Pourquoi la cassette revient-elle ?

Brass Stories
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3 min readMar 17, 2015

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On la voit partout. Depuis Disney jusqu’aux coques iPhones d’ados qui ne l’ont pas connu. Ses lecteurs les plus emblématiques, technologies d’un autre âge nommées Walkman, se négocient 300€ sur eBay pour un TPS-L2 originel emballé -1,500 pour le Graalesque WM10.

Après le vinyle, des légendes la rééditent et des illuminés lui consacrent des labels hypissimes. Oui, la Cassette revient… Certes pas via ses ventes encore confidentielles, mais du moins en tant qu’icône pop.

Sûr, les 80's revêtent en 2015 à nos yeux nostalgiques un petit coté sympa. Mais comment se fait-il que son support roi, sommaire rectangle de plastique à la bande magnétique facétieuse, se permette un tel comeback?

A cette question une seule réponse simple: parce que c’est cool. Nul ne peut plaider l’aspect pratique ou esthétique de la K7 en 2015. Si elle possède bien un grain, on ne peut honnêtement prêcher une expérience sonore incomparable. Et son flux continu de musique a largement été émulée depuis…

Certes, son coût de fabrication et sa flexibilité de reproduction donnent une explication économique à son retour en grâce auprès de labels indés fragilisés. Mais serait-ce le cas si la tape n’avait pas cet immortel charisme?

Ce dernier est peut-être la raison de ce succès, mais d’où provient-il?
Et tentons de dépasser un réflexe (anti)hypsteriste primaire, s’il vous plait…

Pourquoi c’est cool?

La cassette est, dès ses origines, liée à l’art premier de la mixtape. Son aisance d’enregistrement et de repro est alors inédite. Quand certains en façonnent des compilations bassement utilitaires, d’autres poussent plus loin la discipline, y voyant la possibilité d’un arc narratif (trop?) conceptuel.

La pratique, première velléité de piraterie, agacera l’industrie du disque. Tout comme ces débuts de morceaux loupés qui ont joué avec vos nerfs.

La Tape jouit aussi d’un pedigree ‘street’ unique. Bootleg vendus fin 70's dans les clubs de Harlem, les party tapes des mixes de Kool Herc ou Africa Baambata propagèrent la culture Hip-Hop balbutiante.

Les jeunes rappeurs et beatmakers des années 80 et 90, eux, diffusaient localement leurs premières productions à l’aide de mixtapes K7 aux samples pas très clearés. Ce format bien vivant, même coupé de son support originel, lui doit tout.

Aujourd’hui encore, les faibles coûts de reproduction de la Cassette et sa facilité de manipulation favorisent enfin les tirages les plus exclusifs (les ltd éditions de 20 K7 ne sont pas rares) et les expérimentations les plus perchées.

Lieu de résistance des subcultures DIY les plus créatives, loin des clichés de nostalgie figée, la cassette-culture est un océan caché sous Internet. Un truc d’initiés appréciant le son non-pasterisé et les artworks artisanaux.

Packaging bio d’une cassette de Sitar Outreach Ministry, ficelée dans des feuilles le tout dans une poche plastique évocatrice.

Support d’entre toutes les mains, la cassette n’est jamais aussi charmante que lorsque s’y niche notre naïveté. Tant d’efforts ont été déployés de part le monde pour en faire l’objet parfait qu’elle ne saurait jamais être.

C’est pourquoi elle nous touche tant. C’est sa forme de beauté. Le trait qui lui donne une âme, cette chose si rafraîchissante en 2015.

Alors oui, la cassette est, toujours, plus que jamais, cool.

- Mathieu Aribart.

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