Émotions au sein d’un milieu professionnel : cocktail explosif ! et pourtant c’est la clef de la performance

Combier Camille
Bourgeon Agile
Published in
11 min readApr 2, 2024

Les émotions ont un impact capital dans une entreprise. Souvenez-vous de la dernière fois où un collègue est sorti de la réunion en claquant la porte, ou de la dernière fois où vous avez été convoqué pour vous proposer une nouvelle mission critique et complexe, ou encore la dernière fois où sans comprendre pourquoi un/une collègue a fondu en larme en plein milieu de l’open-space.

En ces temps post-Covid, il n’est pas rare d’observer ces cas en entreprise. Depuis la croissance du télétravail, nous avons interposé des écrans dans nos réunions et nous avons perdu notre aisance à naviguer dans les relations interpersonnelles. Nous avons perdu par la même occasion notre instinct à réagir en prenant en compte nos émotions et les émotions des autres.

À côté de ça, nous parlons “d’intelligence émotionnelle”, je me suis donc demandé si on ne pouvait pas creuser de ce côté pour comprendre et améliorer ces situations malheureusement trop récurrentes.

Nous commencerons cet article par mes apprentissages dans le domaine des émotions, et leurs conséquences en milieu professionnel, enfin par des solutions simples et pratiques pour creuser le sujet.

Une petite plante qui grandi seule dans le sable en forme de coeur avec un fond de mer paisible

Cet article est rédigé pour Bourgeon Agile avec Stephane Bredy. Nous aimons apprendre, expérimenter, partager et collaborer. Vous retrouverez nos publications en suivant ce lien. Sentez-vous libre de ne pas être d’accord et de commenter ce texte. Nous souhaitons entendre la voix de chacun pour améliorer notre perspective et notre apprentissage.

Émotions et impact physiologique

Daniel Goleman dans son livre “L’intelligence émotionnelle” détaille dans toutes les perspectives ce que l’on appelle intelligence émotionnelle. En voici ma compréhension et mes réflexions sur le sujet adaptées au milieu professionnel contemporain.

Avant de parler d’intelligence émotionnelle, il faut parler et définir ce que l’on appelle “émotions”. Il distingue sept types d’émotions et décrit leurs conséquences physiologiques lorsqu’elles sont vécues.

  • La colère : augmente l’afflux sanguin vers les mains et une sécrétion massive d’adrénaline, vous devenez “Prêt au combat”
  • La peur : dirige le sang vers les parties qui régissent la mobilité du corps, vous êtes “Prêt à fuir ou se cacher”
  • Le bonheur : inhibe les sentiments négatifs en augmentant l’activité du centre cérébral, il n’y a pas d’impact physiologique évident, mais on observe un enthousiasme dans la réalisation des tâches
  • L’amour : provoque une excitation parasympathique (le système nerveux parasympathique permet un apaisement du corps), ce qui se reflète par un état de calme propice à la collaboration
  • La surprise : provoque un haussement des sourcils, ce qui augmente la lumière perçue et affine notre acuité visuelle.
  • Le dégoût : La lèvre supérieure se retrousse sur les côtés et le nez se plisse légèrement, comme pour fermer les narines à une odeur ou recracher un aliment toxique.
  • La tristesse : provoque une chute d’énergie et un manque d’enthousiasme pour les distractions et plaisirs

Ces observations étant à modérer, car elles sont en partie dépendantes de la culture et du vécu. Cependant elles ont des conséquences physiologiques certaines, qui peuvent influer sur nos réactions ou celles des autres pendant nos interactions avec nos collègues.

Émotions et conséquences

La colère

Ce qui est passionnant avec les émotions est qu’elles peuvent inhiber notre raisonnement et imposer des comportements. Ainsi, lorsqu’on ressent une colère forte, il devient alors plus important de gagner que de trouver une résolution à une problématique. Très vite nous ne sommes déjà plus capables de raisonner objectivement et de résoudre un conflit.

Cela est dû à la double action du cerveau, il ordonne la sécrétion de catécholamine et l’amygdale produit une onde qui prolonge et fait perdurer les impacts de cette hormone. En fonction de la puissante de la colère ressentie, cette hormone peut perdurer pendant des heures voire des jours ! Il existe aussi un effet de seuil, il est possible de la canaliser et de la contrôler jusqu’à cette limite. Ensuite chaque petite perturbation devient simplement explosive.

