Le numérique responsable

Julie Lemaitre
Bachelor UI/UX Design by lecolededesign
11 min readFeb 16, 2023

Revue de veille du 06/02/23 par les étudiants du Bachelor UX/UX Design 2e année — groupe UX2_A — animée par Florent MICHEL.

Article rédigé par Lucie BOUDOIRE, Julie VRIGNON et Julie LEMAITRE.

Qu’est-ce que le design responsable ?

Quand on pense à design responsable, on va en priorité penser au design écologique aussi appelé éco-design. L’éco-design c’est tout d’abord fortement lié à ce qu’on appelle l’éco-conception, ce qui correspond à la partie développement et fabrication du produit alors que l’éco-design concerne la partie esthétique et fonctionnelle du produit.

Le but est de limiter les déchets et l’impact environnemental que le design peut générer, tout en optimisant sa fonctionnalité et en travaillant sur son aspect esthétique.

Il s’agit de penser à la totalité du cycle de vie de l’objet : sa création, son utilisation et sa fin de vie.

schéma de la prévention et gestion efficace des ressources

Le mythe du numérique responsable :

En effet, même si le numérique semble invisible, derrière nos écrans se cache une grande quantité d’énergie et de ressources primaires ainsi que des tonnes de CO2 relâchées dans notre atmosphère.

La question du mythe du numérique responsable peut alors se poser, surtout lorsqu’on sait que la transformation numérique a un impact sur l’environnement. Les services numériques représentent 4% des gaz à effet de serre dans le monde et d’ici 2025, ces émissions devraient doubler.

Par exemple, c’est 1,5 fois de plus que l’aviation civile et ça peut générer jusqu’à 140Kg de CO2 par personne en 5 ans si les mails ne sont pas supprimés, soit l’équivalent de 309L de bouteille d’eau.

L’action seule d’aller sur les réseaux sociaux représente 60kg/personne de CO2 émis, ce qui équivaut à Paris-Genève en voiture.

Pour remédier à cela, le numérique responsable est né. Pour faire simple, le numérique responsable c’est le lien entre le numérique et le développement durable. Depuis plusieurs années maintenant, le numérique responsable est au centre des préoccupations.

Dès 2005, un début de réflexion a vu le jour avec notamment Frédéric Bordage qui travaille depuis 15 ans sur la réduction de l’empreinte écologique du numérique.

Mais c’est en 2018 seulement que les institutions et les ministères comprennent l’ampleur des dégâts grâce à la publication, par l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), du Livre Blanc numérique et environnement “Faire de la transition numérique un accélérateur de la transition écologique”.

C’est ce livre qui lance le débat, et va amener après quelques années, la publication d’une loi le 12 janvier 2021, visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France.

Vient alors la question de notre propre responsabilité dans cette pollution numérique, et comment on peut y remédier à notre échelle. On peut observer que quelques actions ont déjà été amorcées, avec par exemple des sites web low-tech, des sites se contentant du strict nécessaire niveau design.

Mais dans une société où on est habitué à toujours plus niveau numérique, la question se pose de comment on peut avoir un numérique responsable à notre échelle.

Après avoir parlé de l’éco-design, intéressons maintenant aux questions soulevées par le numérique responsable.

Le numérique responsable : un paradoxe ?

C’est bien joli de parler d’un numérique “vert” et responsable, mais en réalité, si on fait attention au sens du mot “responsable” est-ce qu’un numérique responsable ne serait pas un paradoxe ? Dans l’absolue, un numérique responsable à 100% ne serait-il pas un numérique inexistant ? Car on ne peut ignorer l’impact écologique du numérique, et son impact sur nos sociétés.

