Les recettes du recrutement chez Google

Jérémie Pottier
Changer le travail
Published in
5 min readApr 16, 2015

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Dans deux livres récemment publiés, How Google Works et Work Rules!, des Googlers de première ordre (dont l’ex-CEO Eric Schmidt) livrent de nombreux détails sur leur philosophie et méthodologie de recrutement.

Evidemment, une immersion dans les pratiques d’un maître de l’innovation comme Google ne pouvaient pas nous laisser indifférents ! Voici quelques morceaux choisis.

Qui sont les “smart creatives”?

Pour essayer de résumer les compétences et traits de caractères de ses salariés, Google a inventé le terme de smart creative.

Il s’agit d’une personne passionnée, qui possède une énergie créative et cherche constamment des solutions aux problèmes qu’elle rencontre. Ses connaissances et compétences ne sont pas uniquement liées à la technique (bien que cela soit indispensable) car elle doit également connaître de manière intime les besoins des utilisateurs. Un smart creative est aussi un maker, quelqu’un qui fait les choses, qui ne fait pas que réfléchir mais qui avance concrètement, qui prend des décisions de lui-même et qui n’a pas peur de l’échec.

Avec ce portrait d’un “salarié idéal”, Google ne recherche pas forcément les meilleurs, mais ceux qui correspondent le mieux à son environnement. On s’attache ici à l’attitude et aux valeurs personnelles autant qu’à la compétence technique et à l’intelligence.

Recruter des personnes qui ont soif d’apprendre

Google est bien placé pour le savoir : le monde évolue vite, et personne ne peut prédire de quoi sera fait l’avenir. Les compétences et connaissances d’aujourd’hui seront dépassées dans quelques années. Pour cette raison, il est indispensable de recruter une personne qui aime apprendre.

L’expression utilisée dans How Google Works est “hire learning animals”, comme si l’apprentissage devait être ancré dans le cerveau reptilien des futures recrues.

“Anyone who stops learning is old, whether at twenty or eighty. Anyone who keeps learning stays young.” — Henri Ford

Cette vision se traduit dans une recommandation que l’on retrouve assez rarement dans les habitudes des recruteurs : “ne recherchez pas l’excellence technique, préférez l’intelligence”. Aussi, il est inutile de rechercher dans le parcours du candidat une expérience similaire à celle pour laquelle il est recruté — pratique contre-intuitive pour la majorité d’entre nous.

“Hire [your employees] not for the knowledge they possess, but for the things they don’t know yet.” — How Google Works

Recruter des personnes, pas des bouches trou

Faut-il recruter des personnes qui correspondent exactement au rôle qu’on attend d’eux, ou bien faut-il voir au-delà de la fiche de poste ? Evidemment, pour Google la réponse est toute trouvée : les capacités d’adaptation et l’intelligence priment sur la conformité du candidat à un besoin exprimé.

En effet, un recrutement correspond à un besoin précis, à un instant t, mais les besoins de l’entreprise évolueront, et les compétences attendues par les salariés également. Inutile, donc, de vouloir se conformer à tout prix au besoin attendus par l’entreprise.

Au fait, le candidat est-il… intéressant ?

Google appelle ça le “LAX” test, du nom de l’aéroport de Los Angeles : est-ce que vous auriez envie de passer plusieurs heures avec cette personne si vous étiez bloqués tous les deux dans un aéroport ?

Il ne s’agit pas forcément d’être en accord avec cette personne, mais bien d’avoir une conversation intéressante, sur n’importe quel sujet. Si vous avez des points de vue opposés sur un sujet mais que vous êtes capable d’en parler et d’avoir une discussion argumentée et créative, l’entreprise bénéficiera de cet échange de point de vue.

Travailler avec des gens qu’on n’aime pas…

Attention, cependant, trouver un candidat intéressant ne veut pas forcément dire que vous pourriez être ami avec lui. Google pousse même le vice jusqu’à affirmer qu’il est nécessaire de travailler avec des gens qu’on n’aime pas pour favoriser la multiplicité des points de vue.

“You must work with people you don’t like, because a workforce comprised of people who are all “best office buddies” can be homogeneous, and homogeneity in an organization breeds failure. A multiplicity of viewpoints — aka diversity — is your best defense against myopia”

— How Google Works

Des entretiens menés par les futurs subalternes

De manière assez traditionnelle, lorsqu’un candidat passe des entretiens chez Google, il rencontrera son futur manager et ses futurs collègues, mais il pourra aussi être interrogé par les personnes qui travailleront sous ses ordres — une manière de juger rapidement de ses capacités de leadership.

“We find that the best candidates leave subordinates feeling inspired or excited to learn from them.”
Work rules!

Autre processus d’entretien peu conventionnel : celui mené par une personne d’un département qui n’a rien à voir avec le département du candidat (par exemple un juriste interrogera un commercial). Cela facilite l’évaluation de la personnalité et non des compétences.

Contrairement à ce qu’on voit dans cette séquence, Google a arrêté de poser les questions du type “combien de balles de golf peut-on mettre dans un 747?” car elles n’étaient pas déterminantes dans la capacité d’un candidat à être performant dans son travail. Par contre, ils passent le LAX test haut la main !

Le recrutement, l’affaire de tous

Pour Google (comme dans beaucoup de sociétés, bien heureusement), le recrutement est une activité vitale dont dépend l’avenir de l’entreprise.

Malgré son aspect chronophage et son absence de bénéfice direct, l’activité de recrutement ne doit pas être déléguée à d’autres ou au ressources humaines, c’est même l’activité principale d’un manager, et l’affaire de tous.

“Hiring is the most important thing you do”
- How Google Works

Ce qui est fascinant dans le fonctionnement du recrutement chez Google, c’est à la fois la technicité de leur approche et leur vision à long terme, où l’intelligence et l’adaptabilité sont les qualités les plus valorisées.

On le sait : Google voit loin et veut changer le monde. Pour cela, l’entreprise a besoin de personnes intelligentes et capables de s’adapter, alors que la compétence précise semble presque secondaire… A l’heure où Google inquiète de plus en plus, de par sa position dominante et ses investissements sur des sujets très variés et disruptifs, le plus effrayant n’est-il pas de voir à quel point ils se projettent dans l’avenir mieux que toute autre entreprise de cette taille, et de constater que leur arsenal technologique, méthodologique, et leur philosophie de recrutement sont alignés pour changer le monde ? Effrayant… ou fascinant ?

Pour en savoir plus : How Google Works de Eric Schmidt et Jonathan Rosenberg, Work Rules! de Lazlo Block.

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Jérémie Pottier
Changer le travail

Co-founder & product @ DoYouBuzz — helping people find a meaningful job. Topics: product, work, systems, learning, thinking, history, modernity, ancient wisdom