Le “metaverse”, on en a pour 20 ans…

Benoit Zante
TLDR by Benoit Zante
5 min readJan 13, 2022

L’an dernier, je qualifiais le “metavers” de “mot du moment”… ce sera a priori encore et toujours le mot de l’année 2022, à en juger par l’engouement que le concept a suscité dans les allées du CES de Las Vegas. Ce “thread” Twitter d’un visiteur est assez révélateur : le terme est désormais utilisé à toutes les sauces, le plus souvent pour renommer ce qui hier était un “monde virtuel”, une “maquette 3D”, un “double numérique” ou une simple expérience en réalité augmentée.

Du côté des marques, le métavers est naturellement devenu un enjeu de communication de plus. En effet, depuis plusieurs années, le CES n’est pas seulement devenu le rendez-vous de la French Tech, il s’est aussi transformé en lieu incontournable pour le ‘tech-washing” des marques traditionnelles.

Y être, c’est montrer que son entreprise a pris le virage du numérique, de la data et de l’IA. Y gagner un prix, c’est prouver qu’on est capable de rivaliser avec les startups, ou mieux, avec les géants de la tech (joke). Y annoncer un partenariat avec un GAFA (comme Stellantis avec Amazon cette année), c’est se convaincre qu’on est encore dans le coup…

Par exemple, L’Oréal présentait cette année à Las Vegas rien de moins qu’“un système de coloration connecté à l’intelligence artificielle qui s’appuie sur l’essayage virtuel pour projeter les nuances souhaitées et un algorithme permettant d’obtenir une couleur de cheveux personnalisée à la demande”. Le tout, permis grâce à la mobilisation des “chercheurs, data scientists et ingénieurs Tech” de l’entreprise, selon les mots du communiqué de presse.

Algorithmes, intelligence artificielle, essayage virtuel… tous les buzzwords du moment sont là. Sauf un : L’Oréal n’a pas (encore) pris le virage du métavers !

Ce n’était pas le cas d’autres marques, qui elles, ont sauté à pieds joints dans le buzz lié au métavers. Certaines s’y sont même retrouvées associées malgré elles, comme Walmart, qui, à l’occasion du CES, a vu ressurgir une vidéo datant de 2017

Parmi les marques qui ont fait des annonces liées au métavers, j’ai relevé :

  • P&G avec sa “BeautySphere”, “un parcours immersif et expérientiel à la découverte de la beauté responsable”. Bref, un site interactif en 3D. A noter que le groupe proposait aussi de visiter son “Lifelab”, un autre environnement 3D où les participants étaient représentés par des avatars.
  • L’agence Wunderman Thompson proposait une expérience assez proche de celle de P&G, en voulant démontrer sa capacité à créer des “métavers” à la demande pour ses clients. Les métavers seront-ils les nouveaux .com des années 2000 ?
  • LG, avec un concept qu’on pourrait qualifier de caravane modulable, le LG Vision Omnipod, dans lequel on peut consulter du “Contenu de type Metaverse Expérience et UX” (si vous avez compris ce que, c’est faites-moi signe). J’imagine qu’il fallait trouver un endroit où mettre le mot-clé, et que c’est tombé sur ce produit.
  • Samsung, avec le lancement d’un espace (“My House”) sur la plateforme Zepeto de Naver, le monde virtuel/metavers le plus populaire en Asie (250 millions d’utilisateurs). Dedans, les visiteurs peuvent visualiser et découvrir les innovations de la marque.

Aussi, Hyundai, proposait une “Metaverse Mobility Experience” et communiquait sur sa vision de la “metamobilité”. En fait, il s’agissait surtout d’un showroom virtuel pour présenter ses véhicules.

Mais le groupe automobile coréen ne s’est pas arrêté là, loin de là : à l’occasion du CES, un partenariat stratégique avec le moteur de jeu Unity a été annoncé, pour explorer ensemble les possibilités du métavers et le président de Hyundai a annoncé sa volonté de “connecter les robots au metavers”, alors qu’il s’est offert récemment l’entreprise Boston Dynamics, connue pour ses robots-chiens très avancés.

Ce point me semble particulièrement intéressant, même si un des usages envisagés dans le communiqué de presse est assez futile : “un utilisateur pourra accéder à un jumeau numérique de sa maison dans le métavers : lorsqu’il sera loin de chez lui, il pourra nourrir et câliner son animal domestique resté sur place grâce à un robot avatar.”

Si les annonces du groupe Hyundai peuvent prêter à sourire, elles illustrent tout de même un virage stratégique pour l’industriel, qui envisage une interconnexion de plus en plus forte entre monde réel et monde virtuel — sous la forme de doubles numériques (les fameux “digital twins” en anglais).

Dans cette vision, bien éloignée de celle de Facebook/Meta, ce qui se passe en ligne (= dans le métavers) a un impact sur le monde physique, et inversement.

Avec Unity, il est par exemple question pour Hyundai de proposer des tests virtuels avant l’achat des véhicules, mais aussi et surtout d’optimiser la fabrication dans les usines du groupe, grâce à un double numérique des lignes de production (une “meta-factory”).

C’est aussi cela ce que signifie “connecter les robots au métavers” : ce fameux “métavers” est également un enjeu industriel.

Enfin, si pour le grand public, on est encore très très loin de la vision du metavers porté par la science-fiction, plusieurs innovations “hardware” présentées au CES vont quand même dans ce sens :

  • Skinetic, la veste haptique de la startup française Actronika, qui sera bientôt lancée sur Kickstarter.
  • Elle sera en concurrence avec la combinaison des espagnols d’OWO, en pré-commande à 575$ : grâce à ses capteurs, celle-ci permet de nombreuses sensations, dont les piqûres d’insectes et le sang qui coule après une blessure…
  • Les capteurs de mouvements de Shiftall (filiale de Panasonic) vendus 270$.
  • Pebble Feel, une sorte de radiateur/climatiseur, qui permet de ressentir les changements de températures dans le métavers.
  • Mudra Band, un bracelet pour l’Apple Watch, qui permet de contrôler sa montre par les gestes, sans toucher l’écran. On peut facilement imaginer d’autres applications, pour contrôler des actions dans le métavers.

On le voit, ce concept de métavers n’a pas fini de faire parler de lui ! En conférence de presse, Steve Koenig, le Vice-Président for Research de la CTA, organisateur du CES, prédisait qu’on en avait encore pour 20 ans…

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