ne convient pas à tous. Si le partenariat ne vient pas naturellement à vous, il est inutile voire néfaste de forcer une stratégie de partenariat. »

Comment se préparer à l’Indirect ?

“Time to revenue”

Lancer une stratégie partenaire ne va pas payer tout de suite. Il est rare de voir des bénéfices avant 3 ans. La génération de revenu est décalée dans le temps car il y a des phases incompressibles : temps entre le 1er RDV partenaire et la signature du contrat de partenariat, temps de formation de l’équipe du partenaire, temps de la 1ère vente conjointe, etc.

Aussi, par expérience, 15% à 30% des partenaires que vous allez recruter ne vous apporteront jamais de business. C’est le “partner churn” : un partenaire entre dans le programme de partenariat et finit par en sortir sans avoir apporté d’affaire.

L’alignement

Un projet partenarial est un réel projet d’entreprise. Ça n’est pas la simple affaire du directeur commercial. Il faut associer à ce projet d’entreprise tous les directeurs de département. Par exemple, le CTO, lorsqu’il développe le produit doit s’imaginer que l’utilisateur final peut être un partenaire qui va administrer la solution pour le compte d’un client. Le partenaire doit pouvoir avoir accès aux API et aux “couches basses” de votre produit. Lorsque le Marketing développe des outils (plaquettes, webinars) le vocabulaire doit également parler aux partenaires. Les productions doivent être “partner ready”. Les processus d’ADV (administration des ventes) doivent être simples. Si c’est trop complexe, le partenaire ira voir votre concurrent.

Pricing

Il faut à tout prix éviter les situations où le client reçoit une offre en direct moins chère que ce que le partenaire peut offrir. Cela détruirait la confiance de votre partenaire. La latitude de négociation laissée aux sales ne doit pas remettre en question la proposition de valeur que vous avez promis à vos partenaires.

De plus, il ne faut pas essayer de vendre du prix et offrir simplement du discount à votre partenaire. Cela ne fonctionne pas. Il faut l’aider à vendre des projets et des services et donc parler valeur plutôt que prix.

Key take away

Pour être « partner ready », toutes les ressources que vous produisez pour vos équipes doivent être mis à disposition de vos partenaires. Si vous voulez que vos partenaires vendent aussi bien ou mieux votre produit que vos propres équipes, il faut à minima qu’ils disposent des mêmes ressources (par exemple : les outils d’onboarding de type e-learning utilisés pour former vos nouveaux commerciaux doivent être utilisés pour former vos partenaires, idem pour ce qui concerne le pre-sales, les API, le CRM etc).

Globalement le « partner journey » doit être fluide pour assurer la satisfaction de vos partenaires à réaliser du business avec vous. Les directeurs de tous les départements doivent être impliqués dès le début dans la création de la stratégie partenaire.

Être “partner ready” c’est être capable de répliquer rapidement à l’externe ce que vous faite à l’interne. C’est à dire comment je transfère mon expertise technique et mon savoir-faire business à mes partenaires. L’objectif n’est surtout pas de faire deux fois le travail mais que tout ce qui est produit en interne soit utilisable par vos partenaires !

Direct versus Indirect, la bataille des Sales

Commissionnement

Il peut arriver qu’un commercial soit sur une opportunité client qui est également travaillée par un partenaire. Dans ce cas le sales peut avoir tendance à protéger son opportunité craignant d’avoir à donner un discount au partenaire. Pour ne pas s’affranchir de l’aide qu’un partenaire peut apporter pour faire avancer l’opportunité et maximiser ses chances d’être gagnée, Il faut imaginer un système de reconnaissance des commissions et des revenus à la fois pour le commercial et le partner manager.

Une excellente pratique à mettre en place est d’intégrer votre stratégie partenaire directement dans le discours des commerciaux. En demandant directement à vos prospects et clients avec quels partenaires ils travaillent, vous identifierez directement les partenaires avec lesquels vous pouvez monter un partenariat.

Conseil CRM

Si vous connaissez le nom du client final de votre partenaire, il est important de créer l’opportunité dans votre CRM sous le nom de ce client et de rattacher votre partenaire à cette opportunité. C’est essentiel pour plusieurs raisons : dénombrer correctement vos clients finaux, historiser la relation d’un ou de plusieurs partenaires avec un même client, impliquer correctement vos départements support, customer care et du customer success.

Les outils à mettre en place

Visibilité du Partner

Un carrousel reprenant les logos de vos partenaires sur votre site ne suffit pas. L’idéal est de créer une page dédiée décrivant vos partenaires. Voire un moteur de recherche permettant à l’internaute de trouver votre partenaire le plus adapté à son projet. Un Partner Locator est une solution moderne allant jusqu’à permettre la demande de mise en contact par l’internaute avec le partenaire ; et ainsi proposer de la création de leads à vos partenaires officiels.

