L’Art de la guerre appliqué à la vente grand compte — avec David Mazeyrat, Head of Sales, iAdvize

Axeleo Capital (AXC)
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8 min readMar 13, 2019

Crée en 2010, iAdvize se définit comme la plateforme de marketing conversationnel. Il y a 6 ans, David Mazeyrat, rejoint la startup qui ne compte alors que 20 collaborateurs. Il occupe désormais le poste de Head of Sales et la société compte plus de 220 employés sur 5 pays (avec des bureaux à Nantes, Paris, Londres, Düsseldorf, Madrid, et aux US). Depuis sa création, la startup a levé 55M$ auprès d’Alven Capital, Iris Capital, Idinvest et Bpifrance.

L’enjeu est simple : les entreprises multiplient les canaux de contacts, les coûts, les processus, etc. iAdvize est la plateforme dans laquelle toutes les interactions sont centralisées entre une marque et ses clients. La solution a convaincu plus de 600 clients dans 48 pays.

Faisant le constat que 70% des opportunités manquées se déroulaient le soir et le weekend quand le service client était fermé. iAdvize a donc réalisé un pivot sur l’année 2018 en créant la première communauté (ibbü) d’experts rémunérés, pour répondre aux questions des prospects. L’objectif est de faire vivre une expérience différenciante à ses clients avec un discours beaucoup plus authentique.

Comment faire évoluer son organisation commerciale selon la maturité de la startup

Le CEO dirige le CRO, CMO, COO, mais également le Produit, la R&D, la Finance et les RH.

Le CRO gère le Head of Sales France, un Country Manager par pays, ainsi que l’équipe Alliances (stratégie partenaire). Le Head of Sales quant à lui possède une équipe de 12 sales.

Le CMO manage un Head of Marketing par pays. Enfin, le COO gère le VP Customer Success et de son équipe de 50 personnes (CSM), ainsi que l’équipe IT.

Au début, iAdvize avez une offre en deux parties. La partie self-care pour les PME qui pouvait prendre la solution directement en ligne, et une partie Premium avec une équipe de Sales dédiée. Il n’y avait donc qu’une équipe commerciale.

Après la première levée de fonds, la partie self-care est supprimée par manque de rentabilité. Il devient alors obligatoire de passer par un Sales pour souscrire à la solution. Il y a alors deux équipes commerciales avec les Inside sales pour vendre aux PME (SMBs) et les Field sales pour les grands comptes (Enterprise).

En 2018, les équipes sont re-divisées selon deux grands groupes pour arriver à 4 grands profils :
- Inside Sales : SMB hunting
- Account Manager : SMB farming
- Field Sales : Key account hunting
- Account Manager : Key account farming

Enjeux de segmentation des cibles les plus pertinents

En étudiant le bilan financier, le constat est fait que la rentabilité n’est pas atteinte sur les plus petits comptes. En effet, les “Small accounts” représentaient 17% du revenu pour 80% du temps des équipes. Les forces de vente sont donc redirigées vers le Mid-market et le key account.

La segmentation des comptes entre Small, Mid-market et Key account, peut se faire selon 3 méthodologies :
- par MRR (revenu mensuel récurrent)
- par CA (chiffre d’affaire du client)
- par nb de salarié (nombre de salariés du client)

La méthode de classification retenue par iAdvize est finalement le MRR d’un client croisé avec son potentiel d’expansion. Ainsi un leader du retail avec un petit contrat sera tout de même classé Key account puisqu’il possède un potentiel de MRR conséquent pour iAdvize.

D’un marché de 3000 entreprises, la cible est alors réduite à 350 cibles, dont 250 Mid-market et 100 Key accounts.

Comment s’étendre et se lancer dans de nouveaux pays ?

