L’Effet Pygmalion

Le superpouvoir des parents & profs

Nouhad Hamam
Le Petit Buisson
5 min readAug 25, 2015

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“Pygmalion and Galatée”, par Louis Gauffier

On sait d’expérience que les performances de nos enfants à l’école influencent nos préjugés à leur égard. Et c’est naturel. Mais est-ce que l’inverse est vrai ? Est-ce que l’image que l’on se fait d’eux peut influencer profondément leurs aptitudes et leurs performances en retour ?

La réponse est : oui. Et ce phénomène s’appelle l’effet Pygmalion.

D’où vient-il ? Et comment l’utiliser au profit de nos enfants et de nos élèves dès le plus jeune âge ?

L’origine de l’effet Pygmalion

Pygmalion par Jean-Baptiste Regnault, 1786, Musée National du Château et des Trianons

Dans la mythologie grecque, Pygmalion, roi de Chypre et sculpteur, tailla une statue dans le marbre représentant la femme parfaite. Il y consacra tellement d’énergie, de coeur et de foi qu’il finit par en tomber follement amoureux. Il implora alors Aphrodite de la rendre vivante, ce qu’elle fit, touchée par la sincérité et le talent de l’artiste.

Cette histoire à donné naissance en psychologie à l’effet Pygmalion, qui peut être résumé de cette manière : “Les autres finissent par devenir ce que l’on attend d’eux ou ce que l’on pense d’eux (surtout quand on y croit fortement)”.

Ce concept est né d’une expérience datant de 1968, réalisée par Rosenthal et Jacobson, deux psychologiques : “Pygmalion Effect in the Classroom”.

L’expérience

Robert Rosenthal

Les deux psychologues américains ont effectué des tests d’aptitude proches des tests de QI, auprès de classes allant du CP au CM2.

Ils ont alors sélectionné au hasard 5 élèves par classe, et ils ont fait croire aux enseignants que ces élèves avaient particulièrement bien réussi le test, et qu’il ne serait pas surprenant qu’ils fassent des progrès inattendus pendant l’année.

A la fin de l’année scolaire, ils ont refait passer un test d’intelligence à tout le monde, et ils ont comparé la progression des élèves normaux, et de ceux qui avaient été aléatoirement désignés comme prometteurs. À aucun moment les résultats n’ont été communiqués aux élèves.

Je pense donc tu es

Les résultats de l’expérience

A la fin de l’année scolaire, les élèves “élus” (choisis au hasard) ont réalisé des progressions spectaculaires à tous les niveaux. Il faut savoir que ces résultats étaient d’autant plus marqués que les élèves étaient jeunes (CP, CE1 et CE2).

En plus d’avoir mieux réussi au test, ces élèves “élus” ont été jugés par leurs professeurs comme plus performants et plus agréables que les autres.

L’explication donnée par Rosenthal est c’est celle de la prophétie auto-réalisatrice. Si un enseignant pense qu’un enfant est particulièrement doué, son attitude envers lui changera. L’enfant se sentira plus en confiance, plus motivé, il travaillera plus et au final progressera davantage.

Votre superpouvoir de Pygmalion

On comprend aisément que ce principe ne s’applique pas uniquement aux relations profs-élèves mais également aux relations parents-enfants (et même aux relations entre collègues). Et plus crucial encore, plus l’enfant est jeune, plus l’impact de l’effet Pygmalion est important

Voici comment en faire son superpouvoir :

  • Imprégnez-vous de la puissance de l’effet Pygmalion : prenez conscience de la puissance de “croire en ses enfants”, et a contrario de l’impact négatif des cases dans lesquels on les met
  • Faites table-rase des préjugés envers vos enfants ou élèves : relevez sur un bout de papier tous les préjugés (au sens premier du terme, pas au sens péjoratif) que vous pouvez avoir sur vos jeunes enfants ou vos élèves. Puis tentez d’en faire table rase mentalement ! L’expérience de Rosenthal & Jacobson montre bien que d’une part, les choses ne sont pas figées et d’autre part, changer d’opinion sur un enfant a un impact fort sur ce dernier
  • Mettez en avant les forces de vos enfants : il y a 9 formes d’intelligence selon Howard Hardner, chercheur à Harvard, mais l’école n’en évalue et n’en glorifie que 2 ou 3. Si votre enfant ou votre élève ne rentre pas dans les cases, il y a d’autres domaines dans lesquels il excellera. Cherchez ses forces vous aidera à être encore plus encourageant et à faire levier de l’effet Pygmalion. Prenez l’exemple de Gillian Lynne, une chorégraphe et danseuse de talent, à qui tout a réussi. Elle avait des résultats catastrophiques à l’école et on disait qu’elle avait de sérieux troubles de la concentration. Elle explique comment elle a été sauvée par un docteur qui, après une consultation, a mis de la musique dans son cabinet et à montrer à ses parents qu’elle n’avait pas de problèmes, et qu’elle était juste une danseuse dans l’âme : une petite fille qui avait besoin d’être en mouvement pour réfléchir. L’avoir inscrite aux cours de danse a changé sa vie à jamais et la vision que les autres avaient d’elle

Comment j’en ai bénéficié

Mes 3 frères, ma soeur et moi (en haut à droite)

À l’âge de 6 ans, mes parents m’ont fait faire un test de QI. Ce test ne mérite pas du tout son piédestal : il est beaucoup plus subjectif et variant qu’on ne le pense. Mais grâce à ma bonne étoile et au fait que mes grands-parents m’avaient appris à lire et à calculer avant le CP, le résultat a été particulièrement bon.

Et là, sans le savoir, ma vie a changé. Mes profs et mon entourage m’ont vu comme un enfant doué. Et après avoir découvert l’étude de Rosenthal il y a 2 ans, il m’est apparu comme une évidence que j’avais ensuite surfé sur la vague de la réussite scolaire grâce à ma perfusion d’effet Pygmalion.

Cet effet sera d’autant plus puissant et efficace qu’on insistera sur les domaines dans lesquels les enfants sont bons, qu’ils soient scolaires ou extra-scolaires, et d’autant plus facile que l’on commencera tôt.

À vous de jouer.

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Nouhad Hamam
Le Petit Buisson

Consultant et intervenant en créativité certifié, avec une vocation : rendre les entreprises et les personnes plus créatives. www.nouhadhamam.com