Aminata Thior est une blogueuse d’origine sénégalaise qui vit en France. Ingénieur Télécoms de formation, elle exerce en tant que consultante Télécoms et Innovation, travaille sur Sétalma, un média spécialisé sur les produits de beauté à Dakar et blogue sur Le regard de Minatag.
Le blogging et toi
Je vis entre Paris et Dakar, partagée entre la culture sénégalaise et la culture française, entre l’Afrique et l’Occident. Soif de partage et grande frustration, ce sont deux des sentiments qui m’ont poussée à créer un blog dans cet entre deux cultures.
Il y a très peu de sujets qui ne m’intéressent pas. La force physique et l’intelligence de jeu d’une Serena Williams me fascinent. L’absence de l’Internet des objets — IoT (Internet of Things) — et du blockchain dans la sphère technologique Afrique francophone me laisse perplexe. Le ressenti et l’avis de la jeune femme sénégalaise, ivoirienne, nigériane vivant dans un mariage polygame au fin fond de l’Afrique m’interpellent.
L’absence d’écrits et de témoignages sincères sur l’histoire africaine me fait peur et révolte à la fois.
Je suis effondrée lorsque le président de mon pays d’origine s’adresse à la presse étrangère pour informer sur des problématiques qui concernent en premier les miens et moi — la liste est longue. Ce besoin de tout connaître — ce qui est impossible — me pousse à chercher sans relâche, à lire, surtout à débattre et à tout questionner. Bref, je le ressens comme un désir insatiable de savoir. Je ne suis pas pour autant satisfaite, il me manque cet autre désir ardent à assouvir : partager tout ce que j’apprends et découvre.
Je me rappelle encore qu’avant ce blog, je passais des heures à convaincre — parfois même forcer — amis et proches que c’était absolument nécessaire de lire tel livre, ou tel article, d’écouter telle personne, d’analyser les chiffres d’un tel secteur… J’avais cette conviction qu’ils vont forcément tirer un enseignement sur ce sujet que je partageais avec eux. Mais c’était trop d’énergie à dépenser pour peu de monde touché.
De plus, je passais énormément de temps devant les chaînes d’infos françaises suivant le défilé de leur parterre d’experts sur tous les sujets, les écouter sortir des conclusions faciles, évidentes et laconiques qu’une personne lambda pourrait très bien faire après quelques heures de recherches sur le sujet.
Ce n’était pas mieux sur les chaînes sénégalaises.
J’ai vu des invités dans des émissions politiques répondre à des questions sur un livre dont ils ne connaissaient que le titre.
Ces deux derniers points ont été le déclic de mon envie d’avoir mon propre regard sur certains sujets avant de découvrir ce que les médias en disent.
Puis vient la frustration. Frustration de ne pas avoir d’informations fiables et pertinentes sur mon pays d’origine, le Sénégal. Si le titre des articles proposés m’attire, je suis très vite déçue par l’orthographe. Très souvent, je reste sur ma faim car trop courts ou trop creux. Sans oublier tous ces autres sujets qui brillent de par leur absence dans les médias sénégalais. Je me suis donc dit, dans la mesure du possible et à mon rythme, j’irai chercher cette information qui me manque et ensuite j’assouvirai mon désir premier : celui de partager. Ainsi est né le blog “Le regard de Minatag — L’entre deux cultures”, d’abord hébergée sur la plateforme libre Wordpress et aujourd’hui sur Mondoblog, la plateforme de blogging RFI que j’ai intégrée via un concours.
Tes sujets de prédilection
Dans le regard de Minatag, vous trouverez des billets ayant trait à la politique, la culture, les médias, l’éducation et la société. Il m’arrive d’écrire des nouvelles — encore rares — et de faire des vidéos pour parler de bouquins. Ah oui, je suis booktubeuse également. Vous l’aurez compris, mon blog n’est pas dans une niche, il est généraliste. Je n’ai pas cette discipline intellectuelle de me concentrer sur un seul domaine. Je ne veux pas suivre cette pensée générale qui dit qu’il vaut mieux être expert d’un domaine pour espérer s’en sortir dans le blogging. Je ne m’imagine pas faire un choix sur ces millions de sujets intéressants à creuser, à découvrir, et donc à partager. Si demain, je tombe sur un sujet sport qui attire mon attention, ne soyez pas surpris de retrouver une rubrique Sport dans le blog.
Ce que tu souhaites accomplir au travers de ton blog
Dans mes écrits, j’espère apporter un regard neuf sur des sujets qui ont été déjà retournés dans tous les sens. Ou sur des sujets dont on ne parle pas dans les médias classiques, en France comme au Sénégal — en tout cas pas assez. Ou alors, j’aime les aborder d’une autre manière. À travers mes billets, je réponds à presque toutes les questions que je peux me poser sur un sujet. J’élimine ainsi toutes formes de frustration pour moi-même mais aussi pour mes lecteurs.
Je les veux donc fouillés, argumentés, détaillés et clairs, le tout sous forme de récit, enveloppé d’émotions et dans un langage accessible.
