UX Designer : Finissons en avec le syndrome «Calimero»
Voilà une quinzaine d’années que j’observe avec passion la prodigieuse évolution de notre métier. Successivement ergonomes, AI, UI, UX, nous avons fait face au dilemme du «800x600 vs 1024x768», puis survécu au WAP, démontré l’étendue de nos talents à l’arrivée des mobiles et tablettes de toutes tailles, d’Android et d’IOS et nous survivrons aux objets connectés et au mobile web. Tant de choses ont évolué et notre métier n’en est devenu que plus incontournable et intéressant.
Mais malgré la vague d’optimisme que pourrait déclencher cette évolution exceptionnelle, une petite musique continue de raisonner bien trop souvent pendant nos réunions d’experts: la complainte lancinante du Designer incompris. Entre Cassandre et Calimero, entre la visionnaire que personne ne veut croire et l’adorable petit oiseau avec qui le monde est vraiment trop injuste.
Comme un poisson dans un panier de crabe
C’est vrai que pendant bien longtemps, les cursus d’ergonomie nous préparaient bien mal au grand saut dans le bain de crabes. Nous passions plusieurs années à sculpter notre bâton de pèlerin et à affuter notre rhétorique centrée utilisateur avant de se retrouver plongés dans des enjeux d’entreprise auxquels nous n’étions pas préparés: «pas de budget, pas le temps, pas convaincu, quels sont vos KPIs au fait ?». Il a alors fallu faire un travail douloureux de prise de conscience: Non, le monde du travail ne nous attendait pas avec impatience, et oui il va falloir beaucoup s’adapter pour y trouver une place.
De «Ergo quoi ?» à «dessine moi un iPhone»
Quelle belle période – Bien que l’industrie des systèmes complexes avait fait le plein d’ergonomes depuis longtemps, le monde du web lui est passé du scepticisme à l’adoration en l’espace de 10 ans.
En 2005, vendre une prestation d’ergonomie aux grands acteurs du e-commerce relevait encore du sacerdoce. Mais la voix de l’ergonomie est parvenue à monter vite et haut dans les organisations et nos interventions se sont progressivement diversifiés.
En milieu d’année 2007, l’arrivée d’un allier inattendu a encore accéléré le processus. L’iPhone et son interface tactile venue d’ailleurs. On peut débattre des heures sur la part de l’ergonomie dans le succès cataclysmique du produit, n’en reste pas moins que de petites voix se sont mises à raisonner de toute part «en répétant, tout doucement, comme une chose très sérieuse: – s’il vous plaît, dessine moi un iPhone…»
Ne restait plus qu’à transformer l’essai.
No pain, No gain
Aujourd’hui, même si c’est toujours un peu compliqué d’expliquer notre quotidien autour d’un diner de famille, le métier de UX Designer est sorti de l’ombre. Les opportunités d’emploi pleuvent, des startups aux grands groupes, chacun cherche son UX Designer.
Les murs sont tombés, les préjugés avec. L’époque des incompris est révolue. Nous avons notre place, mais cela ne va pas forcément rendre la tâche plus simple.
«La forme supérieure de l’opposition, c’est la création» – Lev Kopolev
Le passage de l’opposition aux responsabilités est souvent plus ardu que prévu, et c’est à cela que nous sommes aujourd’hui confrontés. J’ai trop entendu l’argument selon lequel le résultat n’est pas à la hauteur des attentes «parce que les équipes n’ont pas suivi nos recommendations». Je crois qu’il faut en finir avec cette logique.
- parce que construire un produit, c’est plus compliqué que de simplement suivre les recommendations des designers
- parce que même sans contrainte business/technique/… un Designer seul ne fait pas de miracles
- parce c’est justement notre travail de pousser dans la direction de l’expérience, et que le résultat final est représentatif de l’énergie déployée.
Si le résultat est mauvais, c’est en partie le signe de notre échec. C’est cela qu’il faut accepter, analyser et utiliser comme source d’inspiration pour avancer.
«Be the change you want to see in the world» Gandhi.
Le monde n’a jamais été aussi UX centric et nos opportunités d’influence sur la conception de produits sont énormes. C’est un pont d’or qui s’ouvre aux designers en quête de beaux accomplissements professionnels. Pour 2017, faisons le pari du ZÉRO EXCUSE et finissons en avec ces discussions stériles sur le thème «mes clients ne comprennent rien» ou «notre produit est nul parce ma hiérarchie ne m’écoute pas.» Réjouissons nous plutôt d’une situation si propice à l’épanouissement de notre discipline.
Il n’y a pas de petite victoire et chaque combat est passionnant pourvu qu’on le regarde sous l’angle optimiste de ceux qui veulent voir avancer les choses.
Bonne année à tous.