Sécurité, ou liberté ?

Benoit Zante
TLDR by Benoit Zante
5 min readJan 17, 2019

… de retour du CES 2019, où j’étais avec les équipes du HUB Institute : pendant une semaine, nous avons enchainé à un rythme d’enfer les visites, les présentations et les articles (sur le commerce et l’industrie, notamment). En attendant la sortie (imminente) du HUBREPORT “Best of CES” : plus de 300 slides sur les tendances, les startups, les annonces…

Pour moi, le plus étonnant aura été ces dizaines stands de serrures connectées, de caméras de surveillance à reconnaissance faciale et de dispositifs de sécurité… Ce CES 2019 était indéniablement placé sous le signe de la sécurité !

L’essor du “smart home”, qui va bien au-delà des serrures intelligentes, pour s’appliquer à la salle de bain, la cuisine ou le salon est d’ailleurs assez révélateur de l’état d’esprit général : dans cette période d’incertitudes et de bouleversements, chacun a tendance à se replier sur soi et son petit cercle, ce qui passe notamment par la constitution d’un cocon confortable à domicile…

Dans le même ordre d’idée, le thème de la “résilience”, mis en exergue par les organisateurs cette année, est à des années-lumière de l’optimisme habituel du monde de la tech et du web… Où est donc passée l’idée de progrès ?

Les organisateurs du CES sont pragmatiques : tant qu’il y a un marché…

Cette année, les solutions pour lutter contre le terrorisme, les catastrophes climatiques ou la cyber-criminalité faisaient donc (modestement) leur entrée dans les halls du CES, sous des formes aussi diverses que des concept-cars futuristes de véhicules de secours, des dépollueurs d’eau à énergie solaire ou des drones de sécurité… sans oublier la reconnaissance faciale et la biométrie.

Ce thème de la résilience s’inscrit résolument dans une approche défensive : face à des événements sur lesquels l’homme n’a plus la main (changement climatique, terrorisme…), comment la technologie peut-elle intervenir pour en limiter l’impact ou en corriger les effets ? Il ne s’agit plus de rendre le monde meilleur grâce à la technologie, mais d’éviter le pire…

Et j’ajouterai: “Et ce, alors même que cette technologie est souvent l’amplificateur, voire la source, de ces phénomènes.” Tout un paradoxe…

Est-ce à dire que le monde de la technologie a gagné en maturité ? Non, rassurez-vous, le salon charrie toujours son lot de gadgets et d”’innovations” aussi indispensables que des écrans flexibles, des baignoires qui parlent ou les robots qui claquent des mains… La presse n’a d’ailleurs pas manqué de se faire l’écho de tout cela.

L’idéalisme technologique se retrouve aussi dans le boom de la reconnaissance faciale, utilisée notamment dans la domotique ou à des fins marketing. Chez Procter & Gamble, la marque asiatique premium SK-II faisait tester son Future X Smart Store… Une fois enregistré par un scan de son visage, le client est reconnu partout dans le magasin, où les différents écrans peuvent lui proposer des produits et des recommandations adaptées à son profil… jamais Minority Report n’a été aussi proche de nous !

L’équipementier français Faurecia, pour sa part, présentait un concept d’habitacle équipé de caméras, destinées à reconnaître les passagers, afin de leur proposer des expériences personnalisées (message d’accueil, musique, configuration du siège…). Pourquoi n’y avait-on pas pensé avant ?

Un autre Français, Legrand, récent acquéreur de la startup Netatmo, annonçait son interphone connecté, à reconnaissance faciale, pour se passer de clef et de badge… Il est destiné au marché chinois exclusivement, pour l’instant. D’après une des études de l’entreprise, les Chinois plébiscitent en effet la reconnaissance faciale à 92% (contre 65% pour les Français)…

Les promesses de la reconnaissance faciale sont grandes, mais les risques le sont tout autant… il est facile d’imaginer tous les dangers de cette technologie, couplée à l’intelligence artificielle, si elle est mise entre de mauvaises mains…

Mais en échange de quoi sommes-nous prêts à prendre le risque de la biométrie généralisée ? Peut-être pas pour des fauteuils intelligents, mais sous couvert de lutte contre le terrorisme ou, plus simplement, pour faciliter l’embarquement à l’aéroport ? C’est tout l’arbitrage entre la sécurité et la liberté qui est en jeu, et certains ont déjà fait leur choix. Pour des Chinois habitués à être suivis, tracés, fichés, autant que ces technologies leur simplifie aussi la vie…

Malheureusement, les sujets de l’éthique, de responsabilité ou de démocratie sont absents de cet événement, avant tout commercial… et ça manque ! Même si les enjeux environnementaux commencent à émerger, avec une “green tech” balbutiante, la foule de Vegas semble bien loin de toutes ces questions…

Certes, la 5G et l’edge computing (autres buzzwords du salon cette année) arrivent avec, entre autres, la promesse d’un moindre impact environnemental et d’une meilleure efficacité énergétique, mais les usages qu’ils vont permettre n’ont rien de sobre, au contraire !

Au CES, c’est encore et toujours la logique du “toujours plus” qui prime : plus de puissance, plus de connexions, plus de pixels (hello 8K)…

Et le sens alors ?

Pour la prise de recul, il faudra encore attendre SXSW, à Austin en mars prochain (un rendez-vous que je ne manquerai pour rien au monde), ou, plus proche de nous, la MaddyKeynote, à la fin du mois, à Paris (j’y serai aussi !).

// Avant de nous séparer //

J’en profite pour vous souhaiter à tous une bonne année 2019… en espérant avoir l’occasion de vous croiser “en vrai”, à Paris, Austin, Amsterdam ou ailleurs ! N’hésitez pas à me faire signe.

En attendant, n’hésitez surtout pas à partager cet article :)

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Benoit Zante
@bzante

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