Mon ado et les jeux vidéos !

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8 min readDec 2, 2015

avec yann leroux.

À la lecture des commentaires d’un énième fait divers tragique publié sur Facebook, je tombe sur le fameux « de toute façon, les jeunes sont de plus en plus violents, avec les jeux vidéos, tout ça ». Ah bon ?

yann leroux, psychologue et psychanalyste

Si j’ai bien mon avis sur la question, je voulais quand même partager avec vous l’avis d’un spécialiste ! Yann Leroux est psychologue et psychanalyste et s’est spécialisé dans la question du numérique. Psy et Geek, c’est son petit surnom, nous apporte son éclairage, pour savoir si le Père Noël glissera le dernier Call of Duty sous le sapin cette année…

Des jeux de plus en plus réalistes

Je me rappelle, quand j’étais petite, on avait un Amstrad à la maison et les jeux vidéo se chargeaient à partir d’une disquette (je vais peut-être faire sourire des nostalgiques). Je jouais à l’époque à Prince of Persia, et le moins qu’on puisse dire, c’est que les graphismes d’alors paraissent aujourd’hui assez rudimentaires.

Capture d’écran de Prince of Persia, 1990

Vous pouvez quand même remarquer que déjà, on se battait contre les méchants, à coup de sabre, tant qu’à faire…

Les jeux ont évolué, les capacités des ordinateurs et les graphismes aussi mais globalement les héros continuent de se battre contre les méchants et Prince of Persia est toujours là avec son sabre.

Avec les jeux « First Person Shooter » (FPS), traduisez « Jeux de tir à la première personne », on gagne en immersion dans l’univers du jeu : on ne regarde plus la scène comme un observateur, on devient le personnage qui se bat : Doom, Counter-Strike, Call of Duty… Avec toutes sortes d’armes, dans des situations diverses…

Le réalisme et l’ambiance immersive de ces jeux poussent-ils vraiment le joueur à confondre le virtuel et le réel ? Y-a-t-il, comme on le lit souvent, une banalisation de la violence ? Et surtout, pourquoi, à l’instar des petits garçons qui « jouent à la guerre », nos ados ne seraient pas capables de savoir que « c’est pour de faux » ?

Capture d’écran Prince of Persia, 2010

L’avis du Psy Geek : “Les images des jeux vidéo peuvent être de plus en plus précises mais elles ne seront jamais réalistes. D’une part parce que l’expérience du combat est celle du chaos. Les combattants voient rarement leurs adversaires et sont dans un brouillard presque total où ils exécutent les gestes appris à l’entraînement. Ensuite, le jeu de guerre n’est pas la guerre. Les enfants qui jouent aux jeux vidéo font sans difficulté la différence entre la réalité de la guerre et la fiction des jeux.”

Ça existe, une addiction aux jeux vidéo ?

De nombreux parents (ou fiancées !) de gamers vous diront que, oui, la preuve, il suffit de voir le temps qu’ils y passent, sur le PC ou leur console !

L’addiction est-elle définie par le temps passé sur un loisir ? Existe-t-il une addiction aux jeux vidéo ?

L’avis du Psy Geek : “ L’addiction aux jeux vidéo est une notion qui appartient à la psychologie populaire mais en aucun cas elle n’est une notion de la psychologie scientifique. S’il n’y a aucune référence à l’addiction aux jeux vidéo dans les manuels de diagnostic de psychiatrie, ce n’est pas parce qu’il y a un manque de recherche, mais plutôt parce que les recherches abondantes menées depuis 1995 sur ce thème n’ont pas apporté de preuve évidente d’une addiction aux jeux vidéo.

Aussi, il est convenu de parler plutôt de “jeu excessif” sans préjuger du caractère normal ou pathologique de cet excès. La passion conduit à l’excès mais il serait très problématique de vivre dans une société où tous les passionnés se retrouvent devant un psychiatre !

Il existe bien évidement des solutions compliquées autour des jeux vidéo. Si les familles n’arrivent pas à trouver seules des solutions, il faut alors qu’elles consultent un psychologue ou un psychothérapeute en libéral ou dans un centre de soin (Centre Médico Psychologique, Centre Médico Psycho Pédagogique).”

Jouer en réseau ou jouer seul, la différence ?

Avec internet et le mode multi-joueurs, le joueur en rejoint d’autres sur le réseau : il ne joue plus seul face à son ordinateur ou sa console, il joue avec et contre d’autres joueurs, parfois à l’autre bout du monde. Jouer seul ou en réseau fait-il une différence ?

L’avis du Psy Geek : “Jouer en réseau ou seul sont deux choses différentes. Le jeu solitaire est un jeu contre l’intelligence artificielle. Il apporte peu de gratification et de challenge par rapport au jeu en réseau. Sur Internet, les joueurs ne font pas que jouer aux jeux vidéo. Ils se forment aux normes et aux valeurs de leur communauté.”

Un ado qui joue en ligne, c’est un ado qui a de vraies interactions sociales et ce, même si elles ne sont pas comprises ou acceptées comme telles par les parents. Sur World of Warcraft (dîtes WoW pour faire “jeune” devant vos ados) par exemple, le joueur fait partie d’une guilde (son équipe) régie par les mêmes règles que tout groupe : des leaders, des suiveurs, des stratégies…

Le support des échanges sociaux à beau être virtuel, la nature des échanges n’en est pas moins bien réelle.