« La journée, c’est bien ; c’est le soir que ça devient difficile pour moi. Un simple objet mal rangé suffit à déclencher ma rage. » Ce passage pourrait être traduit ainsi : « J’ai accumulé des catécholamines au cours de la journée et, le soir venu, le moindre détail m’agace. »

Un des mythes le plus répandus est le “la colère c’est mieux quand ça sort”. Sauf que les études montrent que si vous la faites sortir en traitant de nom d’oiseaux celui qui vous a fait une queue de poisson, vous allez amplifier la sécrétion de cette hormone. Il vaut mieux faire un exercice physique qui n’amplifie pas l’émotion (par exemple, aller marcher).

Cette hormone dans le cas de la colère nous empêche simplement de raisonner, il est donc quasi impossible de trouver une issue heureuse à notre conflit dans cette situation. La capacité à maitriser mes émotions fait partie du domaine de l’intelligence émotionnelle.

Voici un exemple pratique :

Jean, un chef de projet, reçoit des retours négatifs sur un projet important lors d’une réunion avec sa direction. Il ressent immédiatement de la colère et de la frustration. Sans Intelligence émotionnelle, Jean pourrait laisser sa colère prendre le dessus, répondre de manière défensive ou même agressive, ce qui pourrait nuire à sa réputation professionnelle et à ses relations de travail. En utilisant son intelligence émotionnelle, Jean prend un moment pour reconnaître ses émotions internes sans réagir immédiatement. Il utilise des techniques de respiration pour se calmer et demande des clarifications sur les retours, montrant ainsi son ouverture au dialogue et sa volonté d’améliorer le projet. Plus tard, il réfléchit sur la situation qui a déclenché sa rage afin d’en tirer des conclusions sur la manière dont il peut s’améliorer.

La peur et l’angoisse

Sœur de la peur, l’angoisse peut générer deux situations : la première qui est saine va permettre d’identifier la situation problématique et de se préparer; la seconde est plus problématique et va tourner en rond dans notre tête. Nous allons passer d’un problème à l’autre sans en tirer d’action utile. Certains arrivent même au point d’être inquiet de devenir inquiets !

Pour lutter contre cette mélancolie, nous avons plusieurs remèdes, le changement de point de vue et les petits plaisirs. Il est bon de se poser la question de savoir quelles sont les hypothèses qui nous causent de l’anxiété, puis d’en formuler une alternative plus positive pour éviter de nous bloquer dans notre perception.

Voici un exemple de pratique :

Paul est un employé qui doit présenter un rapport important à son patron demain. Il se sent angoissé à l’idée de ne pas être à la hauteur, de faire des erreurs, ou de décevoir son supérieur. Il imagine le pire scénario possible : son patron le critique sévèrement, le menace de le licencier, ou de l’humilier devant ses collègues.

Pour sortir de cette anxiété, Paul peut commencer à réfléchir aux déclencheurs de celle-ci et formuler d’autres hypothèses positives afin de ne pas s’enliser dans ses pensées. Par exemple, il peut se dire que son rapport est bien fait, qu’il a travaillé sérieusement, qu’il a des compétences et des qualités, et que son patron va reconnaître son travail. Il peut aussi se rappeler des fois où il a réussi à faire de bonnes présentations, ou des feedbacks positifs qu’il a reçus. Il peut se dire que son patron n’est pas un tyran, mais un être humain qui peut comprendre et apprécier ses efforts. Il peut se dire que, même si son rapport n’est pas parfait, il peut toujours l’améliorer en apprenant de ses erreurs.

La deuxième option consiste à intégrer des petits plaisirs, des moments pendant la journée qui vous font plaisir (par exemple, un bon bain chaud ? Un bon film ?). On s’angoisse moins quand on vit des moments positifs. Cela permet de se rassurer et, combiné à la première étape, il est possible de cesser de vivre dans une spirale d’anxiété.

La tristesse

La tristesse est aussi synonyme de perte de motivation et d’inaction. Pour y remédier, nous avons besoin de faire l’analyse de la problématique et de trouver du soutien.

Voici un exemple de cas :

Amélie, une responsable marketing, apprend que son entreprise va subir des coupes budgétaires qui affecteront son département. Elle ressent une grande tristesse et de l’incertitude quant à l’avenir de son équipe.

Réaction sans intelligence émotionnelle : Amélie pourrait se laisser envahir par sa tristesse, ce qui pourrait l’amener à négliger ses responsabilités ou à communiquer négativement avec son équipe, affectant ainsi le moral de tous.