Force est de constater ********que la production d’un ordinateur portable émet tout de même 150 kg d’émissions de gaz à effet de serre [source impactco2.fr], pour donner un ordre d’idée, c’est équivalent à faire 5h30 de streaming par jour pendant 1 an. En parallèle sur le plan social, 1/3 des Français seraient soit en situation d’illectronisme, soit en situation de handicap visuel d’après cette interview de Vincent Courboulais [enseignant chercheur à l’université de La Rochelle et co-fondateur de l’Institut du Numérique Responsable]. Une autre étude de l’INSEE nous dit quant à elle que 17% du grand-Est souffrait d’illectronisme en 2019. Pour comprendre l’importance de ce chiffre, imaginez que si ce pourcentage s’appliquait à l’échelle nationale, on considérerait que l’illectronisme toucherait un peu plus de 10 millions de français.

C’est précisément pour limiter ces impacts lourds sur nos populations et sur notre planète que la question du numérique responsable se pose. Dans cette optique, de nouvelles notions comme celle de la sobriété numérique voit le jour pour nous permettre à nous, futurs UI/UX designer d’impacter au mieux le monde qui nous entoure.

Différencier sobriété numérique et numérique responsable :

Tout d’abord, comprenons que ces deux notions de numérique responsable et de sobriété numérique sont intrinsèquement liées dans des contextes d’UX, de design, de content, de réseaux sociaux.

Geoffrey Dorne, designer spécialisé en la matière, nous dit que la sobriété numérique vient “diminuer la charge cognitive de l’utilisateur. Plutôt que d’avoir plein de photos, de la vidéo, de la 3D 360°, de la réalité virtuelle, on va simplement mettre du texte et quelques images. En terme de charge cognitive, cela permet à l’utilisateur d’aller chercher des informations qui l’intéressent davantage et de prendre plus de temps pour lire, réfléchir, respirer”. Et cela définit à merveille les enjeux de la sobriété numérique.

D’un autre côté, le numérique responsable lui se préoccupe plutôt du poids total des sites, des fonctionnalités inutiles présentes sur les pages. Selon le manifeste pour un internet responsable seules 20 % des fonctionnalités d’un site seraient réellement utilisées. La question du mode d’hébergement se pose également, avec le soucis de questionner avec quoi tournent nos data-centers, aux énergies renouvelables de préférence, exemple d’Infomaniak qui se revendique “Cloud éthique”. Mais toute cette démarche n’aurait pas autant de valeur si elle n’était pas documentée. C’est pourquoi le numérique responsable se veut transparent et pédagogique, avec l’idée d’informer l’utilisateur afin que ses choix de navigation soient fait en connaissance de cause.

Dans cette optique, des outils comme les MOOCs offrent justement de se sensibiliser aux enjeux du numérique responsable comme l’exemple proposé par l’INR (Institut du Numérique Responsable). Ainsi de nombreux outils sont maintenant disponibles pour répondre aux défis du numérique responsable.

Justement, quels sont les défis du numérique responsable aujourd’hui ?

D’après le manifeste pour un internet responsable les 3 points majeurs à garder en tête actuellement seraient la question de la modération, donner le choix de format au lecteur et s’intéresser aux enjeux derrière les contenus à durée limitée. Pour ce qui est de la modération, notre modèle de société actuelle en Europe le montre bien : ce n’est pas gagné. Dans l’idée de “modération” on comprend bien souvent l’idée de contrainte. Or, s’il y a bien une promesse qu’internet s’évertue de tenir depuis son début, c’est l’absence de contraintes. Prenons l’exemple des commentaires présents sous les contenus proposés par nos réseaux sociaux préférés : aucune limite ni en terme de quantité ou de durée de vie. Cela nous amène tout naturellement à nous intéresser à ce dernier point : la durée de vie des datas disponibles en permanence, ou presque.

