— Un article de Mathieu Aribart & Jérémy Mahieu, pour l’ADN Magazine.

Le clip est mort.
Vive le clip.

Été 1983… “- Allo?
- Walter, le disque n’est plus n°1. Que fait-on?
- Dormons et gérons ça demain Michael, il est 3h du matin.
- Je pense qu’il faut faire un clip pour Thriller…”

Brass Stories
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2 min readNov 11, 2015

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C’est à peu près ainsi que le vidéoclip le plus connu de la Création vit le jour. Retour au sommet. Écoulement invaincu de 65 millions de copies.
On connait la suite…

Au delà du succès interplanétaire du LP éponyme, ce véritable court-métrage de 14 minutes fit le triomphe d’MTV, producteur exclusif éclairé qui alla jusqu’à le diffuser 2 fois par heure, durant une apogée qui dura un an et des…

Ce clip inaugura l’âge d’or de la chaîne musicale câblée, jusque là confidentielle. Et à travers elle, le triomphe du vidéoclip en tant que format, jusqu’à une certaine prééminence sur la pop-culture au milieu des nineties.

Pour le plaisir:

En 2015, le clip est encore omniprésent. Démocratisé, il abreuve les plateformes vidéo et inonde nos feeds. Incontournable, il est paradoxalement devenu jetable. Nulle part d’être partout.

Virtuellement, un groupe sans clip n’existe pas. Passage obligé d’un début de présence et de crédibilité sur les Internets, s’en passer relève du suicide. Il vous faut ces 3 minutes de video, quitte à kickstaxez ses fans si nécessaire.

La suite? Au mieux, 24h de mise en avant exclusive sur un site spécialisé. Quelques centaines de RT/like/share et une éphémère rotation dans la musicosphère. Avant que le monstre médiatique ne change inéluctablement d’obsession…

La fluidification de la diffusion de l’œuvre en ligne, quoique souhaitable à bien des égards, réduit souvent son expérience à une fenêtre miniature au son surcompressé, ne transmettant qu’une impression atrophiée. A l’impact amoindri.

Ce mur technique, s’y heurtent régulièrement les ambitions artistiques de créateurs parfois aussi célébrés que Larry Clark. Témoin le nombre anormalement modeste de vues pour le clip de “Got To Belong” réalisé pour le groupe Natas Loves You.

Pourtant, dès que les moyens rencontrent le savoir-faire, le vidéoclip se révèle un territoire d’expérimentation exceptionnel aux frontières de l’art et de la communication.

Sans avoir à pousser le bouchon jusqu’au Chrome Experiment d’Arcade Fire, les possibilités techniques 2.0 étendent au loin le champs des possibles. Stimulée, nécessaire pour sortir du bruit, la créativité est là. L’intérêt du public aussi.

Beaucoup d’acteurs auraient à gagner en s’intéressant à l’énergie représentée par une telle frustration de talents. Un tel manque d’expériences alternatives à un Youtube omniscient. Un si magnifique champ de ruine.

Le clip est mort. Vive le clip.

Mathieu Aribart & Jérémy Mahieu. Rework d’une parution de Brass pour l’ADN Magazine, janvier 2015.

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