Tout ça pour un footballeur brésilien…

Stéphane Becker
Le jeux vidéo au pays des bretzels
7 min readAug 26, 2017

Octobre 2016, au F.C. Barcelone, un des meilleurs clubs de la planète, on venait de conclure la rallonge du contrat de Neymar Jr. Dans le contrat de cet homme appelé à être le futur leader de l’équipe, une fois que Messi aurait passé la main, une clause habituelle libératoire de 222 millions d’euros, une augmentation de plus de 22 millions par rapport au précédent contrat.

“Moi j’ai toujours un autre maillot sur moi au cas où je salie celui que je porte”

A vrai dire, pour les dirigeants du club, il n’était pas question que quelqu’un paye cette clause. L’idée était plus de dissuader ceux qui voudraient tenter l’aventure et venir chiper celui qui n’est plus un espoir mais un joueur confirmé.

C’était sans compter les velléités du Qatar dont la communication, le “soft power” passe par le sport, et plus précisément par le Paris Saint Germain. Le club traversait alors une crise existentielle ; après l’humiliante défaite à Barcelone 6–1 qui les avaient éliminé prématurément de la champion’s league, nombreux étaient ceux qui se moquer du PSG et de sa capacité à recruter ce que l’on appelle communément les “top players”. Déjà en début de mercato, lorsque le club s’est placé sur Danny Alves, le son de cloche des détracteurs était bien réglé : “Personne ne veut venir dans un club comme le PSG”. Quelques semaines plus tard, il fallait se rendre à l’évidence, Alves était bien arrivé à Roissy et non pas à celui de Manchester.

Nous étions loin de la fin des surprises, parce que penser que Neymar pouvait venir au PSG après son numéro de 2016 où il avait juste utilisé le club Parisien pour faire monter son salaire, c’était un autre niveau.

Mais la vrai surprise c’est que finalement c’est devenu la polémique de l’été. Tout était trop : son transfert de 222M€, son salaire de plus de 30M€ annuel. Comme si on découvrait d’un seul coup le marché des transferts dans le football. Mais bon, il fallait bien remplir les journaux dans une période où classiquement il ne se passe pas grand chose.

Et sur les réseaux sociaux, ce fut la curée.

Entre les hommes politiques qui faisaient la confusion entre son salaire (qu’il touche) et son indemnité de transfert (qu’il ne touche pas), ceux qui nous ont sorti des comparaisons encore plus putassière avec des gens qui meurent de faim, chaque détracteur y est allé de son argument à deux balles pour dire que “trop c’est trop”. Alors là d’un seul coup je me suis dit, tiens je pourrais écrire un petit article sur le sujet pour donner quelques éléments de réflexions. Ca tombe bien, vous êtes en train de le lire !

D’où vient tout cet argent ?

C’est la première question que pas mal de gens se posent. L’explication est très simple ; si vous regardez en France, cela fait depuis longtemps que l’on ne peut plus suivre de matchs de la ligue 1 sur des chaines “en clair”. Nous sommes donc forcés de regarder des chaines à péages, où le football constitue souvent le principal produit d’appel. On a ainsi vu de nombreuses batailles et autres surenchères sur les droits entre des groupes de médias qui font derrière leur tambouille économique pour être viable.

C’était le premier mouvement dans les années 90 qui du coup a injecté beaucoup plus d’argent dans le football. Le deuxième mouvement est la mondialisation du football et l’émergence de nouveaux marchés. Plus précisément on parle du marché asiatique ou visiblement en Chine par exemple, le foot c’est mode.

En l’espace de 20 ans, le prix de retransmission d’un match de la premiere league a été multiplié par 10, passant de 600k à plus de 6 millions. L’effet de bord ? Maintenant on a des matchs de foot à 11h du mat, histoire d’être dans le bon fuseau horaire pour les chinois, le prix à payer pour avoir leur argent.

Les droits de la ligue anglaise sont donc de plusieurs milliards par an à présent et cet argent ruisselle sur l’ensemble du football, surtout quand les anglais viennent acheter des demi brêles en France pour le prix d’un Platini de l’époque.

Et s’ils ont cet argent c’est parce qu’à un moment, le téléspectateur est prêt à payer pour avoir accès au spectacle. Si ça ne vous plait pas, vous pouvez encore regarder les championnat européen de league of legend, c’est encore gratuit !

Le foot c’est pourri, on achète la victoire !

Argument récurrent, avec tout cet argent les clubs achètent la victoire. Il n’y a plus d’outsiders. C’est la dèche.

Je pourrai simplement vous dire d’aller relire “The Wages Of Wins”, un livre écrit par un économiste qui analyse ce genre d’affirmations à la lumière de la réalité. Mais une simple lecture du classement de ligue 1 l’année dernière en France suffit à battre en brèche ce mythe. En effet, regardez le, le premier était le 3ième budget de la ligue, le 2ième le 1er et le 3ième, Nice, le 10ième budget.