L’initiative estonienne du “Digital cleanup day” est l’un des rappels nous permettant de prendre conscience du phénomène d’addition de ce que nous créons et faisons transiter sur internet (mail, message, vidéos téléchargées il y a 5 ans etc). Enfin parlons de cette question de format. D’après une étude de greenspector, Tiktok émettrait 7,2 fois plus de CO2 que Youtube. Comment expliquer que ces 2 plateformes de streaming, proposant des vidéos plutôt gourmandes en ressource, ne soit pas logées à la même enseigne en ce qui concerne leur émission de gaz à effet de serre ? Outre le fait qu’aujourd’hui nous passons largement plus de temps sur Tiktok (95 minutes en moyenne) que sur Youtube (31 minutes en moyenne pour les français), l’autre facteur déterminant est que contrairement à Youtube, Tiktok ne laisse pas l’utilisateur choisir s’il veut ou non faire charger les vidéos de son feed. Ainsi, en ne proposant que de courts aperçus sans lancer ses vidéos, Youtube pollue à priori bien moins. Reste à voir si cette notion pourrait s’appliquer à d’autre domaines et dans d’autres contextes.

Au risque de vous perdre, voici un exemple concret du quotidien pour remettre en perspective ce que nous venons d’évoquer. Prenons un marché: ce marché vous propose une grande quantité de produits frais et sympathiques, il y en a pour tous les goûts. De même, les contenus disponibles sur internet et via le numérique sont frais et sympathiques. Cependant contrairement à Internet, le marché lui existe sous certaines contraintes qui affectent le contenu proposé, des contraintes comme les saisons, les maladies, le pouvoir d’achat etc. Ces facteurs existent qu’on le veuille ou non, et force est de constater que nous savons nous adapter.

Pour résumer : battons-nous contre le vite consommé, vite oublié.

Question de responsabilité :

Suivant les principes du numérique responsable, toute personne souhaitant mettre à disposition un contenu, quelque soit sa nature pourvu qu’il soit en partie numérique, a la responsabilité de faire réfléchir l’utilisateur. Le problème que cela soulève c’est encore une fois cette idée de contrainte, qu’en est-il de la liberté de consommer le contenu que l’on souhaite ou de partager le contenu que l’on souhaite partager ? Qui peut-on tenir responsable vis à vis de ce jugement de valeur ?

En suivant une certaine logique de responsabilité individuelle on peut supposer que toutes les personnes ayant accès au numérique devraient se sentir en partie responsable même si au final tout le monde est conscient que le soucis du numérique est collectif : vous ne serez jamais seul sur internet cela va sans dire. Or le problème avec la responsabilité collective c’est que tout le monde est responsable, donc personne ne l’est réellement à titre individuel.

Avec toutes ces questions et préoccupations en tête, voyons maintenant comment en tant que futur designer UI/UX nous pouvons utiliser le numérique responsable pour rester fidèle à notre conscience écologique et éthique.

Écologie et numérique :

En effet l’écologie dans le numérique est de plus en plus importante. Il existe d’ailleurs plusieurs petits tips afin de réduire l’impact environnemental des sites web que l’on crée (comme par exemple, en optimisant les sites web, en limitant le poids des fichier, en compressant les images, le css et le JavaScript. ).

Une nouvelle vague de sites à d’ailleurs fait son apparition, les sites dit low-tech.

Le low-tech s’oppose explicitement au high-tech. Il se caractérise par la mise en œuvre de technologies simples, peu onéreuses, accessibles à tous et facilement réparables, faisant appel à des moyens courants et localement disponibles. (Définition du site https://youmatter.world/fr/definition/low-tech-definition-exemple-270059/)

Si vous voulez voir un exemple de site low-tech, le site Niji propose deux version de son site : une low-tech et une high-tech on peut choisir quelle version on souhaite voir.

En tant que designer pour être plus responsable, il est intéressant de privilégier l’utilisation des low-tech dans nos conceptions.

Bien sûr, il n’y a pas que les designers numériques qui peuvent contribuer à l’utilisation d’un numérique plus responsable. Chacun d’entre nous peut agir à son échelle, en ayant une conduite écologique sur Internet.

Actions possible :

L’article “Pourquoi et comment engager une démarche de sobriété numérique ?” de TeleCoop (https://www.cairn.info/revue-ecorev-2022-2-page-115.htm?contenu=article) explique quelles sont les petites actions du quotidien à faire pour être plus responsable.

