La téléconsultation vidéo : une aberration des pays occidentaux

Et pourquoi 2021 sera l’année de la consultation par messagerie instantanée

Benjamin Hardy
Biloba
6 min readNov 17, 2020

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Depuis une dizaine d’années, la téléconsultation vidéo est arrivée dans les pays occidentaux. D’abord confidentielle, cette nouvelle prise en charge du patient à distance a vu, en France, les portes du remboursement par la sécurité sociale s’ouvrir en septembre 2018. L’usage en est resté anecdotique jusqu’au confinement du printemps 2020, où le nombre de téléconsultations a été multiplié par 100, voire plus.

Aujourd’hui, ces téléconsultations vidéos sont réalisées dans l’immense majorité des cas (80%) par des médecins généralistes libéraux.

Mais ce n’est pas la révolution annoncée. Le temps passé par le médecin est le même, seuls les déplacements du patient sont évités. Elles n’ont absolument aucun impact sur notre temps médical global, et donc, sur notre système de santé.

Une téléconsultation est un échange entre un médecin et un patient en vidéo, de manière synchrone :

• L’avantage côté patient est d’éviter un temps de transport voire une perte de temps supplémentaire en salle d’attente. La prise en charge médicale ne sera donc pas la même qu’en présentiel (et finalement, rien ne pourra remplacer le présentiel), mais c’est un fait accepté car le gain de temps est non négligeable. Ce qui ne change pas, c’est la nécessité d’une prise de rendez-vous et d’une disponibilité ensuite d’environ 15 minutes.

• Côté médecin, il n’y a pas de bénéfices directs. Ni gain de temps, ni gain financier. C’est donc seulement pour répondre à la demande des patients que les médecins les réalisent. À priori, un médecin prend donc en charge exactement le même nombre de patients, et sa rémunération sera exactement la même, téléconsultations ou pas.

Pourtant, la tension de notre système de santé est forte. Il y a de moins en moins de médecins (tous les pays occidentaux sont impactés). Le temps médical s’effondre. Selon les calculs de l’ordre des médecins publiés en 2016, nous allons vivre « la perte d’un médecin généraliste sur quatre sur la période 2007-­2025 ».

Si la téléconsultation vidéo n’a aucun impact sur ce temps médical, et n’aide pas à soulager la tension de notre médecine de ville et donc de notre système de santé en général, pour quelles raisons a-t-elle été mise en place ? Quelle était la véritable problématique sous jacente à laquelle elle devait répondre ?

Nous, “vieux” pays occidentaux, sommes persuadés que nos systèmes de santé et de soins sont les meilleurs. Si cela a pu être vrai jusqu’à la fin des années 90, ce n’est plus le cas. Cette posture arrogante ne nous a pas poussés à nous réinventer. La situation de crise sanitaire nous le démontre aujourd’hui, et le retour à la réalité est une leçon : les systèmes de santé des pays occidentaux ne sont plus adaptés à la situation actuelle.

De l’autre côté du monde, des pays pourtant à très forte démographie nous donnent des leçons de gestion sanitaire. Ces pays comme la Chine ou l’Indonésie, sont des “ex-pays en voie de développement”. Tardivement, et en quelques dizaines d’années, ils ont dû créer les fondations de leurs systèmes de santé, en ayant comme contrainte n°1 leur démographie : il y a environ 1 médecin pour 1000 personnes dans ces pays, contre 3,4 (erratum: il était écrit 30) médecins pour 1000 personnes en France.

Ces pays ont choisi messagerie instantanée pour répondre à ce problème, et non la téléconsultation vidéo : des sociétés comme Ping An Good Doctor en Chine et Alodokter en Indonésie permettent de prendre en charge des volumes de patients extrêmes avec très peu de médecins, à cette pratique.

Tout ce que permet de faire la téléconsultation vidéo peut être réalisé en messagerie instantanée. Mais le temps passé par le médecin est très différent : quand un médecin peut réaliser 5 téléconsultations vidéo par heure, il peut en prendre en charge 4 ou 5 fois plus grâce à la messagerie instantanée. Il ne s’agit pas de tomber dans une certaine ubérisation, les prises en charges sont de la même qualité, mais le temps médical est optimisé, sans épuiser les médecins.

Le bénéfice pour les patients est aussi très fort : la contrainte d’une vidéo “synchrone” n’existe plus, le bruit et l’environnement non plus. Vous pouvez ainsi consulter dans le métro, sur votre lieu de travail, en dehors de chez vous.

Aujourd’hui, les médecins généralistes libéraux réalisent de plus en plus de prise en charge par SMS, Whatsapp ou email, car cela les déleste parce qu’ils n’ont plus les moyens de répondre à toutes les demandes de consultations présentielles.

Cet acte de prise en charge par messagerie est fondamental pour la survie de notre système de santé. C’est celui dont les médecins ont besoin pour réguler et alléger leur quotidien. Il permet une prise en charge médicale efficace et rapide pour tout ce qui peut être fait sans besoin de présentiel.

Il est du devoir de nos instances de réfléchir dès maintenant à des solutions d’avenir permettant d’économiser le temps médical, pour soulager notre système de soin. La cotation d’un acte par messagerie instantanée doit être mise en place au plus vite.

Cette pratique existe, et elle fonctionne : des sociétés comme 98point6 aux États-Unis ont pris cet angle de messagerie instantanée comme principale stratégie.

A membership-based model that removes the financial trade-off to accessing care early and often and via the preferred mode of communication (text) inspires patients to actively engage in their health care and through the proper channels: getting diagnosis and treatment from board-certified physicians practicing evidence-based medicine.

Searching symptoms online is not the answer to convenient, quality care. An AI-assisted, mobile-based experience is also the ultimate way to understand social determinants of health; much of the data about a patient’s habits and life experience is lost in traditional social determinant measurements.

Chez Biloba aussi, nous en sommes persuadés. La téléconsultation n’est pas une mauvaise idée, mais n’apporte aucune solution à nos problématiques d’aujourd’hui. Elle n’a aucun scale : elle ne permet pas de drastiquement augmenter le nombre de consultations réalisées sans en altérer la qualité. Son modèle est également basé sur une économie révolue, celle de la transaction (paiement à l’acte).

Nous pensons que 2021 sera l’année où les pays occidentaux feront la bascule vers la consultation par messagerie instantanée. Et nous pensons aussi que proposer un chat médical ne suffit pas, mais qu’il s’agit de tout réinventer.

Nous voulons une prise en charge médicale de qualité. Qu’elle soit immédiate, et comprise dans un abonnement illimité. Qu’elle puisse aboutir à la remise d’une ordonnance. Qu’elle puisse être réalisée quelque soit le pays dans lequel vous vivez. Et qu’elle puisse être accessible par des millions de personnes.

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