GAFA & Flocon

Benoit Zante
TLDR by Benoit Zante
5 min readSep 20, 2020

C’est une évidence, les GAFA sont les grands gagnants de la crise actuelle. Y compris ceux qui dépendent majoritairement de la publicité, comme Google et Facebook. En bourse, la valeur cumulée de Google, Apple, Facebook et Amazon est désormais équivalente à trois fois celle du CAC40, rappelle ainsi Fabernovel dans la dernière édition de son étude “Gafanomics”.

A la forte croissance des GAFA en bourse pendant le second trimestre de l’année, s’ajoutent les performances toutes aussi — voire plus — impressionnantes de Tesla, Netflix, Salesforce, Square ou bien évidemment Zoom, sans oublier le “dinosaure” Microsoft :

Il y a des raisons “mécaniques” et pas très rationnelles à ces bonds de valorisation — le volume inédit de l’épargne disponible chez les ménages, la spéculation entretenue par Softbank ou encore le succès des plateformes de trading comme Robinhood, qui ont attiré vers la bourse un nombre record de particuliers désœuvrés et de parieurs privés de compétitions sportives.

Mais il y a aussi des raisons structurelles : plus que les autres entreprises, les GAFA et assimilés ont construit des modèles par nature résilients (Fabernovel parle de modèles “Anti-fragiles”), avec une série de super-pouvoirs. (On aurait aussi pu parler de “modèles vertueux”, mais ces modèles ne sont finalement vertueux que pour les actionnaires…). Les 20 entreprises de liste “GAFAnomics” ont ainsi enregistré en moyenne une croissance de 12% de leurs ventes sur le dernier trimestre par rapport au même trimestre de l’année précédente, alors que pour l’ensemble des entreprises de l’indice S&P 500, la chute est de -6%.

Les “super-pouvoirs” des GAFA sont détaillés dans un livre publié récemment par l’agence, en voici quelques-uns, aux noms plus ou moins ésotériques :
- “le client gratuit” : tout le monde est client, même ceux qui ne payent pas — le but est de se rendre indispensable au plus grand nombre.
- “le management pirate” : leur mode de gestion des talents permet d’établir un environnement propice à l’innovation à la disruption.
- “l’entreprise temps-réel : la collecte de données en temps réel leur permet une adaptation instantanée, pour répondre aux évolutions du marché et optimiser les produits.
- “l’entreprise infinie : leur croissance se fait à coûts nuls, une fois atteint une masse critique d’utilisateurs, grâce à des services et infrastructures hautement “scallables”

Si on devait résumer, effet réseau, culture de la data et du temps réel, investissements massifs en R&D, appui sur un écosystème solide et captation des talents leur permet de constituer autant de barrières à l’entrée, que seuls des géants chinois très biens financés comme Bytedance, Tencent ou Huawei semblent aujourd’hui en mesure de challenger.

La France (et l’Europe, même) n’a pas encore d’entreprises qui soient parvenues à construire sur ces modèles, à l’exception peut-être de Spotify. L’aura des startups qui étaient présentées hier comme des futurs leaders mondiaux (BlaBlaCar, Criteo, Sigfox ou encore Deezer) a malheureusement bien pâli : celles-ci ne sont pas parvenues à entrer dans ces nouveaux modèles de croissance.

Il y a tout de même des noms prometteurs dans le paysage de la French Tech : Alan, Voodoo (valorisée 1,2 milliard d’euros depuis cet été) ou Believe Digital, mais ils restent encore peu médiatisés. Est-ce parce qu’ils ont fait leurs l’adage “Vivons heureux vivons cachés”, afin d’échapper à la malédiction des startups érigées en champions nationaux ?

On peut aussi se consoler en regardant du côté des entreprises américaines créées par des Français installés aux Etats-Unis ou qui ont été initialement lancées en France. C’est le cas de la licorne Dataiku, des potentielles futures licornes Dashlane et Algolia, ou encore de Talend, qui est coté au Nasdaq. Et évidemment, de Snowflake, cette entreprise méconnue, fondée par des Français dans la Silicon Valley, qui vient de vivre une introduction en bourse record.

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La question des GAFA et de leurs modèles économiques n’est pas seulement un enjeu en termes de fierté nationale et de “souveraineté” — le mot à la mode, sans qu’on sache trop ce qu’il recouvre réellement. C’est aussi un enjeu démocratique et éthique. A ce titre, l’intervention du lanceur d’alerte de l’affaire Cambridge Analytica, Christopher Wylie, lors de la conférence Big Data & AI Paris est éloquente…

“Google et Facebook ont atteint une telle échelle et sont devenus parties intégrantes de la société, de nos entreprises ou d’internet qu’ils sont aujourd’hui comme l’électricité ou l’eau courante.”

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Si vous vous intéressez au sujet de l’intelligence artificielle, j’ai publié récemment un article chez Influencia sur un aspect méconnu de ce secteur : l’”économie des petites mains”, qui trient, nettoient et enrichissent les données… “Heureusement” (?) des startups comme Snorkel.ai, Labelbox ou Scale AI sont sur les rangs pour automatiser aussi cet aspect de l’IA.

Dans un autre genre, j’ai aussi publié cet article dans la newsletter The Good, à propos du marché croissant des protéines dites “alternatives”, un marché qui intéresse aussi bien Blackstone que Jay-Z…

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Benoit Zante

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