Money, Money, Money

Benoit Zante
TLDR by Benoit Zante
4 min readJun 17, 2019

Le projet de Facebook de battre sa propre monnaie a fait couler beaucoup d’encre déjà…

… mais le réseau social de Zuck est loin d’être le premier à chercher à se positionner dans le domaine bancaire. Du côté des GAFA, Apple a récemment annoncé son projet de carte bancaire Apple Card, en partenariat avec Goldman Sachs (qui s’attaque depuis peu au marché des particuliers).

Sur ce sujet, la Silicon Valley est plutôt en retard : tout le monde a entendu parler de la puissance de WeChat dans le paiement en Chine, à tel point qu’il y est désormais difficile de faire des transactions du quotidien sans avoir un compte sur l’application. À travers l’Asie, d’autres acteurs de l’univers mobile comme Grab, Line ou Kakaotalk suivent le même mouvement, prenant des positions fortes dans le domaine des paiements et des services financiers.

La conférence Money20/20 Europe, à Amsterdam, était justement l’occasion d’écouter certains d’entre eux, et, surtout, de voir à quel rythme ils développent leurs activités bancaires, en s’appuyant sur leurs avantages concurrentiels : une marque forte, déjà ancrée dans le quotidien d’une grande partie de la population, des masses de données et d’informations sur les utilisateurs, des coûts d’acquisition réduits

Kakaotalk, par exemple, demeure leader de la messagerie en Corée du Sud, malgré la puissance de Whatsapp et Messenger. Avec l’équivalent de 86% de la population du pays qui l’utilise chaque mois, le service est hégémonique dans toutes les couches sociales, toutes les tranches d’âges et sur tout le territoire. Cette omniprésence a permis à Kakaobank de rencontrer un succès très rapide, avec 9,3 millions de clients en moins de deux ans.

Les liens avec son application-mère ont permis à cette banque mobile de faciliter grandement le processus d’inscription, de s’appuyer sur une expérience utilisateur simple et familière, ou d’accélérer l’envoi d’argent entre amis. L’analyse des données des utilisateurs lui permet aussi de proposer des crédits à la consommation en quelques minutes. Je détaille d’ailleurs tout celadans un article pour Mind Fintech, qui sera bientôt publié.

Autre cas intéressant, celui de Ovo en Indonésie, dans lequel a investi Grab, le Uber local. 18 mois après son lancement, ce “wallet” est déjà installé sur 115 millions de smartphones dans le pays et accepté comme moyen de paiement dans 500 000 points de vente du pays… il est même plus populaire que les cartes de crédit, dans ce marché où une large partie de la population n’est pas encore bancarisée.

Progressivement, Ovo, tout comme Kakaobank en Corée du Sud, ajoute des fonctionnalités : assurances, micro-crédits (validés en 14 secondes), comptes d’épargne, programme de fidélité, etc. C’est un premier point d’entrée pour beaucoup d’Indonésiens sur le marché bancaire. Son succès se nourrit et alimente en même temps la croissance des plateformes digitales sur lesquelles il s’appuie : Grab (VTC et livraison de repas) et Takopedia (un e-commerçant local, dont 50% des paiements sont maintenant réalisés via Ovo).

Ces chiffres impressionnants donnent un aperçu de ce que pourrait donner une incursion de Facebook dans les services financiers, d’autant plus s’il le fait en partenariat avec d’autres acteurs clés de l’écosystème tech (Uber, Booking, Spotify…) comme évoqué récemment dans la presse.

Pour autant, une marque établie et une base d’utilisateurs déjà conséquente ne sont pas non plus des garanties de succès pour les nouveaux entrants de la banque : Orange Bank, en France, en est un exemple (malheureux). C’est aussi le cas en Corée du Sud : l’un des concurrents de Kakaobank est K Bank, lancé au même moment par l’un des principaux opérateurs télécoms du pays. Celui-ci peine à dépasser le million de comptes ouverts.

Le projet de Facebook, tel qu’il est présenté dans les fuites de la presse, semble encore plus ambitieux : plutôt que de s’intégrer dans un écosystème bancaire local, en composant avec sa régulation, il se positionne au-dessus, avec sa propre monnaie… de quoi s’attirer les foudres des Etats, dont c’est l’une des prérogatives historiques.

// EN BONUS //

A Amsterdam, Mastercard déployait son concept de “Sonic Branding” sur son stand, en diffusant sa petite mélodie en boucle sur son stand. Son logo, épuré à l’extrême, en devient presque subliminal.

Fun Fact : cette semaine, à Cannes, pour le festival de la créativité (les Cannes Lions), Mastercard s’est fait griller la politesse sur ce sujet par son concurrent Visa, avec l’intervention de sa CMO intitulée “The Next Frontier of Sound and Sense Branding” organisée la veille de celle intitulée “Multisensory Brand Experience” par Raja Rajamannar (déjà vu à SXSW). Et comme si ça ne suffisait pas, HSBC prend aussi la parole sur ce même thème, avec “A Journey Into Sound” et Jean-Michel Jarre… La guerre pour nos oreilles est déclarée.

// Avant de nous séparer //

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Benoit Zante
@bzante

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