Bref, aujourd’hui j’avais rendez-vous à Pôle Emploi.

Tout d’abord merci à Kyan Khojandi pour cette formule. Elle est très opportune dans mon cas.

Je l’attendais depuis des semaines, et enfin aujourd’hui j’avais mon premier rendez-vous avec mon conseiller Pôle Emploi ! Rendez-vous tant attendu puisqu’il marquait un tournant dans ma nouvelle vie d’entrepreneuse et était un élément clé dans la création de mes boîtes. Vous avez bien lu oui, MES boites. Car je ne monte pas Une mais Deux entreprises que je vais bien sûr assurer seule. Oui vous avez le droit de penser que je suis folle, je me le répète d’ailleurs assez souvent.

Mais le sujet n’est pas celui de ma folie. Mais de cette aventure que j’ai eu la chance de vivre ce matin.

Parlons déjà de l’emplacement. J’ai, avec un peu de recul, trouvé qu’il était une belle métaphore du marché du travail : j’ai galéré pour le trouver !
Mon agence est cachée au beau milieu de nouvelles et d’anciennes constructions, dans un quartier en pleine réhabilitation du 17ème.
Et je peux dire qu’aujourd’hui la signalétique m’a sauvée. Bon j’ai aussi réalisé que ma vue de loin n’était plus aussi bonne et que les petits panneaux indiquant “Pôle Emploi” avaient surement été conçus par des hypermétropes.

Bref, je trouve enfin l’entrée et là aucune surprise : un open space avec personne pour vous accueillir à part une borne informatique que je dois être la seule sur 10 personnes à remarquer à mon arrivée. Heureusement elle me fait gagner du temps sur la longue file d’attente pour l’accueil physique. Et je peux m’installer directement en salle d’attente.

Comme je suis en avance (et j’ai bien fait étant donné la difficulté à trouver le lieu!) je commence à observer les personnes autour de moi. Très représentative du 17ème : hétéroclite, de tous âges, et de toutes origines. Et pour ceux qui pensent que l’habit fait le moine, de toutes classes sociales aussi. Il y a une dame avec sa petite fille qui a du mal à retrouver ses identifiants, le jeune homme qui vient de sortir de son entretien apparemment un peu agacé et puis les gens qui attendent patiemment sur leur chaise comme moi. J’observe donc cette foule tout en jetant un coup d’oeil à mon livre compagnon du moment “3 kifs par jour” de Florence Servan-Schreiber.
Et je me dis que c’était pas mal, il y a à peu près dix ans quand j’ai connu pour la première fois Pôle Emploi. Nous étions répartis en secteur d’activité. Bon le système n’avait pas été assez intelligent pour aller aussi loin que d’imaginer créer un réseautage interne de gens du même milieu qui auraient pu connecter et s’entraider. Soit, et nous n’avions pas non plus des conseillers experts dans notre domaine mais bon, parfois je m’étonne à rêver un monde meilleur et plus smart, et après je me réveille.

Mais je fais encore des digressions.
Donc je suis la tête à moitié plongée dans mon bouquin lorsque j’entends mon nom. 12:00, pile poil l’heure de mon rendez-vous. On ne rigole pas avec la ponctualité à Pôle Emploi ! Un point positif de marquer.
Mon conseiller est un jeune homme, plutot bon signe je pense intérieurement.
Il m’invite à m’installer dans son box/bureau. Il n’est pas très expressif et me dit bonjour une fois que nous sommes installés.
Il me regarde tout en pianotant sur son clavier pour accéder à mon dossier. M’explique tant bien que mal le montant de mon indemnité, tout en m’avouant timidement qu’il ne comprend pas grand chose au calcul.

Vient ensuite le moment fatidique de la définition de mon projet. Aïe. Bon il est jeune ça devrait passer. Alors comment lui expliquer que je suis une slasheuse… Euh non je ne vais pas employer ce terme, il n’est pas prêt.
Il me dit : “vous avez noté formatrice et chef de cuisine, c’est à dire?”
Bah comme tu viens de le dire je vais créer deux entreprises, l’une de formation sur les produits Apple et l’autre de traiteur. OK. Silence. “Mais c’est à dire de la formation sur les produits Apple”… Je prends ça pour de la curiosité professionnelle, il veut comprendre le projet pour le saisir au mieux dans son dossier. On en vient ensuite au rapport avec l’autre activité de cuisine. Rien à voir, cherches pas mon gars! Je suis comme ça je suis une gymnaste qui aime les grands écarts !
Il m’apprend qu’on peut dire traiteuse, féminin de traiteur. Je rétorque que c’est moche et que je ne le mettrai pas sur mes cartes de visite, avec un sourire.

Il réfléchit et finit par me demander comment je vais gérer ces deux entreprises de front. Question légitime. Je lui explique donc ma stratégie organisationnelle, les lieux de coworking, les cuisines partagées…
Il reste coi. Pensif. Et me dit “mais ça existe ça???” Et oui, je lui fais découvrir un autre univers. Celui des entrepreneurs de la démerde, qui cherchent toutes les solutions possibles pour rendre leur projet viable. Le type ne doit pas croiser ce genre de projet tous les jours…
Vous être le travailleur de demain en fait…” punchline du jour.

Le rendez-vous se termine sur ces découvertes, 20 minutes après au lieu des 40.
Il me salue en me disant “bon c’était le premier et le dernier rendez-vous. Vous ne reviendrez pas.” En effet tu as raison tu ne me verras pas en entrevue tous les mois pour une recherche d’emploi. Je vais vaquer à mes occupations de manière autonome, comme tu l’as signalé pendant notre entretien.

Je ressors de là, moi aussi coie et dubitative. Me faisant la remarque que ce n’était pas ce que j’attendais de mon entrevue avec Pôle Emploi…
Ne serait-ce pas à eux de guider les gens sur la nouvelle vision du monde du travail ? De les informer sur les différents statuts juridiques qui vont bientôt remplacer l’indétronable CDI ? De leur trouver des solutions innovantes d’organisation du travail, qui n’est plus celui d’un énorme open space d’une grosse entreprise ?
Que ces organismes d’état sont désués !
Est-ce que le fait de les privatiser les forceraient à se tenir au courant du monde du travail contemporain ?
Savent-il que l’intelligence artificielle va remplacer et enterrer un certain nombre de métiers, et vont-ils trouver des solutions pour toutes ces personnes qui vont se retrouver sans boulot du jour au lendemain ?
Malheureusement je ne pense pas.

C’est donc à nous de leur prouver qu’il existe une catégorie de personnes qui n’est pas au chômage dans le but de toucher un maximum d’indemnités le plus longtemps possible. Mais capable de chercher l’info où elle se trouve (merci le web!) et de se créer son projet professionnel à la carte sans s’aliéner le monde du travail.
J’espère faire partie de cette catégorie qui en effet n’a plus besoin de Pôle Emploi et pourrait se contenter d’une app pour les démarches administratives.
Je préfère que ces personnes soient disponibles pour des travailleurs plus en difficultés que moi. En espérant qu’ils soient des guides…

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