  • Dans un premier temps, on peut limiter notre nombre d’objets connectés, on n’a pas forcément besoin d’une montre connectée par exemple. Il est aussi important de protéger son objet numérique (en mettant une coque, un verre de protection…). De plus dans 75 % des cas, les pannes liées à nos objets sont réparables et elles coûtent moins cher que d’acheter des produits neufs.
  • On peut ensuite faire son “bilan carbone”, plusieurs sites comme (https://www.websitecarbon.com/website/cairn-info-revue-ecorev-2022-2-page-115-htmcontenuarticle/), permettent de calculer les émissions de carbone des sites web. Ainsi, les chiffres indiqués permettent de sensibiliser et d’encourager l’adoption d’approches plus respectueuses de l’environnement dans l’ensemble de l’industrie de la conception Web.
  • Il faut surtout se renseigner soi-même sur les données liées à certaines pratiques. Par exemple, la consommation de données en 4G est jusqu’à 10 fois plus consommatrice en terme d’énergie que la consommation du même volume de données en Wifi. Il faut donc privilégier la Wifi à la 4G.

Bien que ces petits exemples soient importants à effectuer, ils sont quasiment inutiles si dans les pratiques collectives rien ne change.

Si ces petits exemples sont importants, ils sont loin d’être utiles s’ils ne s’insèrent pas dans une prise de conscience et de changements de pratiques collectives. Comme dit le diction “un pour tous et tous pour un” ! N’ayez pas peur de militer et de communiquer sur le sujet !

Quel avenir pour le numérique responsable ?

L’avenir du numérique responsable dépend de la capacité des différentes parties prenantes (utilisateurs, entreprises et gouvernements) à travailler ensemble pour garantir une utilisation éthique et responsable de la technologie. Néanmoins, le numérique responsable devra dans le futur garantir :

  1. La protection de la vie privée, car les utilisateurs sont de plus en plus conscients de la nécessité de protéger leurs données personnelles et exigent des sites une transparence et une responsabilité accrues en matière de protection des données.
  2. Il faut aussi que les technologies utilisées soient durables. En effet, les entreprises sont de plus en plus conscientes de leur impact environnemental et cherchent à développer des technologies telles que des technologies d’économie d’énergie ou des technologies respectueuses de la vie privée.
  3. Les gouvernements sont de plus en plus conscients de la nécessité de réglementer l’utilisation de la technologie pour protéger les droits des utilisateurs et garantir une utilisation responsable de la technologie. Dans le futur du numérique responsable, plusieurs réglementations devront être mises en place.

En somme, l’avenir du numérique responsable dépend de la capacité de toutes les parties prenantes à travailler ensemble pour garantir une utilisation responsable et éthique de la technologie. Encore une fois, c’est collectivement que cela pourra fonctionner.

Le numérique a profondément transformé notre vie et notre société, apportant de nombreux avantages, mais aussi des défis en matière de responsabilité et d’éthique. Les préoccupations quant à la protection de la vie privée, à l’utilisation responsable des données et à l’impact environnemental de la technologie sont de plus en plus présentes.

Conclusion

Reste à voir comment ça va se passer après, notre opinion à nous en tant que rédactrices est que même si la partie semble mal engagée, nous ne sommes en vérité encore qu’au début, tout reste à faire. Nous finirons sur cette citation métaphorique de Vincent Courboulay : “Aujourd’hui, nous sommes sur une jachère fleurie. Mais auparavant, il a fallu nettoyer le terrain et labourer pour poser les bases. Le travail le plus ingrat a été fait, maintenant les graines peuvent se déployer. Les jardiniers que sont potentiellement l’Etat et l’Union européenne prennent les choses en main et les initiatives se multiplient.” Nous le répétons, le travail ingrat à été fait (en grande parti) et c’est maintenant à nous de rendre honneur à cet héritage tout en respectant notre intégrité.

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