La cryptomonnaie d’État, une arme géopolitique contre la suprématie américaine ?

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3 min readMay 31, 2018

L’idée d’une cryptomonnaie étatique a de quoi laisser perplexe un partisan de la décentralisation, et les gouvernements brillent rarement par leur avance dans la compréhension des nouvelles technologies. Pour beaucoup de pays et jusqu’à récemment, les cryptomonnaies d’État se résumaient surtout à des coups de communication. La Tunisie fut la première à annoncer un tel projet fin 2015 ; d’autres pays comme le Kazakhstan, l’Estonie ou les Émirats arabes unis lui ont emboîté le pas. Ce sont souvent des coquilles vides qui ne sont pas suivies d’effets, sans whitepaper et sans traces sur le web.

Contourner la domination financière des superpuissances.

Cependant, depuis le début de l’année, de nouvelles ambitions plus capitales émergent de la part de certains états. Ces ambitions sont axées sur la portée non pas technologique mais politique de la blockchain. La cryptomonnaie promet déjà d’éroder la domination des institutions financières traditionnelles. Certains gouvernements poursuivent donc la logique en grand avec cette question : la blockchain permettrait-elle de remettre en jeu la domination financière des superpuissances du globe que sont les États-Unis et ses alliés ?

Le Venezuela est le premier à expérimenter la chose avec sa cryptomonnaie « petro », lancée le 20 février dernier. En vue : contourner les sanctions financières internationales qui frappent le pays. Décrite par le président Nicolas Maduro comme de la « kryptonite » contre le « Superman » américain, le petro permettrait aussi de passer outre la monnaie vénézuélienne, qui a perdu toute sa valeur. Peu importe que la blockchain soit complètement centralisée aux mains de l’État : l’idée est là. Le magazine TIME découvre en outre que de hauts officiels du Kremlin sont impliqués dans l’élaboration du projet. Et quand les États-Unis interdisent le commerce de petro par leurs ressortissants, c’est encore la Russie qui s’empresse d’aider le Venezuela, comme le révèle l’Associated Press.

La Russie, l’Iran et la Chine en tête de proue.

Le projet vénézuélien fait des émules parmi d’autres pays au ban de la communauté occidentale, qui interdisent volontiers les cryptomonnaies concurrentes tout comme ils étouffent la pluralité politique. C’est le cas de l’Iran, contre lequel Washington s’apprête à rétablir des sanctions. Le lendemain du lancement du petro, un ministre iranien a tweeté la création future d’une cryptomonnaie nationale. Téhéran a ensuite engagé une coopération avec la Russie début mai. « Nous serions les premiers pays à utiliser la cryptomonnaie pour les échanges de biens », a affirmé le député iranien chargé de la question. Victime lui-même de mesures occidentales, Moscou rassemblerait-il des alliés de la blockchain avant le lancement de sa « CryptoRouble », prévu pour courant 2019 ? Et où se placerait la Chine, qui développe aussi une cryptomonnaie d’État ? Pour rappel, le président chinois en personne a reconnu récemment que la blockchain faisait parti de la “nouvelle révolution technologique”.

Nous sommes peut être en train d’assister à la mise en place d’un nouvel ordre financier, parallèle à celui dominé par les Etats-Unis et le dollar depuis la conférence de Bretton Woods après la seconde guerre mondiale. Si les sanctions économiques américaines arrivent à être détournées par ces pays via les cryptomonnaies, alors que restera-t-il aux puissances occidentales pour garantir la continuité de leur suprématie ?

Article rédigé par Victoria Castro pour Blocs.

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