Il est donc primordial pour les parents de ne pas dénigrer ces interactions sociales au risque de “braquer” l’adolescent.

Les précautions à prendre avec vos ados.

C’est une question récurrente chez les parents : Si leur ado est un peu geek sur les bords, on l’a vu, pas de raison de s’inquiéter. Mais comment poser des limites et surtout, quels sont les signes d’alerte qui pourraient laisser penser que leur consommation de jeux vidéo devient problématique ?

L’avis du Psy Geek : “ Les limites à poser à propos des jeux vidéo sont les même à poser que pour le reste. Elles doivent être données sans violence, de manière respectueuse de l’enfant et de ses goûts, et les débordements doivent être des occasions d’éducation plutôt que des motifs de punition. Ce n’est jamais le temps passé à jouer aux jeux vidéo qui est problématique. Le jeu excessif est une conséquence d’un problème qui reste à découvrir.”

Mamans, rassurez-vous… Je me rappelle fort bien avoir passé –beaucoup– de temps sur Carmageddon, un jeu de course automobile où on gagne des bonus en écrasant les piétons. Et pour être honnête, ça me faisait bien marrer. Pour autant, quelques années plus tard, j’ai eu mon permis du premier coup et je n’ai jamais eu l’idée d’équiper ma Clio d’un pare-buffle.

Comme vous ne laisseriez pas votre enfant regarder n’importe quel film, pensez à vérifier que le contenu du jeu est en adéquation avec son âge grâce à la classification PEGI.

Cette classification vous donnera une idée du contenu du jeux, mais cela reste une indication et surtout une base de discussion avec votre enfant.

Et les plus petits ?

À voir comme les tout-petits sont à l’aise avec le smartphone ou la tablette de leurs parents, on se dit que le fossé générationnel va se creuser encore un peu ! Comment trouver le bon dosage pour familiariser nos enfants aux technologies qui seront leur quotidien ?

L’avis du Psy Geek : “En fait, les petits ne sont pas à l’aise avec les smartphones : Ce sont les smartphones qui sont suffisamment intelligents pour donner l’illusion qu’un petit enfant peut s’en servir.

Savoir se servir d’un smartphone et ses applications, c’est connaître l’écosystème numérique. C’est comprendre les contrats de licence et le modèle économique des applications, choses qui sont bien au-delà des capacités de compréhension d’un enfant.

Le travail de familiarisation passe par une compréhension suffisante des parents des enjeux du numérique, par la reconnaissance de ses qualités et enfin par une utilisation familiale du numérique.

De la même façon que les livres sont prêtés et discutés en famille, les jeux vidéo et les réseaux sociaux peuvent alimenter les conversations familiales. Le monde de demain sera numérique. Il n’est pas possible d’y préparer les enfants en le présentant systématiquement comme problématique.”

Si ça avait même des avantages, le gaming ?

Certains chercheurs, au-delà de leur affirmation que les jeux vidéo ne rendent pas violent, avancent l’hypothèse que jouer permettraient d’évacuer le surplus d’émotions négatives et de violence. Comme la soupape d’une cocotte minute, pouvoir relâcher la pression par le jeu plutôt que dans la vie..

L’avis du Psy Geek : “Autour des jeux vidéo, différents effets positifs ont été trouvés. Ils concernent les sphères cognitives, émotionnelles et affective, et sociale. Les jeux vidéo sont essentiellement des situations de résolution de problème. Il faut partir d’un point A et arriver au point B. Pour réussir il faut analyser correctement la situation et faire une mise à jour en temps réel de cette analyse.

Il a été montré que les joueurs de jeux vidéo avaient de meilleures capacités d’attention, pouvaient plus facilement suivre plusieurs objets qui se déplacent en même temps, et avaient de meilleurs capacités de résolution de problème.

Au niveau des émotions, les jeux vidéo permettent de vivre et de partager des émotions comme la tristesse, la joie, la colère ou la fierté. Les jeux vidéo sont également des occasions de construire et maintenir des relations sociales avec d’autres personnes. Les échanges et les relations vécus en ligne sont aussi importantes que ceux qui sont vécus hors-ligne.”

Conclusion.

Voilà, on espère que vous n’allez pas continuer à regarder suspicieusement le dernier GTA. Si votre ado est équilibré, même s’il y passe beaucoup de temps, pas de raison de vous inquiéter tant qu’il semble aller bien dans sa vie. Si ce n’est pas le cas, voyez l’excès de jeu comme une conséquence plutôt qu’une cause de son mal-être.

Plutôt que de punir et de restreindre, il convient que les parents accompagnent et libèrent la parole autour du jeu pour ne pas diaboliser ce qui n’a pas de raison de l’être et pourquoi pas, en faire une activité familiale.

Vous l’avez compris, l’Homme n’a pas attendu les jeux vidéo pour découvrir la violence. L’idée selon laquelle un loisir pervertirait notre innocente jeunesse est un marronnier qu’on nous ressort quand il faut bien trouver un coupable aux maux de la société.

Vous avez encore mille questions à poser sur les jeux vidéo, internet, les réseaux sociaux ? Nous aurons le plaisir d’accueillir Yann Leroux sur Maypopp en janvier 2016 pour qu’il réponde à toutes vos questions en direct !

AntoineZins Barbara Meyer, Charlie Morency, Aude et Renaud : qu’en pensez-vous ?

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