Cheval de Troie

Benoit Zante
TLDR by Benoit Zante
6 min readJan 29, 2019

Il faut toujours quelques semaines pour “digérer” un événement comme le CES…

… en reprenant mes notes et le millier de photos prises sur place, il me semble que le point le plus important à retenir de cette édition — en plus du boom de la reconnaissance faciale et de la biométrie que j’évoquais précédemment — est l’erreur d’appréciation faite par beaucoup autour d’Amazon Alexa et des enceintes connectées en général.

Parce que c’est un e-commerçant comme Amazon qui s’est lancé en premier dans la bataille des assistants vocaux, en 2014 (je mets de côté le coup d’épée dans l’eau qu’a représenté Siri d’Apple, en 2011), beaucoup ont cru que l’intérêt principal des enceintes comme Alexa était d’en faire un nouveau canal de vente… D’où les développements de “skills” par les distributeurs (Monoprix, en particulier en France) et des craintes (légitimes) autour du référencement des marques sur ces plateformes…

Pourtant, le véritable intérêt de ces terminaux pour Amazon et Google, mais aussi Alibaba, Line ou Xiaomi en Asie, est encore plus stratégique. Il s’agit pour ces acteurs déjà très puissants de se positionner au coeur de la maison connectée (et dans une moindre mesure, de la voiture), en tant qu’agrégateurs. Pour l’utilisateur, la voix permet de commander sa maison à distance, alors qu’en coulisse, il s’agit avant tout d’une plateforme d’interconnexion entre les différents objets (lumières, stores, chauffage aujourd’hui, et demain four, lave-linge et grille-pain).

Au CES 2019, ce mouvement était particulièrement clair : les opérateurs du “smart home” mettaient tous en avant leur interopérabilité avec les standards Google Home, Amazon Alexa et, dans une moindre mesure, Apple Homekit. Jusqu’à Legrand, qui propose désormais des interrupteurs intégrant nativement la technologie d’Amazon Alexa.

Bref, la voix est un cheval de Troie, un moyen d’être encore plus présent dans la vie quotidienne des consommateurs, et donc de collecter encore plus de données, qui serviront notamment à affiner les modèles de recommandation ou les algorithmes publicitaires.

C’est un coup de maître pour Amazon : après ses échecs dans les terminaux (Kindle Fire, Fire Phone, etc.), le géant du e-commerce a réussi à sauter une étape en passant directement à l’ère post-écran, avec la voix. Ce faisant, il acquiert une place de choix dans les salons et les voitures de ses clients, captant au passage de nouveaux types de données qui lui permettront de raffiner au fil du temps sa connaissance client.

Certes, pour l’instant, ces données sont moins riches que celles que peuvent capter Facebook ou Google avec leurs applications, mais à mesure que l’internet des objets et le “smart home” se démocratiseront, elles pourraient faire la différence.

PS. Je serai ce jeudi à la MaddyKeynote dont le thème est cette année “une journée en 2084” : si vous y êtes aussi, n’hésitez pas à me faire signe !

// En bonus //

1️⃣ Le RPA (Robotic Process Automation), un sujet de société

[TL;DR] A Davos, l’un des (très nombreux) sujets sur la table était celui de l’automatisation, et notamment du RPA — un nouveau sigle promis à un bel avenir, pour “Robotic Process Automation”. Pour les entreprises, qu’elles opèrent dans les services comme dans l’industrie, automatiser leurs activités grâce à l’intelligence artificielle et la robotique serait une question de survie : si elles ne le font pas, les concurrents le feront à leur place… Mais ces mêmes entreprises doivent aussi se poser la question de l’impact social de l’automatisation et des licenciements inévitables qu’elle suppose. Les gains permis par l’automatisation peuvent profiter à tous ou seulement à quelques-uns : c’est un choix de société.

La punchline : “La question n’est pas de choisir entre automatisation et non-automatisation. C’est plutôt de savoir si vous souhaitez utiliser la technologie pour permettre une prospérité partagée, ou au contraire pour générer une plus grande concentration des richesses” explique Erik Brynjolfsson, directeur de l’Initiative du MIT sur l’économie numérique.

Lire l’article du New York Times

2️⃣ Tout ce que vous devez savoir sur le système de notation sociale en Chine

[TL;DR] Beaucoup de fantasmes entourent le système de notation mis en place en Chine. Wired en détaille précisément les contours, en expliquant que deux types de dispositifs coexistent à l’heure actuelle : ceux mis en place par les entreprises, en particulier pour établir des scores de solvabilité, et ceux établis par différents gouvernements locaux. Pour l’instant, ces derniers restent au stade de pilotes, certains étant plus complexes que d’autres et pouvant aboutir au croisement de données d’entreprises privées avec des données de l’Etat. Même si on en est encore loin, l’ambition ultime du gouvernement central est bien d’arriver à un système unique, à l’échelle de tout le pays.

La punchline : “L’Occident ne doit copier en aucune manière ce système. Souvent, des comparaisons sont faites avec des applications comme Uber et leurs notations. Mais même si ces dispositifs posent question, ils sont fondamentalement différents. La Chine est un pays autoritaire et le Parti Communiste bafoue les droits de l’Homme depuis des décennies” estime la chercheuse australienne Samantha Hoffman.

Lire l’article de Wired

3️⃣ “Ce qu’un petit journal agricole m’a appris de l’avenir des médias”

[TL;DR] Jean Abbiateci, rédacteur en chef adjoint de Heidi.news, un média suisse en cours de création, revient dans un post Medium sur sa première expérience de journaliste, dans un hebdomadaire agricole français du Massif Central. Parcourant la région à bord de sa camionnette siglé du nom du titre, le jeune journaliste a eu la chance de rencontrer pas loin de 10% de ses abonnés pendant ses deux années d’exercice. Avant Facebook, avant Twitter, ce média local avait réussi à créer un lien fort et direct avec ses lecteurs. Quinze ans plus tard, alors que les réseaux sociaux auraient dû renforcer ces liens, ils les ont au contraire distendus, créant un fossé entre les journalistes et le reste de la population… A qui la faute ? “l’utilisation que beaucoup de médias en ont fait a surtout participé à distendre le lien. Les statistiques d’audience sont devenues le bûcher des vanités, alimentées par des titres racoleurs” constate le journaliste.

La punchline : “Je suis persuadé qu’il faut revenir une promesse simple: pour mériter que des lecteurs paient un abonnement, un média doit être utile.”

Lire le post sur Medium

// Avant de nous séparer //

J’en profite pour vous souhaiter à tous une bonne année 2019… en espérant avoir l’occasion de vous croiser “en vrai”, à Paris, Austin, Amsterdam ou ailleurs ! N’hésitez pas à me faire signe.

En attendant, n’hésitez surtout pas à partager cet article :)

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Benoit Zante
@bzante

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