Un portail partenaire (PRM)

Un PRM est un outil pour gérer la relation partenaire qui permet plusieurs choses : du deal registration (deal reg), un accès à votre base de connaissance, un accès à des outils marketing en ligne, etc.

Rapide focus sur le deal reg : cela permet à votre partenaire de sécuriser son business avec vous et de vous donner de la visibilité sur son pipeline au plus tôt. Ceci permet de garantir une gestion uniforme dans votre CRM et d’éviter les conflits qui peuvent se créer lorsque deux partenaires tentent de vous embarquer sur le même deal. Evitez les questions telles que : avec lequel travailler ? celui qui a amené le deal en premier ? celui qui a le plus de chance d’aller au bout ? Une fois que le problème se pose et qu’il n’est pas anticipé c’est déjà trop tard.

Partner score-card

Il est difficile de savoir si un partenaire est bon ou non. Un partenaire peut être bon pour lever du pipe mais pas pour vous rapporter de l’argent, ou inversement. Il peut être intéressant de faire des enquêtes auprès de vos partenaires voire même auprès des clients de vos partenaires. Vous pouvez ensuite créer des “spider map” pour qualifier vos partenaires en fonction de différents critères comme : la formation, le nombre d’événement marketing, le revenu qui vient de ce partenaire, etc. Cela est utile pour savoir quel partenaire est bénéfique pour vous mais surtout pour pouvoir mener les actions correctives pour optimiser vos interactions avec chacun d’eux (exemple : intensifier les actions avec un partenaire qui fait peu d’événements mais rapporte beaucoup de revenu et inversement arrêter de travailler avec un partenaire qui vous consomme beaucoup de temps sans vous rapporter d’argent).

Ce qu’il faut retenir

Les erreurs fréquentes

  • Penser que vos partenaires achètent comme vos clients est la première erreur à éviter. Attention la proposition de valeur que vous présentez à vos partenaires ne doit pas être la même que celle que vous présentez à vos clients.
  • Étant donné toutes les typologies de partenaires qui existent, attention à bien choisir dès le début. Ne commencez pas par un partenaire de chaque type mais plutôt par une typologie que vous aurez bien choisie stratégiquement.
  • Aller à l’international trop vite est également une erreur courante. Si vous n’êtes pas capable de gérer vos partenaires à domicile, vous ne serez pas capable de gérer une stratégie partenaire à l’étranger.
  • Recruter trop de partenaires est à éviter. Mieux vaut peu de partenaires très qualitatifs avec qui vous créez du business qu’une longue liste de partenaires inactifs.
  • Confondre les partenaires avec les apporteurs d’affaires. Un partenaire va vendre pour vous, versus un apporteur d’affaire qui ne prendra pas à sa charge le cycle de vente. Un apporteur d’affaire reste intéressant, mais est dans une logique de relation one-short versus un partenaire qui va construire une partie de son revenu sur votre solution et donc s’investir (formation, co-marketing, …)

Partner program Journey

  • Organisez une rencontre avec la direction et les partenaires
  • Définissez la stratégie partenariale et notamment la typologie de partenaire visé
  • Etablissez le “route to market” : comprendre quel sera l’intérêt pour votre partenaire de pousser votre solution à ses clients
  • Simplifiez votre offre !

Définissez :

  • les bénéfices et besoins
  • les conditions financières
  • le message à délivrer

Les KPI à suivre

Si vous travaillez avec des partenaires, il va vous être demandé de fournir quelques KPIs pour suivre cette activité. En voici certains :

  • Ratio opportunités apportées par vos partenaires VS opportunités que vous apportez à vos partenaires.
  • Durée du cycle de vente : un partenaire doit vous permettre de réduire votre cycle de vente, pas de l’allonger.
  • CAC (customer acquisition cost) sur les deals provenant de vos partenaires VS CAC sur les deals gagnés en direct
  • Churn des deals gagnés en indirect VS Churn des deals gagnés en direct

Partnership for dummies

  • Définissez des règles simples qui donne quoi, qui reçoit quoi ?
  • Donnez à vos partenaires des leads (très) qualifiés, presque des opportunités
  • Contractualisez la relation de partenariat uniquement après avoir fait un premier deal avec le partenaire. Cela valide l’intérêt commun, la capacité à travailler et à délivrer ensemble.

« S’il n’y avait qu’une chose à retenir c’est la réciprocité ! Si la relation n’est pas bidirectionnelle elle ne sera pas pérenne. »

Vous êtes intéressé pour assister aux prochains Clubs Axeleo ? Rendez-vous sur ➡️ http://bit.ly/AxeleoClubs

Si vous avez aimé l’article, cliquez sur le bouton “Clap” ci-dessous !
Article rédigé par Grégoire Lamy, basé sur l’intervention d’Olivia Halimi

--

--

Axeleo Capital (AXC)
Axeleo
Editor for

Axeleo Capital (AXC) is an early stage French-based VC, supported by a large community of tech entrepreneurs. We back digital and B2B tech startups from day 1.