Agilité extrémiste : est-ce raisonnable ?

Alexandre Ribeiro
BeTomorrow

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Une idée souvent entendue, qui vous rappelle peut-être vos propres mots : L’agilité, le Scrum et tout ça, c’est bien, mais pas à l’extrême. C’est comme tout, il y a du bon et du mauvais. Il vaut mieux appliquer seulement la partie qui vous convient.

A priori, c’est du bon sens : l’extrémisme, c’est rarement bien. Et le compromis, l’adaptation, c’est même très agile non ? Bien sûr. Le problème, c’est ce qu’on met derrière les compromis en question, ces compromis que les fanatiques refusent !

Testez-vous, que pensez-vous de ces décisions ?

  • La plateforme serveur est devenue complexe et longue à déployer, donc l’application n’est plus mise en production à chaque démonstration.
  • Les équipes sont éloignées et aux rythmes différents, donc les étapes de design et spécifications sont figées avant le développement.
  • Beaucoup d‘échanges compliqués donc le daily dure 20 minutes ce matin.
  • On ajoute une story au milieu du sprint en découvrant au dernier moment qu’elle est nécessaire ! L’équipe pense que ça passera.
  • L’inverse : pour arrêter les changements à répétition, on reporte toutes les demandes du Product Owner, mêmes les petites, pour le sprint suivant.

Si pour vous aucun n’est acceptable, vous êtes sûrement considéré comme un extrémiste par certains, très attaché aux règles d’une méthode comme le Scrum, officielles ou non. Prendre du recul face aux valeurs et aux intérêts de l’agilité pourrait vous aider.

S’ils vous paraissent tous acceptables, même sous conditions, vous pensez sûrement que “dans la vraie vie” et avec votre contexte professionnel particulier, il faut s’adapter. Je comprends ça, mais là, il faut qu’on parle.

Le principal problème ?

Les méthodes proposées comme le Scrum, parmi d’autres, vous incitent à prendre de bonnes habitudes, et éviter les mauvaises. Si vous choisissez une approche pour l’appliquer, a priori vous appréciez ses valeurs, les bénéfices qu’elle propose, et vous aimeriez évoluer dans ce sens.

Le piège ? Vous allez souvent accepter 80% des règles proposées. C’est déjà bien, non ? Oui, exiger 100% serait… extrême ? Peut-être, sauf que vous n’avez pas choisi ces 80–20 par hasard, vous avez choisi les 80% que vous comprenez le mieux, les plus acceptables dans votre organisation, les plus simples à appliquer.

Et les autres 20% ? Sont-elles si cruciales ? Et bien si vous les avez refusées, désolé, mais ce sont sûrement les plus importantes pour vous : celles qui amèneront le changement le plus profond, celui dont vous avez besoin pour avoir cet ensemble cohérent, cette organisation harmonieuse qui amène des valeurs, et produit des résultats, comme l’agilité.

Avec recul et expérience, bien sûr on peut choisir des compromis intelligents. Ils sont généralement ponctuels et limités, rendus acceptables par un fonctionnement stable avec d’excellents résultats, et compensés par d’autres pratiques bien choisies.

Concrètement, dans quel cas êtes-vous ?

Par exemple si vous ne faites pas du tout les rétrospectives, ou pas à chaque fois, pas avec tout le monde. Il serait bon de s’interroger : est-ce difficile de parler des problèmes chez vous ? Est-ce que cela entraîne trop de jugements personnels ? Leur fait-on assez confiance ? Il faut envisager de traiter ces sujets, et même commencer par là, plutôt qu’accepter ces concessions.

Et si vous ne livrez pas du logiciel complet à chaque sprint, à cause d‘une mise en production coûteuse. Votre système de plateforme et déploiement est-il à la hauteur ? La gestion de la qualité est-elle efficace avec des tests automatiques et autres bonnes pratiques ? Il faut envisager de traiter ces sujets, et même commencer par là, plutôt qu’accepter ces concessions.

Donc le plus important n’est pas le pourcentage. Souvent, appliquer 80% d’une méthode ne vous apportera que 20% de ses bénéfices. Et le vrai gain, difficile à aller chercher, les 80% de valeur que vous pouvez gagner sont dans les 20% restants, les dernières pratiques auxquelles vous avez résisté jusque là. Sûrement parce qu’elles vous paraissaient “moins adaptées” à votre contexte.

Ok, c’est plus facile à dire qu’à faire. Ne négligez pas la résistance au changement : la vôtre, celle de vos collègues même bien intentionnés, et celle de votre contexte, du système dans lequel vous évoluez. Mais c’est bien là qu’est le plus gros potentiel de progrès.

Et vous ?

Quelles concessions faites-vous avec les bonnes pratiques ? Quelles parties de vos méthodes n’avez-vous pas encore appliquées ? Pour quelles raisons ? Sont-elles liées à un problème plus profond ? Le but de chaque méthode est justement de s’y attaquer. La vraie cible, c’est lui ! Ne le recouvrez pas de bonnes excuses. Acceptez qu’il sera peut-être difficile et long à corriger, mais que c’est là qu’il faut se concentrer. Pour progresser, vous savez où doit se concentrer votre attention : là où vous aviez décidé de ne pas regarder.

Alexandre est Directeur Associé à BeTomorrow, agence de conseil, design et développement. Pour en savoir plus, visitez notre site www.betomorrow.com

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