Pierre Person, député LREM, rapporteur de la mission sur les cryptomonnaies.

“Je comprends les frustrations du secteur blockchain”

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4 min readDec 20, 2018

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Pierre Person à la tribune.

Mardi dernier, l’Assemblée nationale et le gouvernement ont rejeté 4 amendements visant à améliorer le cadre fiscal des cryptomonnaies. La déception est grande chez les acteurs français du secteur et chez les députés qui ont travaillé avec eux sur ces propositions. Pierre Person, porteur des amendements précités, nous explique les raisons de cet échec.

Beaucoup d’acteurs du secteur ont été surpris voire très agacés par le refus non justifié et quelque peu lapidaire des amendements proposés. Pouvez-vous nous expliquer pour quelles raisons les députés et l’exécutif ont rejeté vos propositions ?

Nous travaillons depuis presque 1 an avec plusieurs parlementaires, y compris de l’opposition, l’ensemble des acteurs de l’écosystème et le gouvernement en vue d’atterrir sur une règlementation propice au développement des crypto-actifs en France. Les avancées obtenues sur l’année 2018 ont été considérables sur un temps législatif extrêmement court et je pense qu’il faut s’en féliciter.

Cependant je comprends les frustrations qui ont pu naître après le vote du budget 2019. Une partie des amendements que nous avons portés avec mes collègues ont reçu un avis défavorable du gouvernement et n’ont pas été adoptés, alors qu’ils auraient répondu à des attentes très fortes et légitimes de l’écosystème.

Comment l’expliquer ? Si une partie des acteurs publics ont compris la nécessité de développer un cadre législatif favorable à l’émergence des crypto-actifs et la blockchain, certaines institutions et autorités de régulation restent encore très frileuses et se permettent de prendre des positions politiques sur des sujets éminemment stratégiques. Ce n’est pourtant pas leur rôle. C’est un problème car à ce stade, le dispositif législatif n’est pas totalement complet. Il aurait fallu se détacher des paradigmes habituels afin d’aller beaucoup plus loin.

Ce budget n’est donc qu’une première étape. Notre mission ne s’arrête pas pour autant !

Bruno Le Maire, fatigué, rejetant les amendements.

En refusant de clarifier le caractère habituel et la taxation crypto-fiat, n’avez-vous pas peur de faire partir à l’étranger ceux qui redoutent l’incertitude fiscale ?

Il me semble impératif que la Doctrine administrative fiscale clarifie ce point et que les contribuables soient en capacité de caractériser une activité à titre habituel. J’y veillerai.

Notons cependant que nous avons clarifié pas mal d’incertitudes dans le cadre de ce projet de loi de finance (comme l’exonération des échanges entre crypto-actifs ou la méthode de comptabilisation des plus-values pour les particuliers), qui doivent ainsi inciter les acteurs à rester ou venir s’installer en France.

Ce n’est que grâce à un travail conjoint entre le législateur, les institutions et les acteurs de la blockchain que nous parviendrons à créer un cadre fiscal attractif. Leur contribution est capitale !

Croyez-vous encore que la France puisse devenir une crypto-nation ? Pensez-vous que les actes et les engagements pris par le gouvernement ces dernières semaines sont à la hauteur des promesses et les déclarations faites en début d’année ?

Lorsque j’ai initié la mission parlementaire sur les crypto-actifs début 2018, tous les signaux politiques étaient au rouge. Ce que nous avons déjà obtenu était loin d’être gagné d’avance, ne l’oublions pas.

Cependant, il est évident que nous ne pouvons pas en rester là au niveau législatif. Il nous faut aller plus loin si l’on souhaite vraiment que la France soit une véritable crypto-nation.

Dès 2019, nous devrons œuvrer à faire davantage de pédagogie auprès du gouvernement, de nos collègues parlementaires ainsi qu’auprès de nos institutions.

La seconde lecture de la loi Pacte à l’Assemblée nationale interviendra au semestre prochain, nous devront notamment nous en saisir.

Par ailleurs, nous devrons parvenir à un consensus sur un dispositif fiscal plus complet d’ici l’examen de la première partie du projet de loi de finance pour 2020. Cela permettra de prendre en compte les opérations en crypto-actifs au 1er janvier 2019 comme nous le souhaitions initialement.

La prise de conscience est impérative. Autrement, nous aurons de réelles difficultés à rattraper notre retard vis-à-vis des pays voisins qui ne nous attendent pas.

Propos recueillis par Renaud Loubert-Aledo, le 20 décembre 2018

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