Réaction avec intelligence émotionnelle : Amélie prend un moment pour reconnaître et accepter sa tristesse. Elle décide ensuite de partager ses préoccupations avec son équipe de manière transparente, en encourageant un dialogue ouvert sur les défis à venir. Ensemble, ils explorent des solutions créatives pour s’adapter aux changements budgétaires.

La tristesse est aussi une émotion principale dans la dépression et le burn-out. Cependant, si vous vous sentez dans ce cas, je vous invite à consulter un médecin du travail ou un médecin spécialisé qui saura vous orienter vers une solution plus adaptée.

Pour revenir à notre cas de tristesse au travail, voici trois idées qui permettraient de mieux la vivre et de la transformer en actions concrètes :

  • Identifiez la tristesse et permettez-vous de la ressentir sans jugement.
  • Communiquez vos sentiments de manière constructive et cherchez du soutien auprès de vos collègues ou d’un professionnel si nécessaire.
  • Transformez les émotions en actions positives, comme l’élaboration de plans d’action ou la recherche de nouvelles opportunités.

Les autres émotions

Les autres émotions ont des effets plus positifs et suscitent moins de questions. Cependant il est aussi bon d’en prendre conscience, car elles sont le signe que des besoins en nous sont remplis. Vous pouvez aussi ajouter un temps à l’endroit où vous ressentez des émotions positives afin d’identifier ce dont vous avez besoin et de maintenir les stratégies associées.

QI et QE

Depuis des années, la société met en évidence le QI comme indicateur de réussite, il fonctionne plutôt bien pour avoir un indicateur de réussite scolaire. Cependant, dans un milieu complexe, il est très vite limité. Suite à de nombreuses études, il semble que le QE (quotient émotionnel) qui permet de mesurer l’intelligence émotionnelle est un bien meilleur indicateur de réussite.

Prenons un exemple en forçant le trait pour mieux saisir le point. Imaginons qu’un élève soit parfait dans tous les domaines : il travaille très fort et ses résultats sont exceptionnels. Seulement, pendant ses études, cet élève n’a que très peu développé son intelligence sociale, cela peut avoir des conséquences dans son intuition envers ce que les autres peuvent ressentir, dans la maitrise de ses émotions, dans sa capacité à gérer les relations humaines. Cependant, ce sont ici les compétences que nous demandons à un bon manager, un dirigeant. Je ne dis pas qu’un individu ayant un fort QI aura forcément un faible QE. Il s’agit plutôt d’une corrélation qui n’est pas évidente, même si elles sont importantes pour le monde de l’entreprise.

Mais du coup, quelle est la définition de l’intelligence émotionnelle ?

Dans son livre, Daniel Goleman relate les trouvailles de Solvey qui se base sur les travaux de Gardner. Il répartit l’intelligence émotionnelle en quatre domaines.

  • Connaissance des émotions : conscience de soi. Savoir ce que l’on ressent est la base pour pouvoir le gérer et en comprendre le mécanisme. Maitriser ses émotions demande donc une bonne connaissance de soi. Cela permet de contrôler les injonctions demandées par les émotions, de rester calme dans des situations pourtant compliquées et tendues. Cela permet aussi de mieux supporter les contrariétés et les obstacles que l’on rencontre sur son chemin de vie.
  • Automotivation : Ce domaine détaille les capacités à maitriser ses pulsions de désirs pour pouvoir avancer et se motiver. Avec la maitrise on peut se mettre dans un état dit de “fluidité”, cet état permet d’être performant et efficace, peu importe la situation.
  • Perception des émotions d’autrui : La compétence liée à l’intuition des émotions des autres est indispensable dans tous les métiers où l’on doit communiquer. Soit pratiquement tous, disons-le ! Cela permet d’adapter son discours et ses actes pour répondre aux besoins de l’autre. Construire de meilleures relations mène à une meilleure productivité.
  • Maitrise des relations humaines : C’est la capacité à entretenir ses relations, c’est une des compétences les plus intéressantes pour un dirigeant ou un meneur. Elle permet le tissage d’un réseau de relation harmonieux et efficace.

Optimisme, marqueur de réussite.

Voici une petite mise en situation pour vous faire réfléchir :

“Vous espérez une mention “bien” à votre examen, et voilà que vous obtenez une note inférieure à la moyenne lors de votre première épreuve qui compte pour un tiers de la note. Vous connaissez le résultat depuis une semaine. Que faites-vous ?”