Pour réussir à ouvrir de nouveaux marchés, il faut soit s’aider d’alliances et de partenaires pour accéder au marché, soit il faut posséder un pied dans une marque qui est implanté dans cet autre pays et créer une première référence avec eux. Une fois la première référence acquise, il est alors possible de s’étendre dans le nouveau pays (sauf aux US)

Un nouveau métier a donc été créé, le “Strategic Account Manager”, pour superviser les Mid-market et Key account sur un niveau international. Son métier est de remonter dans l’organisation d’un client existant (français), pour jusqu’à la direction du compte au niveau EMEA ou global. Il est alors possible de mettre en place un accord-cadre avec la direction générale qui imposera la solution sur tous ses marchés.

Comment se préparer face à de forts enjeux commerciaux :
1. Construire une équipe Sales composée de profils experts ou à fort potentiel (savoir-faire et savoir nécessaires pour composer et ne conserver que des “rock stars”)
2. Définir une méthodologie de travail adapté à la cible grand compte
3. Obtenir l’adhésion de l’équipe (formation, mise en pratique, quick wins)
4. Piloter l’attente des résultats

Comment construire une équipe commerciale de “Rock Stars” ?

David a créé 4 niveaux de Sales (junior, confirme, senior, partner). À chaque profil correspond 1 fixe, 1 variable, des quotas, des attentes et des responsabilités. Chacun doit être conscient du niveau auquel il appartient et quelles sont les attentes et responsabilité qui correspondent à sa rémunération et son variable.

Le manager peut alors créer un quadrant selon deux axes, celui de la motivation et celui de la compétence. Le mapping permet d’identifier quels sont les “rocks stars” (compétent et motivé), ceux qu’il faut former (pas compétent, motivé), ceux qu’il faut impliquer et responsabiliser (compétent, pas motivé) et ceux dont il faut se séparer (pas compétent, pas motivé).

Dans toute équipe, il y aura toujours 3 états d’esprit : les “fans”, les détracteurs et le ventre mou. L’objectif du manager et d’attirer le ventre mou vers lui. L’un des meilleurs moyens repose sur la sollicitation et l’implication des détracteurs. Il faut utiliser leur esprit critique pour tester, challenger et améliorer les processus et l’organisation. Le détracteur se sentira valorisé si vous le positionner comme le beta-testeur pour co-construire vos outils de demain. Il se transformera alors en ambassadeur vis-à-vis du reste de l’équipe.

Méthodologie pour conquérir les grands comptes B2B

Sun Tzu — L’Art de la guerre

La méthodologie inspirée de “L’art de la guerre” de Sun Tzu consiste à faire l’analogie entre conquérir un grand compte et conquérir un territoire. Il est tout à fait possible transposer les méthodes des généraux à celles des commerciaux, comme exposé ci-dessous :

1. Topographie => valider ou non son intérêt

La première phase est d’analyser le territoire, sa richesse, ses ressources, etc. C’est ce que les Anglo-saxons appellent le “territory plan”, d’un point de vue business. Il faut définir son type de cible. Puis identifier si la cible en question correspond bien au type de cible visé. Ceci permet de valider ou d’invalider l’intérêt d’un territoire / d’un compte par rapport aux objectifs.

2. Renseignement => collecte d’info terrains

La deuxième phase est celle de la collecte d’un maximum d’informations sur le territoire qui permettra de le conquérir.
Il y a 4 types de renseignement à identifier :

  • L’organigramme, il traduit des rôles et des enjeux. Au sein de celui-ci, il y a 7 types de rôles dont 5 liés à une ligne décisionnelle (business user, decision maker, executive decision maker, executive budget — souvent membre du comité de direction, c’est lui qui alloue les budgets) et 2 rôles (les influenceurs terrains et les influenceurs executives). Il est donc essentiel de mapper cet organigramme comme point de départ d’une conquête d’un grand compte.
  • Les “enjeux”, c’est la douleur profonde de votre compte. Une bonne découverte doit aller au-delà de la première “douleur” exprimée par le client. Il faut suivre la méthode des “5 fois Pourquoi”. En répétant cinq fois la question “pourquoi” on atteint un niveau beaucoup plus profond du problème à adresser.
  • Situation et Point particuliers, c’est l’état du compte et les choses à noter. Si l’un des dirigeants arrive au terme de son mandat, cela peut fortement impacter les prises de décision sur une période plusieurs mois. Comprendre l’état des lieux de la “politique interne” est indispensable pour adapter ses actions en conséquence.
  • Prestataires, engagement et opinion. Les informations à collecter concernent également les prestataires actuellement en place, quel est le niveau d’engagement, quel est le niveau de satisfaction qu’il génère, etc.
    La phase de renseignement permet surtout de savoir quand il faut attaquer.

