Anticiper les poussées de la maladie du lupus pour améliorer sa prise en charge

Jean-Christophe Descieux
Bienvenue sur Thellie
5 min readSep 26, 2016

La campagne de financement participatif pour le projet du docteur Laurent Chiche : un laboratoire « embarqué » par les patients pour élucider les variations moléculaires du Lupus dans leurs conditions de vie réelle, a collecté 45 000 € et devient aujourd’hui la plus importante campagne de financement participatif française dédiée à la recherche. Nous vous proposons de découvrir l’interview de Laurent Chiche, qui nous parle de son expérience de médecin-chercheur.

Jean-Christophe DESCIEUX : Laurent, pouvez-vous vous présenter brièvement ?

Laurent CHICHE : Je suis Laurent Chiche, un des médecins internistes de l’Hôpital Européen Marseille. Je m’occupe de patients souffrant de maladies auto-immunes comme le lupus systémique. J’exerce également une activité de recherche au sein de mon hôpital.

Que pouvez-vous nous dire sur votre enfance ?

Né à Marseille, j’y ai fait toutes mes études. Je n’ai quitté ma ville qu’à 2 reprises. La première pour aller me perfectionner au CHU de la Pitié Salpêtrière, centre de référence français de la prise en charge du lupus. La seconde à Seattle (non pas pour participer au tournage de la série Grey Anatomy :D) au sein d’une équipe de recherche en immunologie.

Pour quelles raisons avez-vous souhaité devenir médecin et chercheur ? Quelles ont été vos motivations ?…

Rien de très original. L’envie de participer au progrès de la médecine à la source des avancées sur la compréhension d’une maladie, en espérant qu’il y ait un impact sur les soins au quotidien. C’est aussi pour un médecin une fantastique bouffée d’oxygène qui permet dans la semaine d’avoir une activité cérébrale en se libérant un peu de la pression que génère la prise en charge de patients atteints de pathologies parfois lourdes.

…Et pourquoi avoir choisi d’effectuer vos travaux dans la recherche clinique, plus précisément sur le lupus ?

Lors de mon cursus, j’ai fait de la recherche dite « fondamentale ». Cette recherche demande un temps au laboratoire qui est incompatible avec l’activité médicale. La recherche clinique ou translationnelle s’est donc imposée car elle permet de poursuivre une activité de recherche implémentée dans les soins. De plus, les soins cliniques nourrissent les idées de ma recherche, et c’est la qualité des questions que l’on se pose qui est le plus important dans un travail de recherche.

A quoi ressemble, pour vous, une journée type à l’hôpital ?

Ça dépend ! C’est assez bien reparti entre l’activité clinique (consultations, avis au lit des patients hospitalisés) et l’activité de recherche (suivi de patients dans des protocoles thérapeutiques, rédaction de projets de recherche et de publications médicales).

Pouvez-vous expliquer aux non-initiés ce qu’est le lupus ?

Le mieux c’est de venir en parler avec des patients ! Il s’agit d’une maladie auto-immune, c’est-à-dire d’un dérèglement du système immunitaire qui, au lieu de nous défendre contre une infection par exemple, s’en prend à différentes parties du corps : la peau, les articulations, les reins…. Il existe d’autres maladies auto-immunes mais le lupus a de particulier sa capacité à donner des atteintes si différentes et complexes qu’on dit que chaque patient à un lupus un peu particulier.

Que cherchez-vous à démontrer avec votre projet ?

Deux choses. D’une part que certaines anomalies moléculaires dépistées de manière régulière chez des patients lupiques peuvent aider à prédire les rechutes de la maladie et donc à adapter le traitement de façon personnalisée. D’autre part, que le patient peut, avec un équipement 2.0, impacter sur sa prise en charge en temps réel en collectant dans son environnement « en vraie vie » des paramètres environnementaux, sanguins et cliniques.

Quel a été votre moment le plus désagréable au cours de vos travaux ?

Le refus du financement d’un projet (qui l’a été l’année d’après). Les financements sont très compétitifs. Ce qui était frustrant, en dehors du fait que les financements sont plus difficiles à trouver pour les maladies rares, c’est que les commentaires d’un des reviewers du projet montrait clairement qu’il n’avait pas compris plusieurs points du projet, probablement car il ne s’agissait pas de son champ d’expertise, ce qui avait pénalisé les chances de réussite.

Quel est le moment dont vous êtes le plus fier ?

En 2014, une publication importante sur la physipathologie du lupus, a eu un impact important dans la communauté scientifique internationale et a débouché sur de nombreuses collaborations avec des scientifiques étrangers qui ne connaissaient pas mon nom avant.

Parlez-nous de votre équipe de recherche : comment la qualifieriez-vous ?

Elle est dynamique, passionnée et hétérogène, comme le lupus. C’est sa plus grande force. On va chercher des ressources techniques ou « cérébrales » complémentaires auprès de collaborateurs et ça enrichit notre travail. De plus les thématiques de mon équipe ne sont pas limitées aux pathologies auto-immunes. Cela nous force à nous ouvrir aux autres avancées dans les autres domaines de la recherche médicale.

Que retenez-vous de votre campagne sur Thellie ?

Super expérience car on a été guidé de façon « discrète » mais constante. C’est un exercice nouveau que d’aller rechercher directement des fonds au travers de la plateforme. J’ai été surpris du profil des donateurs, extrêmement hétérogène et de la dynamique de l’aventure. A remettre dès que possible !

Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui souhaiteraient devenir chercheur en médecine ?

Suivre leur intuition. Ecouter les conseils des « anciens », et parfois, faire l’inverse ! Mais surtout, la recherche est une aventure humaine. Le travail d’équipe et le partage sont la clé ! Enfin, ne pas s’interdire de faire une recherche qui a des applications concrètes à court terme pour les patients !

Grand merci aux contributeurs qui ont participé au financement de la campagne de Laurent Chiche !

Pour en savoir plus, visitez sa page projet sur thellie.org :
Un laboratoire « embarqué » par les patients pour élucider les variations moléculaires du Lupus dans leurs conditions de vie réelle

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