Awe?

Benoit Zante
TLDR by Benoit Zante
6 min readJun 10, 2022

J’ai récemment écrit un article pour Influencia à propos du cahier de tendances 2024 de l’institut WGSN… Spoiler : il est pas très réjouissant…

Il y est question de peur du futur, de “compression du temps”, de dissociation avec la réalité, d’anxiété, de comportements addictifs, de sur-sollicitation de nos cerveaux, etc. Le tout en conséquence du développement des technologies, de l’hyper-connectivité et du multi-tasking, notamment.

Mais il y a un autre passage du rapport qui a attiré mon attention… C’est celui dans lequel le concept de “awe” est détaillé et présenté comme une solution pour sortir de la dépression collective qui nous guette, en cette période de guerre en Europe et de crises climatique, sanitaire et démocratique…

Ce mélange d’émerveillement et de crainte est difficile à transcrire en Français, mais il pourrait être une clé pour mieux vivre les crises à venir, en nous reconnectant avec le présent, et les autres. “Vivre l’expérience du ‘awe’ permet aux gens de se concentrer sur le présent. Lorsque vous êtes plus conscient du moment présent, vous sentez que vos expériences sont plus complètes” explique par exemple Melanie Rudd, la co-autrice d’un article de recherche sur le sujet.

Mieux, “les scientifiques pensent que ce sentiment a pu aider nos ancêtres à survivre dans des environnements incertains qui exigeaient une coopération de groupe” explique WGSN.

Même si tout cela reste encore bien théorique, il me semble intéressant de vivre et reconnaitre ces moments d’émerveillement, aussi petits soient-ils.

Justement, je voulais cela faisait un moment que je voulais vous partager plusieurs “moments d’étonnements” qui me sont arrivés récemment…

Le premier d’entre eux a eu lieu lors de mon voyage en Inde, le mois dernier. 7 ans après mon voyage précédent, j’ai été frappé de voir la rapidité d’adoption de la monnaie digitale, à tous les niveaux de la société. Que ce soit dans la très technophile Bangalore ou à Pondicherry, le moindre marchand au bord de la route arborait un QR code pour un paiement sans contact, via Google Pay. De même pour les chauffeurs de rickshaws.

À tel point que la monnaie physique semble avoir disparu… outre le covid qui a accéléré le passage au paiement mobile, les Indiens ont en effet vécu douloureusement la brutale “démonétisation” de 2016 : du jour au lendemain, les billets de 500 et 1000 roupies ont perdu leur cours légal. L’objectif était de lutter contre l’économie informelle, mais la mesure a fait plus de dégâts qu’autre chose. Elle a véritablement traumatisé la population.

Comme en Chine, pour un étranger qui n’a pas accès au système bancaire local, la vie quotidienne peut s’avérer complexe… Et oui, l’application Google Pay a beau avoir le même nom, elle n’a pas du tout les mêmes fonctionnalités qu’en Europe !

Il faut donc s’arranger pour avoir un maximum de petites coupures — puisque plus personne n’a de quoi rendre la monnaie — ou prier pour que le commerçant accepte les cartes internationales — ce qui loin d’être le cas partout, même à Bangalore.

Second “awe moment” : de retour de SXSW, quand j’ai commencé à me pencher sur le sujet de la “fermentation de précision”, une méthode pour produire des protéines alimentaires de façon industrielle, sans animaux. J’ai écrit un article sur le sujet pour The Good, ici.

Beaucoup d’argent a été levé par des startups américaines qui veulent produire du lactose ou de la “viande” à partir de champignons, et donc sans animaux, sans terre à cultiver, sans engrais et avec peu d’eau. Et ce, toute l’année, au plus près des centres de consommation. Avantage par rapport à la viande de laboratoire ou “clean meat” est l’aspect un peu moins artificiel du procédé, puisque la fermentation est utilisée depuis toujours…

En France, la startup Bon Vivant s’est positionnée sur le créneau, et on trouvera peut-être très prochainement des crèmes glaces dont le lait n’a jamais vu le pis d’une vache. Il était d’ailleurs frappant de voir au salon Change Now de nombreuses “foodtech” déterminées à végétaliser nos assiettes (Onami Foods, Umiami, Happyvore,…) un mouvement qui était jusqu’ici plutôt anglo-saxon, tant notre rapport en France à l’alimentation est particulier.

Au-delà du bénéfice environnemental de ces nouveaux aliments, leur impact pourrait être immense, s’ils tiennent toutes leurs promesses : bouleversement des chaînes logistiques, réduction du transport lié à l’alimentation, remise en cause des modèles d’élevage intensif, moindre sollicitation des terres agricoles, etc.

Trop beau pour être vrai ? Peut-être… mais les premiers produits issus de la fermentation de précision sont déjà disponibles dans les rayons des supermarchés américains et leurs coûts de production devraient baisser avec le temps, les rendant plus abordables.

Enfin, troisième “awe” récent — pour prouver qu’il n’y a pas besoin d’aller au Texas ou en Inde pour être impressionné et cultiver son enthousiasme… Il y a aussi de très bons événements plus locaux, à ambition internationale — comme le Web2Day à Nantes où j’étais la semaine dernière, avec notamment une très bonne masterclass sur la stratégie du New York Times.

Autre exemple d’événement “au coin de la rue”, le festival “Chttiiing !” ou “journées nantaises de la créativité ”. C’était un jour (trop rare) où je m’étais réveillé avec un agenda vide pour la journée… c’est à dire sans visio ou article à rendre. En ouvrant Instagram (cette appli a quand même du bon), j’ai découvert l’existence de cette conférence à quelques rues de chez moi… et le programme était plutôt alléchant !

C’est comme ça que je le suis retrouvé quelques heures plus tard à écouter le designer à l’origine du générique de Star Wars (entre autres), Dan Perri, raconter son travail (un aperçu du personnage ici).

Plus intéressant encore, avant lui, intervenaient des “victimes” du syndrome de l’imposteur créatif. Tom Koko Bikusa, réalisateur de courts-métrages, a par exemple été « lauréat-moteur-jeunesse », au Festival de Cannes en 2018, alors qu’il n’était encore qu’en Terminale et découvrait la caméra. Problème : “les gens s’attendent à ce que tu fasses encore mieux après, ça place la barre encore plus haut.” Mais cela ne l’a pas empêché de persévérer dans cette voie, tout en s’impliquant particulièrement dans le milieu associatif.

Avec lui, un second “imposteur” : Patrick Le Callet, chercheur, professeur à Polytech Nantes… et détenteur d’un Emmie Award pour son travail sur les algorithmes de traitement de l’image, utilisés notamment par Netflix… “Je suis enseignant-chercheur, mais pas du tout sur les disciplines créatives. L’informatique, le traitement du signal, c’est pas très sexy au quotidien ! J’ai cru à une blague au départ,” expliquait-il, tout en ajoutant que la Recherche impliquait tout de même une bonne dose de créativité, pour composer avec les moyens limités de l’Université. Même si aujourd’hui, Google et Netflix financent ses travaux, en lui donnant carte blanche.

Un regret : je n’ai pas eu le temps de participer aux workshops de l’après-midi… en 4h, il s’agissait de travailler sur l’un des 5 sens et le biscuit nantais (si, si), avec des spécialistes du parfum, un joaillier, un chef étoilé ou des musiciens. A l’heure où Netflix, YouTube ou TikTok nous abreuvent de contenus en ligne, il est bon de voir le retour à des formats “live” particulièrement innovants !

Benoit Zante

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