Sun Tzu dit “un bon général n’attaque pas s’il n’est pas assuré de la victoire”. Un commercial ne doit pas se lancer dans la conquête d’un deal s’il ne sait pas s’il ne passera pas toutes les étapes du pipe commercial.

3. Plan => quelles sont les grandes actions à mener

Un account plan est composé de 4 à 5 grandes missions (ex : transformer un détracteur en sponsors), elles-mêmes divisée en une dizaine d’actions (ex : rencontrer un executive influenceurs au sein du compte). Chaque mission comprend un délai et des indicateurs de pilotage. Les Sales sont libres de définir leurs propres indicateurs afin de les responsabiliser le plus possible.
Ces account plans sont partagés avec les BDR (qui prennent les rendez-vous), l’équipe marketing (qui travaille en ABM — account base marketing — sur 5 comptes clés par trimestre), le Customer Success et l’équipe Alliances.
Les “actions” qui composent chaque mission ne sont pas saisies dans le CRM, mais les 4 à 5 “missions” sont suivies dans Salesforce pour faciliter le pilotage.

4. Conquêtes => la phase de vente

Il s’agit ici de la phase “terrain”. Elle se pilote de façon très traditionnelle avec les nombres de call, rendez-vous, deals et pipe value.

5. Espions et Sponsors

En parallèle des 4 piliers, il y a les sponsors (dans le monde de l’entreprise) ou les espions (dans le monde de l’armée). Ils fournissent des informations fraîches qui peuvent ajuster l’account plan. Chaque Sales doit avoir un sponsor executive et un sponsor opérationnel par compte. 90% des deals gagnés comptaient un sponsor. Tout contact peut être un sponsor. Même un stagiaire peut, malgré lui, fournir des informations très précieuses.
iAdvize a d’ailleurs supprimé son équipe de SDR (qui prenaient les leads entrant) pour mettre directement des Sales pour aller chercher toutes les informations possibles.

6. Alliés

Les alliés doivent être identifiés pour qu’ils aident à pénétrer un compte. Les partenaires issus de l’équipe Alliances sont souvent de très bons alliés (comme les ISV). Ils peuvent servir pour conquérir un nouveau compte ou développer un compte existant. Les équipes Marketing et Alliances doivent être impliquées.

L’importance de la formation des équipes Sales

Un pôle de formation dédié au “Sales enablement” a été créé au sein de la structure. Il se concentre sur la formation des sales et le partage des bonnes pratiques à l’international. Il identifie les bonnes pratiques aux US ou en France et répand les méthodes globalement.

Un Training plan doit être défini pour assurer la compétence des Sales. Ils doivent passer du temps à s’entraîner (à pitcher, à mettre en place des techniques, des jeux de rôle, etc.). Comme le dit Sun Tzu : “un guerrier victorieux passe 90% de son temps à s’entraîner”.

Quelques autres citations de L’art de la Guerre de Sun Tzu :

  • « La règle, c’est que le Général qui triomphe est celui qui est le mieux informé. »
    « Une armée sans agents secrets est exactement comme un homme sans yeux ni oreilles. »
    « Qui connaît son ennemi comme il se connaît, en cent combats ne sera point défait. Qui se connaît, mais ne connaît pas l’ennemi sera victorieux une fois sur deux. Que dire de ceux qui ne se connaissent pas plus que leurs ennemis ? »
    « Tout le succès d’une opération réside dans sa préparation. »

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