Le bitcoin aux yeux de la loi. Commodité, actif financier ou « vraie » monnaie ?

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4 min readOct 11, 2018

La qualification des cryptomonnaies ne repose pas uniquement sur des critères économiques objectifs : il est aussi question de savoir, plus pragmatiquement, quelles autorités sont chargées de les réguler ou de les prendre en charge. Aux États-Unis par exemple, les organismes étatiques décrivent les cryptomonnaies de différentes manières en fonction des aspects sur lesquels ils se concentrent. Au-delà de la multiplicité des législations dans chaque pays, il est possible de classer le statut légal des cryptomonnaies en trois grandes catégories.

Une commodité.

À de rares exceptions près, tous les pays qui autorisent et régulent les cryptomonnaies les traitent au moins comme des actifs. C’est un terme très général : si vous détenez quelque chose et que ça a de la valeur, c’est un actif. Parmi les actifs les plus « basiques » se trouvent les commodités : des biens produits par d’abondants fournisseurs et de qualité homogène indépendamment de leur origine. Le statut de commodité, ou plus généralement de bien ou de propriété privée, est le plus simple pour les législateurs. Il permet une taxation assez claire et lisibile via l’impôt sur le revenu ou la TVA. Au Canada et en Espagne, l’échange de cryptomonnaies est ainsi régulé de la même manière que le troc entre commodités. Des situations analogues se retrouvent aux Pays-Bas, en République tchèque, en Slovénie, en Pologne, en Norvège, au Mexique, en Argentine, en Afrique du sud, en Israël ou à Hong Kong. La plupart des autorités américaines compétentes font rentrer le bitcoin dans ces catégories.

Loup anthropomorphe chargé de récolter les taxes dans le dessin animé “Robin des Bois.”

Un actif financier

Parmi tous les actifs, les actifs financiers sont ceux dont la valeur est issue d’un contrat, et dans lesquels on investit dans l’attente de retours financiers. Ils sont typiquement manipulés par les banques et autres investisseurs institutionnels, comme les compagnies d’assurance. Par rapport aux commodités, ils disposent de leurs propres cadres législatifs et sont sous la houlette des autorités régulant les marchés financiers, comme l’AMF en France ou la SEC aux États-Unis. La SEC considérait auparavant les cryptomonnaies comme des actifs financiers, mais a fini par les classer comme des commodités pour se décharger de leur régulation, et ainsi mieux se concentrer sur la prise en charge des ICO. Les cryptomonnaies sont considérées comme des actifs financiers au Danemark et à Singapour ; il en est de même en Thaïlande et en Corée du sud, qui appliquent des régulations strictes sur la matière. La Finlande se distingue en traitant les transactions en bitcoin comme des contrats financiers, mais sans considérer les bitcoins eux-mêmes comme des actifs.

Une monnaie

Historiquement, certaines commodités comme l’or ou le café ont endossé le rôle de monnaie. Cette dernière se définit par trois grandes fonctions. D’abord, c’est un moyen de paiement qui permet de passer outre les inconvénients du troc. Une poignée de pays — nommément la Lettonie, l’Estonie et le Japon — reconnaissent ce rôle aux cryptomonnaies. Mais une monnaie est aussi une unité de compte qui permet de mettre des chiffres sur la valeur d’un objet : par exemple, un kilogramme de pommes coûte 3 euros. Enfin, elle est une réserve de valeur qui permet de conserver son argent à l’abri de la volatilité des marchés. Ces deux dernière fonctions impliquent que la monnaie ait un cours à peu près stable, généralement grâce à la régulation d’une banque centrale. À l’exception des stablecoins (comme le controversé Tether) dont la valeur est indexée sur un actif tiers, les cryptomonnaies sont hautement volatiles. Cet argument rend beaucoup de gouvernements réticents à les reconnaître comme de vraies monnaies. Pour l’instant, seuls la Suisse, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Suède et la Bulgarie ont sauté le pas. C’est également le cas pour les autorités américaines chargées de la lutte contre le blanchiment d’argent et de l’application des sanctions financières internationales.

À l’avenir, des cadres légaux spécifiques seront amenés à être créés pour recouvrir tous les aspects de l’utilisation des cryptomonnaies. La Suisse classe déjà ces dernières en trois groupes : les payment tokens destinés aux transactions financières, comme le bitcoin ou le litecoin ; les utility tokens qui donnent accès à un service, comme Ethereum et les divers tokens ERC20 ; et enfin les asset tokens, qui regroupent le reste.

Article rédigé par Victor Castro

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