La décroissance à grande échelle ?

Benoit Zante
TLDR by Benoit Zante
3 min readJan 27, 2023

Parmi les intervenants les plus marquants des Napoleons à Val d’Isère (lire aussi ma précédente newsletter), il y avait une personnalité qu’on n’attendait pas forcément : Christopher Guérin. Celui-ci est le Directeur Général de Nexans, spécialiste des câbles pour la transmission de données et d’électricité.

Mal en point à son arrivée en 2018, l’entreprise s’est depuis redressée, grâce à un virage stratégique radical, basé sur la notion de décroissance. Un mot pourtant tabou pour une société cotée en Bourse. 40% des produits du catalogue de Nexans ont été abandonnés et 13 000 clients sur 17 000 ont été priés d’aller se fournir ailleurs !

Pourtant, quatre ans après, le chiffre d’affaires de l’entreprise est revenu au niveau de 2018, mais avec seulement 4 000 clients. Derrière la “décroissance”, c’est surtout une quête de la valeur et de la profitabilité qui a été adoptée — au détriment de la course aux volumes qui prévalait jusqu’alors — sur un marché qui va de toute façon être confronté à une forte pénurie de matières premières dans la décennie à venir.

“On sait qu’en 2024, il y aura une crise mondiale du cuivre : nous allons avoir besoin de 15 millions de tonnes de cuivre supplémentaires par an pour tenir les objectifs de décarbonation” explique Christopher Guérin. C’est pour cela notamment que, dans le choix des clients à conserver, leur capacité à fournir des matières premières à recycler en échange de nouveaux matériels a joué. C’est une logique circulaire qui veut que “les déchets d’aujourd’hui sont les produits de demain”.

Mais là où le cas Nexans est intéressant, c’est que le choix des clients et des produits à conserver n’a pas été uniquement réalisé selon des critères économiques de profitabilité ou même de circularité. La dimension sociale et environnementale a aussi été prise en compte, autour d’un cadre baptisé E3 (pour “économie, environnement et engagement”).

En interne, une taxe carbone a été créée, ainsi qu’une méthode de calcul d’un “retour sur carbone employé” pour chaque client. Les logiques de circuit court et de sobriété sont désormais privilégiées, tandis que les managers ne sont plus intéressés à la hausse des volumes, mais ont à la place des objectifs de croissance en valeur, qui prend en compte des contraintes carbones. Bref, “ça nous oblige à travailler différemment” explique le DG, qui glisse au passage qu’il effectue des retraites avec Pierre Rabhi, Matthieu Ricard ou Cyril Dion.

Celui-ci est convaincu que ses principes sont duplicables facilement dans d’autres entreprises — il travaille d’ailleurs avec HEC pour “proliférer” la méthode et s’apprête à publier un livre sur le sujet au printemps. “Ça marche partout : toutes les entreprises ont des clients, des produits, des services et des contraintes”, martèle-t-il, entre deux punchlines (“l’impossible est temporaire si nous réglons les problèmes maintenant” ou “dans une avalanche, aucun flocon ne se sent responsable”, entre autres).

Mais combien de dirigeants sont-ils prêts à faire des choix aussi drastiques et contre-intuitifs ?

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Benoit Zante

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