Pendant longtemps d’ailleurs, Nice caracolait en tête de la ligue. Un peu en perte de vitesse sur la fin de saison cela ne l’empêchait pas de battre l’ogre PSG, et de manière franche. Et on ne parlera pas des clubs qui ont du budget et qui ont globalement régulièrement planté leurs achats de joueurs en investissant dans des sportifs aux rendements plus que discutable (L’OL, si tu m’écoutes…)

La vérité est que dans le sport, il subsiste de nombreuses inconnus, et que parfois même dans le championnat le plus huppé au monde, le gus qui gagne à la fin personne ne l’avait venir, même pas les bookmakers qui avaient chiffré la probabilité que Leicester gagne la premier league au même niveau que la découverte d’Elvis Presley vivant.

Si tout est aussi simple, les paris sportifs n’existeraient pas.

Neymar coute x fois le prix de <<insérez un joueur connu>> !

Nombreuses ont été les comparaisons, souvent avec des Zidanes (5 fois moins cher) des Maradonas (45 fois moins cher) et des Platinis. C’était un peu sur le ton de “merde pour 100 balles t’as plus rien”. Et ce n’est pas faux, et vous savez, ce n’est pas le seul secteur qui a ce problème. Tenez, prenez l’immobilier, au hasard. Vous avez toujours un mec pour critiquer votre achat d’appartement à Paris parce que lui ses parents ont acheté un 3 pièce à 100.000 euros… mais dans les années 80.

On l’a dit juste avant, il y a de plus en plus d’argent injecté dans le football. Cela entraîne une course au talent, car ce qui est rare est cher. 80% du talent de Neymar, ça coûte 40M, 100% ça coûte 5 fois plus. Si maintenant on donnait une machine à voyager dans le temps à Nasser pour qu’il aille chercher des joueurs dans le passé au prix de l’époque, je peux déjà vous donner la doublette d’attaque du PSG à ce moment là : Di Stefano et Puskas. Et ça coutera même pas 3 jours de salaire de Neymar.

Neymar, ça vaut pas ça !

Il y a eu de nombreuses variantes sur ce thème. Entre les gens qui trouvent ça dingue de payer Neymar à ce tarif là par rapport au prix d’un autre joueur, à ceux qui détestent le football tout court et qui vous sortent la traditionnelle phrase “on pourrait leur payer un ballon à tous”.

Il s’avère que Neymar est un des trois meilleurs, dans un domaine où il y a énormément d’argent. C’est d’ailleurs assez remarquable de voir que Neymar, salarié de son club, est en position de force pour négocier la rétrocession d’une part non négligeable du chiffre d’affaire de l’entreprise qui l’emploie. On gagnerait à avoir ce pouvoir de négociation pour les autres salariés.

Cela transforme un peu les sorties des élus de la France Insoumise en remarques lunaires où on se demande qu’est ce qui les fait chier dans le fait qu’un salarié arrive à bien négocier son salaire. Ils préfèrent que tout le monde soit pauvre et malheureux ?

C’est d’ailleurs assez comique, parce que si vous vous étiez amuser à faire un sondage à la sortie de Guingamp — PSG pour savoir si Neymar mérite son salaire, je pense que le résultat du oui serait un multiple d’une réponse à la question “les députés méritent-ils de gagner autant d’argent ?”. Comme quoi le populisme c’est un peu comme un boomerang, parfois ça revient dans la figure.

Au final, sur ce coup là, le PSG achète un joueur mature qui a fait ses preuves, qui a une aura internationale, et qui va même faire monter les droits télévisés de la ligue 1 française. En plein alignement avec les objectifs du Qatar de faire parler d’eux. What else ?

Conclusion.

La conclusion c’est qu’il nous fallait bien une polémique pendant le mois d’août et que sur ce coup là on se rends compte qu’un joueur comme Neymar transcende les barrières de son sport pour venir dans les discussions de monsieur tout le monde. C’est un indicateur de l’impact du sport moderne dans notre société du spectacle.

Maintenant je vous dirai que chacun est libre de ses actes. Ceux qui n’aiment pas le football n’ont aucune obligation de prendre un abonnement à BeIn Sport pour payer le salaire de notre ami brésilien. Par contre avant de s’attaquer à ceux qui le font sur le thème du “les africains n’ont pas assez pour manger” vous pourriez déjà vérifier pour voir ce que vous, vous faites pour ça.

Au final, cette polémique était quand même plus sympa qu’une rixe à Sisco …

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Stéphane Becker
Le jeux vidéo au pays des bretzels

CEO à Method In The Madness. Geek. Gamer. Développeur. Entrepreneur.