C’est la question qui a été posée à de nombreux étudiants de niveau équivalents pour mesurer l’effet de cet échec sur leur motivation. Cela a permis d’identifier deux populations, les pessimistes et les optimistes. Les premiers ont abandonné leur travail sans parvenir à atteindre leur objectif. Le second groupe a travaillé encore plus et réussit à valider leur mention.

La maitrise de ses émotions est essentielle dans le changement. Il faut comprendre sa peur ou sa tristesse pour pouvoir les laisser de côté, puis utiliser cette énergie pour faire du travail et s’améliorer.

Ceci correspond parfaitement aux facultés de gestion des émotions offertes par l’intelligence émotionnelle et à la manière d’utiliser la déception pour se motiver soi-même.

Synchronicité et contagion des émotions

Dans les travaux de John Cacioppo, nous trouvons une notion de synchronie émotionnelle. C’est la fâcheuse tendance pour une émotion à se propager dans son environnement.

Que ce soit le stress, la tristesse, la joie ou la colère, quand un individu ressent cette émotion dans un groupe, elle a une tendance à se propager d’un individu à un autre. Or nous savons maintenant que sous le coup émotionnel nous ne savons pas travailler et raisonner de façon efficace. Qu’en est-il si tout le groupe est sous cette même joue émotionnelle ? Vous l’avez deviné, c’est pire. Une personne dans le groupe capable de détecter une émotion, l’accueillir, la laisser passer, la maitriser va grandement augmenter la productivité du groupe et son action en cas de stress.

Peut-on développer son intelligence émotionnelle ?

Il est tout à fait possible de développer son intelligence émotionnelle, cela à un impact direct sur notre productivité et notre bonheur au travail. Pour cela, la première étape est de comprendre ses émotions.

Savoir identifier ses émotions et leurs nuances est un travail quotidien, mais il va permettre de servir de base à la compréhension des besoins sous-jacents.

Voici un petit exercice simple pour travailler sur vos émotions :

Etape 1 : le journal émotionnel

Pendant une semaine, prenez quelques minutes chaque jour pour écrire les émotions que vous avez ressenties. Notez les situations qui les ont déclenchées et comment vous avez réagi.

Étiquetage des émotions : Utilisez un vocabulaire riche pour nommer vos émotions. Au lieu de dire simplement “je suis énervé”, essayez de préciser, par exemple, “je suis frustré” ou “je me sens déçu”.

Réflexion : À la fin de la semaine, relisez votre journal et réfléchissez aux motifs récurrents émotionnels. Cela vous aidera à mieux comprendre vos réactions émotionnelles habituelles.

Pour cela, utilisez une carte. J’utilise celle d’Art-Mella, qui se trouve sur le site de la conscience quantique : disponible ici.

Je vous conseille d’ailleurs son livre sur les émotions, il est passionnant et s’adresse à tout âge !

Après quelques jours/semaines de pratique, vous aurez déjà un meilleur vocabulaire émotionnel et vous commencerez à les identifier sur le moment.

Etape 2: l’association émotion-besoin

Derrière chaque émotion se cache un besoin assouvi ou non rempli. Vous allez maintenant creuser la raison pour laquelle vous ressentez cette émotion. Qu’est-ce que cette situation vous procure, vous empêche de faire ? Qu’est-ce que vous aimeriez vivre en cet instant ?

Liste des besoins : Créez une liste des besoins humains fondamentaux (par exemple, besoin de sécurité, d’acceptation, de respect, etc.). (Vous pouvez aussi utiliser celle d’Art Mella disponible ici)

Association émotion-besoin : Lorsque vous ressentez une émotion forte, demandez-vous quel besoin pourrait ne pas être satisfait. Par exemple, si vous vous sentez rejeté, le besoin sous-jacent pourrait être celui d’appartenance.

Plan d’action : Réfléchissez à des actions concrètes que vous pourriez entreprendre pour répondre à ce besoin non satisfait de manière saine et productive.

Conclusion

Connaitre ses émotions, et comprendre celles des autres est fondamental pour la réussite en entreprise. C’est une compétence bien souvent négligée par nos parcours scolaire et mérite qu’on s’y attarde. Avec les exercices vous pourrez maintenant comprendre vos émotions et ce qu’elles vous indiquent. Vous saurez de mieux en mieux réagir rapidement et les maîtriser. C’est les premiers pas vers la réussite et le bonheur !

Et vous ? Quelle place ont vos émotions dans votre environnement de travail ? Pouvez-vous les vivre pleinement ou vous sentez-vous restreint ?

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