Les grands espaces.

Stéphane Becker
Le jeux vidéo au pays des bretzels
4 min readOct 3, 2017

La démission récente de Philippe Richert du poste de président de la région grand est, et la discussion de ce midi entre gens de bonnes compagnies, me font dire qu’il serait peut être temps que je dise un ou deux trucs concernant cette histoire de fusions des régions.

Jusqu’à présent, j’avais toujours hésité à parler de ce sujet, parce que là j’ai une confession à vous faire de suite : je suis mosellan, né à Forbach. Cela fait maintenant 24 ans que je vis à Strasbourg. J’y ai créé deux entreprises, embauché pas mal de gens, et j’avais jusqu’à récemment un fort engagement associatif afin de construire un avenir numérique à cette région que j’aime.

J’ai donc une vision sur cette grande région depuis le prisme de cet engagement dans l’économie et le numérique. Et je pense que je peux m’exprimer sur le sujet même si certains vont encore me rappeler mon lieu de naissance comme ce fut le cas à l’époque sur Facebook.

Tout d’abord, je ne pense pas que l’identité alsacienne soit en danger d’une façon quelconque. L’Alsace est une région à l’identité forte et dont la marque est aussi fortement présente à l’étranger. Quand je suis aux Etats Unis et que j’explique que je viens d’Alsace, ça parle aux gens. De même partout en France on connait pas mal de particularisme de la culture Alsacienne.

Nous pouvons le dire franchement, nous avons la chance de vivre dans une région merveilleuse avec une gastronomie au top et des talents à la pelle conscients d’être alsaciens.

Par contre, depuis la création de la région Grand Est, où nous avons tous l’impression que cela nous est tombé dessus un peu par mégarde sur le coin de la figure, on assiste à un phénomène assez spectaculaire. Ce phénomène c’est le retour de votre oncle, vous savez, celui qui a des idées à la con, et que vous aviez convaincu qu’il devrait peut être la fermer parce que ça serait bon pour tout le monde. Cet oncle qui professe depuis toujours une autonomie complète de l’Alsace, drapé dans son drapeau monégas…euh rot und wiss. On pensait qu’il avait disparu, et bien non, grâce à cette réforme mal branlée il est de retour, et il pourrait même faire de bons résultats aux élections s’il avait un peu de charisme.

C’est un peu folklorique cette histoire, mais cela installe directement un climat quelque peu malsain où chacun s’invective à qui sera plus alsacien que son voisin. C’est d’autant plus naze que moi, les alsaciens que je connais, sont plutôt du genre ouvert à parler plusieurs langues, à commercer avec les pays d’à côté.

Mais revenons à nos moutons économiques. Depuis la création de cette grande région, il a été demandé à toutes les organisations du champ économique de se mettre au diapason du Grand Est. Et pour faire simple quand on est bénévole et qu’on doit se taper 3h de route pour faire 30mn de réunion, on questionne sérieusement son engagement.

Au final les seuls qui peuvent se permettre ce genre d’escapade de manière régulière, ce sont soit les retraités, soit les gens qui sont rémunérés pour ce genre d’activités, et encore… Quand je vois un élu, basé à Strasbourg, qui poste une photo de Bar Le Duc à 8h du matin, je me dis que sa nuit a du être courte et que la vie ne doit pas être facile pour lui.

Ce que je dis n’est pas circonscrit aux élus et professionnels Alsacien. J’ai autant de compassion pour les habitants éloignés que l’on forcerait à venir jusqu’à Saint Louis. Au final on se rends compte de l’évaporation de ressources du aux transports à travers ce territoire gigantesque.

Alors on pourrait sans doute déjà faire de la visioconférence pour s’éviter des déplacements. Mais outre le fait que le contact humain est souvent nécessaire, on se rends compte que souvent les équipements existent mais ont été très peu utilisés.

Globalement l’engagement des bénévoles, lorsqu’on les soumet à des contraintes de transport de ce type, a juste tendance à fléchir sérieusement.

Et puis, il y a enfin le dernier point, le truc un peu glauque. L’espèce de course à l’échalote où dans une telle collectivité, tout le monde espère ramasser plus au niveau de la cagnotte que les voisins. Chacun jouant des coudes pour obtenir plus de financements publiques. En off on vous l’avoue assez rapidement, “on roule pour le local vs le régional”, en on, on est tous copains dans une grande farandole de camaraderie et d’allégresse.

Tout cela pour dire que je ne sais pas si je suis qualifié pour dire si cette réforme est un succès ou non ; mais de mon point de vue associatif, la réponse est clairement non.

Alors maintenant que faire au moment où le leadership change à la tête de l’exécutif régional ? Je pense que la colère ici en Alsace est palpable, le sujet revient régulièrement sur la table et les partisans du Grand Est, ceux qui sont convaincus par ce nouveau découpage, sont pour le moins difficile à trouver. Nous avons pas mal de gens qui s’occupent de gérer les manettes du “gros machin” parce que quelqu’un doit bien le faire, mais je n’ai pas l’impression qu’on parle ici de convictions.

Mon opinion est assez simple, il est assez urgent de trouver la marche arrière sur ce véhicule, et de remettre en place des régions gérables par des individus et pas uniquement par des techno-structures.

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Stéphane Becker
Le jeux vidéo au pays des bretzels

CEO à Method In The Madness. Geek. Gamer. Développeur. Entrepreneur.