Le regard de Minatag sur la blogosphère sénégalaise
J’aime la diversité des sujets dans les rares blogs généralistes que je connaisse. J’y trouve de la folie et de la fraîcheur dans le choix du sujet et dans leur façon de les traiter. Concernant le blogging au Sénégal, il est divers de par les thématiques et les styles. Cependant, je suis plus attirée par les thèmes littéraires dans la blogosphère sénégalaise. J’ai longtemps suivi Ma petite bulle de Ndeye Fatou Kane juste pour avoir l’avis de la blogueuse dans les différents livres ou sujets d’actualités qu’elle traite et Choses revues de Mbougar Sarr pour l’écriture, la finesse de ses analyses littéraires et pour ses mini-romans qu’il partage avec nous.
Ces dernières années, j’ai découvert les storytelling percutants de Marcus Da Writer (Ibuka Sharing) et j’ai été bluffée par le niveau de détail et de précision du blog Les gourmandises de Karelle, un blog cuisine que je visite régulièrement non pas pour piquer des recettes de cuisine mais juste les photos de qualité et le niveau de détails dans ses billets — oui, je suis obsédée par production de contenu de qualité. Il y a en d’autres que je lis assidûment et qui sont proches de mes idées, centres d’intérêt mais ne publient pas sur des plateformes de blogging dédiées.
Ils le font via des posts facebook, ce qui est quelque part dommage car on perd tous ces écrits dans l’océan de posts qu’est le réseau social de Zuckerberg.
Les personnes qui t’inspirent
En plus de l’environnement géographique dans lequel j’évolue — l’entre deux cultures — qui m’inspire énormément dans mon activité de blogging, il y a cet ami, ce brillant physicien avec qui j’ai de passionnantes discussions et débats sur toutes les thématiques que vous retrouverez dans le blog. Il est le relecteur et le challenger de mes idées. Chacune de ses questions, remarques et suggestions apportent une valeur ajoutée dans le fond et la forme de mes écrits ou donne naissance à une idée de sujets à traiter.
Quand tu as compris que blogging + Aminata = 1
Il y a tout juste un an, quand j’ai pris conscience du bonheur que je ressentais quand je travaille sur un sujet pour mon blog, j’ai su que le blogging et moi faisions qu’un. Aujourd’hui je passe plus de temps à creuser des sujets, futurs billets de blog qu’à travailler sur la mise en oeuvre de mon projet de média Setalma. C’est pour vous dire …
Tes défis
Au début en me lançant dans le blogging, les défis à relever étaient la production de contenu de qualité et la régularité. En fait, ce sont là des challenges quotidiens — fortement liés — dans mon aventure de blogueuse. Je ne blogue pas à temps plein et j’ai dix mille projets à côté, en plus du boulot qui me permet de payer mes factures — vous ai-je dit que j’étais ingénieur Télécoms de formation ? — l’organisation est ainsi mon meilleur allié pour assurer une certaine régularité. Quant à la qualité de mes productions, elle fait appel au temps que je consacre à mes recherches sur un sujet, à la qualité de mes sources et au temps que je passe pour trouver le bon mot, la bonne image, la bonne expression… Enfin bref, je me bats tous les jours pour relever ces deux défis.
Par ailleurs certains lecteurs me reprochent la longueur de mes billets. J’ai essayé de travailler là-dessus avant d’arriver à la conclusion que je ne peux pas faire plus court — sauf sur mes billets d’humeur. En dix lignes, je ne peux pas développer une pensée, fournir des arguments, des chiffres, des détails sur un parcours d’entrepreneurs, raconter une histoire vécue, présenter un service … Et je dis souvent que si j’ai peut-être une démarche journalistique en allant enquêter sur un sujet, je n’ai pas l’écriture journalistique qui se veut synthétique. C’est un choix que j’assume.
Il y a une forte dose de littérature dans mes écrits et il m’est impossible de m’en séparer. J’en perdrai mon style et mon identité. Et enfin, je suis de ceux qui pensent que tant qu’un sujet intéresse un lecteur, il ira jusqu’au bout d’un article, quelle que soit sa longueur
— la connaissance se paie en temps ou en argent.
Comme m’autocensurer pour réduire la longueur de mes billets est inimaginable pour moi, j’essaie de travailler davantage sur la clarté de mes écrits, sur le côté captivant et instructif. Et il y a encore du boulot.
Aujourd’hui, mon principal défi sur certains sujets, c’est de les traiter de telle sorte que ça puisse non seulement servir à un lecteur en 2017, mais qu’un lecteur qui tombera dessus en 2020, 2030 puisse en tirer quelque chose. C’est peut-être ambitieux et prétentieux mais c’est mon souhait et je travaille chaque jour plus pour cela.
En attendant, je savoure la joie que me procure mon blog. Grâce à lui, je voyage. Je rencontre et contacte facilement des gens qui me paraissaient inaccessibles. Certaines personnes interviewées sont devenues des amis et mieux encore, elles me proposent leur aide dans mes autres projets. Je reçois des messages de rédacteurs en chef de certains journaux papiers ou en ligne me demandant l’autorisation de reprendre mes billets. Mais ma plus grande satisfaction, je la dois à mes lecteurs. Je suis aux anges quand ils m’écrivent pour me proposer des idées de sujets à traiter ou me remontent leur surprise et satisfaction sur la qualité des billets. D’ailleurs, je me rends compte que je ne leur dis pas assez merci ces lecteurs de l’ombre. Millions de mercis à vous !
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