Le mois de Ramadan à Bruxelles pendant la canicule, un attentat, mes règles et les cours.

Ce que je retiens du Ramadan bruxellois 2017

Safia B.
Brussely
6 min readJun 24, 2017

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Le Ramadan de cette année en Belgique a eu lieu du 27 mai au 24 juin 2017. Jeûner du levé au couché du soleil, c’est-à-dire : de 3h du matin à 22h du soir. Oui, 19h sans manger, ni boire c’était faisable. Mais au-delà de la privation temporaire des besoins primaires, ce mois donnait place à la méditation. Voici ce que je retiens de ce mois lunaire.

Les musulmans qui ne veulent pas jeûner

“Ne pas médire sur les gens qui ne jeûnent pas car c’est aussi annuler son ramadan.”

J’ai remarqué que quelques personnes de mon entourage ne jeûnaient pas. Certes, la première chose à laquelle on pense quand on dit Ramadan, c’est de se priver de nourriture et boisson jusqu’au couché du soleil. Mais parler en mal derrière les gens est aussi considéré comme une interdiction qui peut invalider son jeûne.

On m’a souvent enseigné qu’il ne fallait pas juger, tout en invitant à conseiller de pratiquer. Soit on dit du bien, soit on se tait.

Haha ! Quand t’as lu le premier intertitre, t’as cru que j’allais juger, hein ^^?

La canicule ou le level warrior

Image piquée d’une photo de profil de Mustapha, un contact facebook à tendance taquine.

Oui, il faisait 32°C à Bruxelles le jeudi 22 et je l’ai bien senti. Les jours de canicule se passent assez facilement lorsqu’on est occupé comme ce fut mon cas pendant mes cours intensifs à temps-plein. Mais je me rappelle des années précédentes pendant lesquelles le Ramadan tombait en juillet-août lors du blocus de seconde session (oui, j’étais une abonnée au pack des 6 exams en seconde sess’), et mes syllabis servaient plus à m’éventer qu’à absorber de la connaissance.

Les dîners collectifs interculturels

Cette année, la communauté musulmane de Belgique a mis l’accent sur les iftars (dîner de rupture du jeûne) collectifs ouverts à tous. Des concitoyens de différentes spiritualités ont pu partager des moments organisés dans une hospitalité chaleureuse. C’est le pouvoir des chebakias.

Le plus grand big up revient au roi Philippe qui a partagé l’iftar avec une famille Gentoise. Le geste a été fortement apprécié par l’ensemble de la communauté musulmane.

Ceci n’est pas un iftar royal. (Source : Le Soir)

Plusieurs iftars ont été organisés par diverses associations de quartiers. L’initiative Iftarons.be a retenu mon attention comme plateforme permettant de partager un dîner de rupture de jeûne avec une famille musulmane. Les plus chanceux, bien évidemment, sont tombés sur une famille à la marocaine afin d’avoir une table des plus garnies et appétissantes. Cela va de soi.

Personnellement, après la réunion de rédaction Brussely à notre QG à MolenGeek, je me suis rendue avec Maria au Brassart, un café artistique qui organisait chaque mercredi la projection d’un documentaire suivie d’un repas sur la place communale de Molenbeek.

Au Brassart, tous les mercredis sur la place communale de Molenbeek. Nous cherchez pas. On n’est pas sur la photo. On était à l’iftar de la semaine d’avant et on n’a pas de photo. (Source : Facebook)

L’attaque de la gare centrale

“Même pendant le Ramadan. Je me demande à quoi ils croient vraiment.”

Pas de victimes mis à part l’assaillant abattu par les militaires. (Source :Twitter)

C’était un mardi. J’étais encore avec Maria. On avait décalé la réunion d’une heure car j’avais une interview d’un jeune rappeur au VK. On était en train d’améliorer le son d’une vidéo et le logiciel nous rendait chèvres par sa lenteur. La réunion enfin finie, on s’est rendue à la station de métro Comte de Flandre. Comme d’hab’. On attendait sur le quai. Comme d’hab’. Ligne 5. Comme d’hab’. Sauf que pas de métro. Juste une annonce sur ordre de la police : aucun métro assuré sur la ligne. On est sortie de la bouche de métro, et on a marché jusque la station Ribaucourt pour prendre la ligne 6. Sur le chemin, nos smartphones vibraient pour la breaking news : attentat à gare centrale. On devait descendre à cette même gare servie par la ligne 5 pour prendre nos bus respectifs. C’était à cet endroit-là qu’on se quittait après chaque réunion hebdomadaire. J’ai béni le logiciel que j’avais maudit 30 minutes plus tôt pour sa lenteur.

Avoir ses règles dans une classe à 90% masculine

En période de règles pendant le Ramadan, il y a deux catégories de filles : celles gênées qui se cachent pour manger, et celles qui ont trop la flemme pour élaborer des stratégies de cachotteries. Moi, je fais partie des extrémistes de la catégorie deux : celles qui mangent avant de réfléchir.

— Lui : Safia, tu ne fais pas ramadan?
— Moi : Si…
— Lui : Alors, pourquoi tu manges ?
— Moi : PARCE QUE J’AI MES REGLES !!!
(oui, je ne suis pas une sauvage, je lui ai expliqué que les femmes enceintes, celles qui allaitent, ou les personnes malades étaient aussi dispensées de jeûne…)

Maintenant, je ne me cache plus. C’est ce que je me suis dis. Désormais, je ne devrais plus avoir honte de dire que j’ai mes règles. C’est naturel, ça veut dire que tout va bien dans mon corps. Je ne le crierai pas non plus sur les toits — juste un article sur Medium — , mais je ne devrais plus rougir ou être gênée. J’espère faire pareil dans mon identité de femme que dans mon identité de musulmane.

La fête de l’Aïd : c’est dimanche !

Même si plusieurs musulmans de Belgique ne prennent pas trop le temps de marquer la fin du Ramadan et de fêter l’Aïd lorsqu’elle tombe en semaine, cette année, pas d’excuses : c’est dimanche ! Vous avez encore ce samedi pour faire du shopping et couvrir votre famille de cadeaux !

Bonus : moi, en train de rédiger cet article…

Après, je faisais moins ma maligne…

Et en train de garder la place de parking pour des potes en attendant intelligemment qu’elles ramènent des pizzas pour l’iftar. Ça, c’est la photo prise juste après avoir souhaité une bonne soirée à une dame qui m’a dit que ça faisait 30 minutes qu’elle tournait dans le quartier et que ce n’était pas sympa ce que je faisais. Après tout, ce n’était qu’une question de 10 minutes, le temps qu’elles reviennent. Ensuite, un autre conducteur est arrivé, et ce fut autre chose. Je n’avais plus la même tête de fière… Il m’a enguirlandé, a fait sortir sa femme de sa maison pour me convaincre en me disant que la seule place qu’on réserve, c’est sa tombe. J’ai cédé lorsqu’il a foncé avec sa voiture devant moi, pour la placer en double file.

Rendez-vous l’année prochaine pour d’autres aventures et réflexions ramadanesques. Bsaha Ramadan, et joyeuse fête de l’aïd à tous :)

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