Sabino, notre première rencontre

Jérémy Le Mardelé
Baithaka
Published in
3 min readAug 7, 2016

Notre deuxième jour à Cusco nous errons au hasard des rues des quartiers San Blas et San Cristobal. Ces deux quartiers situés sur les hauteurs de la Plaza de Armas sont un peu les quartiers bobo-artistes de Cusco. Les ruelles s’enchevêtrent et montent toujours plus haut. Entre 2 rues-escaliers nous empruntons une rue “plate”, pour reprendre un peu notre souffle. C’est là que nous entendons le son d’une guitare qui semble provenir d’une maison un peu plus loin. Curieux, nous nous rapprochons de la musique. Par la porte d’une petite maison nous apercevons un homme jouant sur une petite guitare, 3 touristes américaines l’écoutant. Nous aussi on a envie de l’écouter… C’est comme ça que nous pénétrons dans la boutique de Sabino, luthier.

Sabino est en train de faire une démonstration de Charango, instrument à cordes des Andes. Nous l’écoutons, il essaye d’apprendre quelques notes à Jérémy et à une des américaines. Ce qui semble naturel pour lui ne l’est pas pour nous, quelques notes sortent, certaines fausses, nous rions.

Après cette démonstration-leçon, nous demandons à Sabino s’il veut bien nous montrer son atelier. Nous passons alors derrière le rideau de la boutique, et nous grimpons à l’étage de la maison. Là, nous découvrons son atelier qui consiste en une terrasse couverte mais ouverte sur l’extérieur, d’où nous jouissons d’une vue imprenable sur la ville. Plusieurs instruments sont en cours de fabrication, des guitares, des charangos, des flûtes et flûtes de pan, une harpe…

Sabino nous explique que le corps du charango est fait à partir d’une pièce de bois unique, bois qui provient directement de la montagne de Cusco (seule la caisse d’harmonie est faite à partir d’un bois importé du Canada). Sabino creuse la forme de l’instrument dans la pièce de bois, puis la laisse sécher une année. Une fois le bois sec, il ne lui faudra que 15 jours pour donner vie à l’instrument.

Nous redescendons dans la boutique. Après une nouvelle démo-leçon de Charango, il nous joue de la “quijada de bujo”… Soit de la mâchoire de vache ! Oui oui c’est un instrument ! Sabino nous explique que les Quechuas descendent en partie des esclaves africains, et qu’à l’époque de l’esclavage les instruments de musique étaient interdits. Les esclaves devaient donc faire de la musique avec ce qu’ils avaient sous la main… La quijada de bujo est un héritage de cette époque.

Sabino est luthier depuis 48 ans, “toute sa vie” comme il nous dit. Il aime travailler dans son atelier sans murs, avec “sa vue” sur la ville. Après plus d’une heure passée en sa compagnie, nous le quittons avec de merveilleux souvenirs en tête (et avec un charango, on a craqué).

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